Claudio F Baroni - Motum

Publié le 7 Août 2020

Claudio F Baroni - Motum

   Compositeur de musique expérimentale, Claudio F Baroni vit et travaille à Amsterdam. Il a étudié le piano et la sonologie en Argentine, puis la composition au Conservatoire Royal de La Haye, notamment avec Louis Andriessen. Motum signifie "mouvement", thème central des trois pièces rassemblées sur l'album.

   La première composition, in Circles II, en quatre mouvements de durée assez voisine, chacun entre huit et neuf minutes, est pour quatuor électronique, interprétée par l'Ensemble Modelo62. Le quatuor est composé de claviers (Teodora Stepancic), d'un violoncelle (Jan Willem Troost), d'une guitare électrique (Santiago Lascurain) et de percussions (Klara van de Kettrij). Dès le début, on glisse sur les sons par une série de glissandos : ils se succédent, se chevauchent, se mêlent, de telle sorte qu'on ne sait plus très bien à quel instrument on a affaire. Ce sont des corps sonores en mouvement qui nous entraînent dans un monde de traînées lumineuses, de résonances mystérieuses. Nous sommes comme environnés d'auras sonores à la courbe sensualité, ponctuées de touches percussives délicates. Le second mouvement  prend des allures orientales épurées avec les percussions qui sonnent comme des gongs, des bols chantants : c'est splendide, je pensais à Kaija Saariaho et ses Six jardins japonais. L'attention portée au son, saisi à la fois dans son origine et son développement dans la durée, ne sont pas sans rappeler aussi l'esthétique raffinée de Giacinto Scelsi. C'est une musique de l'intensité, non par la puissance, mais par la présence, la qualité harmonique, qui fait de chaque pièce une cérémonie. Peu à peu, on ondule avec la musique, son balancement extatique, comme dans le troisième mouvement, où les glissandos semblent s'enrouler autour de notre âme qu'ils caressent avec une infinie suavité. Le quatrième mouvement joue plus avec des notes percussives de hauteurs différentes, le clavier se faisant piano pour se mêler aux percussions. Les couleurs sont somptueuses. La pièce propose une série de plateaux hiératiques, comme une longue montée contemplative. Un chef d'œuvre !

   La seconde composition, Solo VIII-Air pour orgue, est interprétée par Ezequiel Menalled et le compositeur lui-même.  C'est un orgue qui semble respirer, tout entier enraciné dans des frottements à la limite de l'imperceptible, des drones. On y entend l'air devenir musique par une série de lentes et imprévisibles métamorphoses. Des surgissements, des grondements, soulèvent quelque chose de tellurique, de formidable. L'air rentre en fusion, il est fracturé de puissantes explosions graves, striées d'échappées plus aiguës. Nous sommes dans l'antre de Vulcain, au cœur d'une fournaise pulsante en expansion. Le son se volatilise, dirait-on, pour se solidifier en strates, en blocs filants qui s'échappent, s'éloignent, pour ne laisser subsister que la forge rougie traversée de sons déchirants, déchirés, et tout retourne vers le silence... D'une impressionnante, foudroyante beauté.

   Le Quarteto Prometeo interprète Perpetuo Motum, dernière œuvre du disque, fabuleux opéra ou ballet pour cordes glissantes qui s'entrecroisent, tissant une toile frémissante en perpétuel mouvement comme le veut le titre. D'où une dimension vertigineuse qui pourrait saturer et fatiguer l'oreille s'il n'y avait des chutes de tension, des ralentis bienvenus pour la reposer. Mais c'est indéniablement la pièce la plus difficile, à moins de l'écouter à volume plus doux que les précédentes, même si un long descrecendo occupe la seconde moitié de ces douze minutes et treize secondes.

Pièces préférées : les deux premières, qui occupent les quatre cinquièmes de l'album.

Paru en juin 2018 chez Unsounds / 6 plages / 62 minutes environ

Pour aller plus loin :

- la page d'Unsounds consacrée à Motum

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

Claudio F Baroni, photogrphie par Isabelle Vigier, 2018

Claudio F Baroni, photogrphie par Isabelle Vigier, 2018

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