Robert Gerard Pietrusko - Elegiya

Publié le 7 Août 2021

Robert Gerard Pietrusko - Elegiya

Élégie : poème mélancolique qui chante les plaintes et les douleurs de l'homme, souvent lié à la perte d'une personne. Morceau écrit généralement sur le mode mineur pour exprimer la tristesse. Concepteur et compositeur installé à Cambridge (Massachusetts), Robert Gerard Pietrusko se souvient de la chute de l'URSS, dont l'effondrement brutal surprit le monde, et nous propose un voyage autour des thèmes de la désintégration et du renouveau. Il nous dit avoir travaillé à partir de cinq motifs de piano, répétés, variés et extrapolés tout au long des neuf titres. Je dois dire qu'à l'écoute, j'ai eu du mal à retrouver ces motifs, mais peu importe. Elegiya est un disque qui nous emporte avec son foisonnement de drones, de textures électroniques mouvantes. Un disque épique, curieusement, aux paysages tumultueux, brumeux, ceux des saisons perdues (le diptyque "The Lost Seasons"!), des ciels rouges en train de disparaître - le bouleversant premier titre, "Perishing Red Skies" - dans des vagues très lentes à la douceur hypnotique. "The Room", le titre 4, est le plus impressionnant, le plus emblématique de cette quête sous-jacente d'un monde perdu à retrouver. On y entend presque les trompettes du Jugement dernier. Rien à voir avec une élégie larmoyante : c'est une lutte grandiose entre les formes, une tempête d'une incroyable beauté telle que Chateaubriand les aimait !

   "Iru descent" ronronne avec majesté, éclairé par les fastes de l'orgue, dans des éclaboussures sourdes le long d'une chute immense. L'élégiaque ici est détaché de l'intime, du personnel : il est d'ordre cosmique, il est consubstantiel à l'apparition puis à la disparition des formes sonores. Ce qu'exprime assez bien le huitième titre, "Painting eyes on Chaos" (peindre des yeux sur le chaos) : la perspective est si large qu'elle est métaphysique. Le musicien se bat avec les formes pour sortir du chaos, mais il y retombe inéluctablement. Les machines électroniques produisent des sonorités qui ne sont pas sans évoquer des trompes tibétaines aux inflexions déchirantes et déchirées, comme le frottement d'arrière-mondes fantomatiques tirés de leur non-existence par l'invocation musicale du compositeur. La stabilité des mondes ne résiste pas à la loi de la disparition. Au cœur du processus d'écriture, de ce surgissement de forme, il y a en germe la fin qui la détruira. C'est ce qu'on entend dans le dramatique dernier titre, "Everything Was Forever Until It Was No More" : l'effritement qui peu à peu délite la montagne, la belle assurance.

   Un disque puissant et beau !

Belle couverture sépia rougeâtre : un moine (ou une personne encapuchonnée qui nous tourne le dos) devant un cimetière (ou un jardin de simples) dans un parc. Devant ce qui va disparaître...

Paru en juillet 2021 chez room40 / 9 plages / 44 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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