Michel Banabila / Oene Van Geel : Music for viola and Electronics

Publié le 3 Octobre 2014

Michel Banabila / Oene Van Geel : Music for viola and Electronics

   C'est une rencontre. Entre Michel Banabila, compositeur de la scène électronique expérimentale néerlandaise, et Oene Van Geel, altiste et compositeur improvisateur qui passe allègrement du jazz à la musique indienne, participe à de multiples formations. Ils se sont rencontrés pour le Cloud Ensemble, ont décidé d'aller plus loin, d'où ce disque. Absolument magnifique, envoûtant.

   Le premier titre, "Sinus en Snaar", commence par ce qui ressemble à des sirènes, mais des sirènes suaves - comment ne pas penser encore une fois à cet album extraordinaire qu'est Weather  de Michael Gordon ? -, l'alto fondu dans les sons électroniques. Notes tenues, longs glissandos, de discrètes percussions sur un fond de drones. Le temps s'étire. Tout flotte dans une indistinction sensuelle où l'on entend parfois comme une voix subliminale murmurer très vite une syllabe. Le temps s'enroule autour des claviers, des bruits ponctuent  cet étirement, puis tout s'enfle, l'alto se dégage, trace des lignes légères, l'effet de sirène recommence, l'espace sonore s'approfondit, se strie de strates superposées. Vers la fin de la pièce, les bruits se déchaînent moelleusement avant le silence.

   "Dondergond" joue de la rupture, plus dissonant, percussif, grondant sur une base de boucles bourgeonnantes. L'alto virevolte, tout se détraque sans que le fil harmonique se perde, entre jazz et musique industrielle. L'archet frotte, grince, une batterie (synthétique) s'énerve : stratégie du chaos (titre évitable selon moi, trop long pour son contenu) qui permet de mieux apprécier la troisième composition, "Echoes from Hadhramaut". Nous serions donc à l'est du Yemen, sur le golfe d'Aden. L'Orient, le rêve : claviers brumeux, nappes lointaines, l'alto qui se contorsionne comme un serpent, lève la tête et considère avec dédain les environs. Le sable, partout le sable : nuages de particules fines, mirages, échos démultipliés. Graves fracturés au premier plan, aigus zigzaguant à l'arrière, tourbillons, le vent, puis la retombée dans la lenteur majestueuse, l'envolée des djinns, peut-être emploi de ce fameux violon Stroh, à pavillon, amplifié (qui serait originaire de Birmanie). On est en pleine cérémonie magique, chamanique, une basse rentre en transe pour finir.

   Que reste-t-il ? Rien sinon le ciel bleu, traduction du quatrième titre, "Nothing but Blue Sky", très ambiant et mélodieux : sculpture sonore délicate, raffinée, volutes et torsades en apesanteur qui s'éloignent ensuite dans des battements d'ailes aigus, d'aériennes nappes d'orgue. Au bout, c'est le Royaume de la Terre, "Kingdom of Earth" mystérieux, dépouillé, poignant. Terre des surgissements somptueux, irréels. L'alto déroule une mélopée très lente devant un paysage sonore mouvant qui s'anime peu à peu. Le système Doepfer A-100 modulaire de Michel Banabila fait merveille : textures miroitantes, on ne sait plus très bien ce qu'on entend, tout peut advenir dans ces changements à vue, ces virées diaphanes, ces timbres évanescents qui se résorbent dans un souffle.

   Un superbe mariage électro-acoustique !!

Paru en 2014 chez Tapu Records / 5 titres / 46 minutes

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

Alto, Doepfer A-100 modulaire...et violon Stroh.

Alto, Doepfer A-100 modulaire...et violon Stroh.

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 5 août 2021)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Ambiantes - Électroniques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :