Publié le 22 Juillet 2008

David Shea : sorcier de la musique électronique, maître de l'échantillonneur.
   Voilà un moment que je pense à vous présenter quelques vidéos inspirées par les musiques de David Shea (ou pour lesquelles il a composé la bande sonore), musicien dont l'un des morceaux sert d'indicatif d'ouverture à mon émission depuis quelques années, et auquel j'ai consacré un article le 3 juillet 2007.
One ride pony est le résultat de la collaboration entre la danseuse Suzanne Ohmann et l'artiste visuel Alex Vermeulen. La danseuse a remporté le premier prix au "Festival aan de Werf" d'Utrecht en 1995, avant d'avoir l'idée d'en faire un court film. La composition puissammment colorée, visuelle, de David Shea, écrite spécialement pour le film, est une réussite indéniable de la musique électronique. Plus de dix minutes inspirées pour apprécier l'été...
 

Seem est un court-métrage expérimental de Ben de Loenen et Tijmen Hauer réalisé pour le Festival International du Film de Rotterdam en 2005 sur une musique de David. Film magique en noir et blanc sur l'écriture, ses pouvoirs er ses illusions. Il est peut-être incomplet (?).

Le troisième film, Scènes de Seine, a été réalisé par Christian Jacquemin sur la musique de Tryptich III (version très proche de l'indicatif). Il propose une navigation dans un environnement urbain modélisé au moyen de formes simples et abstraites, s'inspirant du livre Espèces d'espaces de Georges Pérec, dont le prière d'insérer est dit par Philippe Mondon au début du film :

L'espace de notre vie n'est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça se cogne. Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d'un endroit à l'autre, d'un espace à l'autre sans songer à mesurer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d'espace. Le problème n'est pas d'inventer l'espace, encore moins de le ré-inventer (trop de gens bien intentionnés sont là aujourd'hui pour penser notre environnement...), mais de l'interroger, ou, plus simplement encore de le lire; car ce que nous appelons quotidienneté n'est pas évidence mais opacité: une forme de cécité, une manière d'anesthésie.

Le film est découpé en cinq scènes, chacune correspondant à une association entre une évocation géographique personnelle et un moment de la journée. 
Je dédie ce choix à Bernard T., que je remercie de ces réactions et suggestions.

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores en novembre 2020)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #David Shea, #Musiques Électroniques etc...

Publié le 18 Juillet 2008

Les Disques de l'année 2005
Les Disques de l'année 2005Les Disques de l'année 2005
   Ce blog date de fin février 2007, mais je ne m'interdis pas de regarder en arrière pour sélectionner les disaues marquants des années antérieures. Ces classements me permettront de brosser un panorama plus vaste de la production musicale de ce début de vingt-et-unième siècle, et même de la fin du siècle précédent. Avec le recul, tout se décante, aussi les classements seront-ils a priori plus resserrés. Je dis a priori, car je ne cesse de découvrir des disques formidables qui m'avaient échappé. Qui peut prétendre aujourd'hui suivre toutes les parutions ? Ces listes seront donc au besoin réactualisées au fur et à mesure des découvertes. Il pourra paraître surprenant que ni Steve Reich, ni Brian Eno, deux de mes musiciens de référence, ne soient pas parmi les cinq premiers : c'est que la concurrence est dure, les premières places étant occupées par des albums exceptionnels, magistraux, de compositeurs (ou d'interprètes dans le cas de Dominic Frasca) qui sont de la même étoffe, quoique moins connus, très injustement d'ailleurs.
                        
                                    
1.    Alvin Curran                 Inner Cities                     Long Distance
2.    David Lang                    Elevated                         Cantaloupe
3.    Dominic Frasca            Deviations                      Cantaloupe

 
Les Disques de l'année 2005Les Disques de l'année 2005
Les Disques de l'année 2005

4.     Pierre-Yves Macé        Circulations                    Sub Rosa
5.    Ikue Mori                        Myrninerest                      Tzadik
6.     David Shea                  The Book of Scenes       Sub Rosa

Les Disques de l'année 2005
Les Disques de l'année 2005Les Disques de l'année 2005
Les Disques de l'année 2005

7.     Steve Reich                  You are (variations)                          Nonesuch
8.     Half Asleep                    (We are now)seated in profile        Unique records
9.     Brian Eno                       Another day on earth                      Opal
10.   Ivá Bittova / Bang On a Can    Elida                                 Cantaloupe

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores en novembre 2020)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Classements

Publié le 8 Juillet 2008

Iva Bittova et Bang On a Can, la jubilation et la grâce.

   Iva Bittova est la musique incarnée, baignée depuis son enfance slovaque et moldave par la source tsigane colportée par son père poly-instrumentiste. Actrice, au théâtre comme au cinéma, elle joue du violon comme on respire, et elle chante, fidèle à l'injonction paternelle répétée dans les nuits de fête de l'Europe centrale. Quelle carrière que la sienne ! Interprète brûlante du folklore de son pays, elle est de toutes les expériences, les plus folles de préférence, par-dessus les frontières, puisqu'elle joue aussi bien avec le guitariste Fred Frith, le plus incandescent des avant-gardistes, qu'avec Bang on a Can, les instrumentistes guerriers au service de toutes les nouvelles musiques. La rencontre avec ces derniers donne Elida, disque magnifique paru en 2005 chez Cantaloupe, le label fondé par David Lang, Michael Gordon et Julia Wolfe.

Oubliez tous les clichés sur la musique folklorique ! Aucune fétichisation du passé, mais une interprétation fougueuse d'un répertoire habité par une voix, un corps qui sur scène vit la musique en l'incarnant, sur disque la rencontre magique entre une musicienne accomplie et l'un des ensembles de chambre les plus talentueux. Même aux États-Unis, elle n'a pas renoncé à sa langue, ce que je salue à l'heure où tant de français croyant élargir leur audience et...leurs ventes adoptent un anglais insipide. Sa langue, elle en joue comme elle joue du violon, elle est câline, joyeuse, elle jubile, danse, quelque part entre Meredith Monk, Hans Eisler et la tsigane inconnue. Bang On a Can épouse toutes les inflexions de la chanteuse, l'enveloppe dans une interprétation à la fois dynamique et sobre, très aérée, qui laisse la place à de splendides moments suspendus, lorsque la langue perd les mots comme à la fin de Nejsi ou dans Bolis me, Lasko. Piano, basse, percussions, guitare électrique, violoncelle, clarinettes, mais aussi banjo et harmonica soutiennent Iva dans ce parcours tourbillonnant ou rêveur, où les chansons alternent avec titres ou passages purement instrumentaux. Hopahop Talita, le titre 5, déploie sur neuf minutes un très beau dialogue élégiaque entre clarinette, violoncelle et piano, que le violon vient relancer et enjouer, rejoint par les autres instruments, avant de laisser la place à un passage en équilibre sur le silence, piano comme sur des pointes et guitare électrique tout en zébrures retenues s'effaçant ensuite devant le grave violoncelle et une ultime poussée festive, irrésistible. Une rencontre réussie de bout en bout, musicalité et bonheur, la vie imprévisible...
Paru en 2005 chez Indies Records / 9 plages / 46 minutes environ

Pour aller plus loin :

- le site d'Iva Bittova.
- album en écoute et en vente sur bandcamp

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores en novembre 2020)

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Publié le 7 Juillet 2008

Lois Svard, pianiste à la recherche de nouveaux paysages musicaux.

   Lois Svard s'intéresse aux musiques expérimentales américaines. En 2005, elle a publié un DVD consacré à la musique pour piano préparé de Annea Lockwood, compositrice américaine originaire de Nouvelle-Zélande qui explore les territoires musicaux les moins conventionnels. Elle enseigne le piano à la Bucknell University et, surtout, on lui doit trois disques enregistrés dans les années 90.
     Other places rassemble des pièces de trois compositeurs américains d'aujourd'hui.
   Variations on the Orange cycle de Élodie Lauten, compositrice américaine d'origine française vivant à New-York, élève de La Monte Young et de Pandit Pran Nath (maître du précédent, mais aussi de Terry Riley...), est une révélation, un magnifique travail sur la suspension du temps. Dans cette pièce en quatre mouvements, d'une durée totale d'environ vingt-cinq minutes, Elodie dit être partie de la fréquence du ton terrestre dans son cycle de 24 heures, représentée par la vibration de la couleur orange. La phase 1 est d'un calme nuageux, fondée sur des répétitions hypnotiques d'abord presqu'immobiles, puis s'accélérant dans un tournoiement qui évoque les ragas indiens. Chromatique, la phase 2 creuse des grappes de notes dans un chant admirable, qui pourrait virtuellement toujours renaître sur les ruines de sa beauté inépuisable : longue extase, extinction du temps nié par la houle infinie, avant de nous laisser autres sur la grève si douce. La phase 3 chatoie de sa polytonalité, de ses irrégularités rythmiques : le piano se fait virtuose, escalade des massifs de notes glissantes. Quant à la dernière phase, elle danse comme dans certains morceaux de Terry Riley, c'est la jubilation du temps reconquis !

   Le programme continue avec Trapani (stream) "a" de Jerry Hunt (1943-1993), artiste multimédia et compositeur de musique interactive pour ordinateur. La pièce est une succession d'accords variés auxquels s'ajoutent tremolos, jeux de pédales. La pianiste porte des clochettes aux poignets, dont les tintements discrets, fonction de la vitesse de frappe et de la position des mains, accompagnent de manière discontinue le continuum harmonique tantôt agité, tantôt apaisé d'un peu plus de treize minutes qui fait forcément de chaque interprétation une performance, de chaque écoute une expérience des caprices du déploiement temporel.
   La Desert sonata de Kyle Gann, compositeur que je présenterai dans un article à paraître bientôt, conclut ce grand disque inactuel (revenons parfois au titre de ce blog...). Début solennel, dramatique, atmosphère néo-romantique, comme un mystérieux cérémonial, c'est Wind, le premier mouvement, traversé de brèves courses échevelées où l'on peut entendre des échos du piano mécanique de Conlon Nancarrow, auquel Gann a d'ailleurs consacré un livre. Le second mouvement, Night, commence plus mystérieusement encore, hanté, avançant par courtes séquences qui interrogent avec obstination le silence. Puis quelque chose se délie, le piano se fait plus volubile l'espace de quelques secondes, avant d'être comme happé à nouveau par l'épaisseur de l'insondable. Morceau magique et frémissant...

Paru en 1997 chez Lovely Music / 7 plages / 57 minutes environ

- une autre version des magnifiques Variations on the Orange cycle :

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores en novembre 2020)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Contemporaines - Expérimentales