Publié le 19 Décembre 2011

Avec un peu de recul, je vous propose un panorama des musiques singulières de 2010. Classement subjectif, fluctuant selon l'humeur, qui procède par "blocs", tant il est impossible de décréter qui est le meilleur dans un ensemble de disques magnifiques. Disons que le bloc 1 correspond à ce que j'appelle "les absolus" : il comprend deux rééditions, j'assume, c'est le côté "INACTUELLES", auquel je tiens. Les noms des interprètes sont en italiques pour les différencier des compositeurs. Les liens vers les chroniques sont dans les titres des albums, au centre. Vous remarquerez que figurent des disques non chroniqués, parce que je n'ai pas pris le temps de le faire, et que finalement je les aime bien, en dépit de leurs imperfections.

Meph. - Tu penses à Élastik, par exemple.

Dio. - Oui, parce que tu as insisté...

Meph. - Les participations d'Horror 404 me ravissent !

Dio. - Je sais que tu te complais dans le sombre.

Meph. - Ça réveille, ça décape ! Salutaire ! Mais pourquoi Natacha Atlas, dont tu n'as jamais parlé ? Tu te guimauvises ?

Dio. - Nostalgie d'Orient, besoin de suavité. Elle figure quand même dans certains programmes d'émissions. Ce qui reste des musiques du monde, que je fréquentais davantage voilà quelques années.

Meph. - Un grand merci pour avoir fait figurer Kafka, excellent groupe français de post-rock.

Dio. - J'aime assez ce lyrisme flamboyant des guitares. Mais laissons nos amis internautes découvrir notre rétrospective, sans doute cruellement incomplète. D'autant que certains musiciens ont disparu mystérieusement de la sélection...

Meph. - Tu es imprévisible ! Nous attendons de pied ferme leurs suggestions enthousiastes, indignées. Il nous restera à constituer des addenda...

Dio. - Et à rejoindre les cortèges de pénitents noirs, je te vois venir...

1/ David Mahler              Only Music Can save Me Now                  New World Records

Alvin Curran                      Solo Works : the 70's                                  New World Records

Élodie Lauten                     piano works                                                Unseeen Worlds Records

Jeroen van Veen & Friends  Minimal piano Collection (Vol.X-XX)    Brilliant Classics

Les disques de l'année 2010.

2/ Grand Valley State University New Music Ensemble

                                                  In C remixed                                               Innova Recordings

Terry Riley                            In C (par le Salt Lake Electric Ensemble)  (autoproduit)

itsnotyouitsme                      Fallen monuments                                      New Amsterdam Records

Steve Reich                           Double Sextet / 2x5                                     Nonesuch

Les disques de l'année 2010.

3/ Maya Beiser                    Provenance                                                  Innova Recordings

Nico Muhly                          I drink the air before me                             Bedroom Community

Sarah Kirkland Snider       Penelope                                                     New Amsterdam Records

Peter Broderick                   How they are                                              Bella Union

Les disques de l'année 2010.

 4/ Brian Eno                         Small Craft on a milk sea                           Opal / Warp

Autechre                               Oversteps                                                    Warp

Psychoangelo                     Panauromni                                                 Innova Recordings

Guillaume Gargaud           Lost Chords                                                DeadPilot Records

Les disques de l'année 2010.

5/ Olivier Capparos & Lionel Marchetti

                                                 Kitty Hawk, le sable et le vent                    Césaré

Fuse Ensemble                     L'Usina mekanica                                       (autoproduit) 

So Percussion / Matmos    Treasure state                                              Cantaloupe Music

Alva Noto & Blixa Bargeld  mimikry                                                      Raster-Noton

Les disques de l'année 2010.

6/  Antony & the Johnsons  Swanlights                                                Rough Trade

Max Richter                           Infra                                                            FatCat

Victoire                                   Cathedral City                                            New Amsterdam Records

Slow Six                                 tomorrow becomes you                              Western Vinyl

Les disques de l'année 2010.

7/ Laurie Anderson             Homeland                                                   Nonesuch

Clogs                                       The Creatures in the garden of Lady Walton

                                                                                                                     Brassland

Sig                                            Freespeed sonata                                       Makasound

Elastik                                       Metalik                                                      Sounds Around Records

  8/ Pantha du Prince                  Black noise                                                 Rough Trade

Kafka                                       Geografia                                                    Pyromane Records

Dawn of Midi                          First                                                            Accretions

Brain Damage                          Burning before sunset                                 Jarring Effects

Natacha Atlas                          Mounqaliba                                                 World Village / Harmonia Mundi

Les disques de l'année 2010.
Les disques de l'année 2010.

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 14 avril 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Classements

Publié le 10 Décembre 2011

Michael Gordon - Timber : Foisonnant désert percussif !

   Michael Gordon, l'un des trois cofondateurs du festival Bang On A Can, ce creuset formidable où se rencontrent les énergies des musiques pop-rock et la rigueur de l'écriture contemporaine, avait décidé de quitter pour un temps le domaine orchestral, dans lequel il avait donné des pièces amples, ambitieuses. Invité en 2009 par le Slagwerk Den Haag, un ensemble de jeunes percussionnistes néerlandais, il a donc décidé que Timber serait pour des percussions non accordées, et que chaque percussionniste ne jouerait que d'un instrument. Il voyait le processus compositionnel comme un voyage dans le désert, espérant que le paysage désolé et la lutte pour la survie l'aideraient à clarifier son esprit et lui apporteraient des visions... Tel est le point de départ d'une des œuvres les plus abouties, les plus stupéfiantes de Michael Gordon, qui m'avait moyennement convaincu dans ses grandes "machines" orchestrales comme Decasia (2001). Avec cette pièce, je le retrouve au meilleur de son énergie, de son sens inné de la transe.

      

Comme il voulait une percussion au son très sec, proche de l'électronique, après quelques essais le directeur artistique de l'ensemble néerlandais, Fedor Teunisse, lui a apporté des simantras en bois qu'ils conservaient parmi leurs instruments et matériaux divers. Ce beau mot désigne d'abord une percussion liturgique grecque. Iannis Xenakis en a utilisé. Ce sont plus couramment des poutres de bois, appelées 2x4, posées sur des sortes de tréteaux, frappées avec des mailloches. Le défi, c'était en somme de produire de la musique avec...des matériaux de construction ! On entend bien la frappe très claire, qui produit des champs harmoniques évidemment exploités par Michael Gordon.

   La composition, en cinq parties pour presque cinquante-cinq minutes, est fondée sur des motifs montant et descendant. Les six interprètes forment un cercle, chacun frappant un seul simantra, puis deux dans les parties quatre et cinq. Curieusement, on est très vite enveloppé par les vagues rythmiques produites par les frappes rapprochées. Si la pièce exige concentration et virtuosité de ses exécutants, elle exerce sur l'auditeur une fascination hypnotique impressionnante. Sous le crépitement des chocs circulent des nappes sonores profondes, fluides. Comme de la lave qui se vaporiserait dans des halètements, des lâchers de bulles rutilantes. Et n'imaginez surtout pas que l'on s'ennuie pendant l'écoute, tant la composition est vivante, animée de mouvements quasi respiratoires, de girations, de contractions et d'expansions qui font de l'œuvre un nuage percussif, une constellation mouvante, un univers en soi !

   Le boîtier en bois massif, si agréable au toucher, est un prolongement naturel de cette composition magistrale : l'équipe de Cantaloupe ne néglige rien !

Paru chez Cantaloupe Music en 2011 / 5 titres / 55 minutes

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp

- si vous souhaitez écouter d'autres compositions de Michael Gordon, ma sélection (provisoire...) :

Michael-Gordon-Selection.jpeg

 

Trance est initialement sorti sur le label Argo en 1996, avec une autre couverture / Weather et Light is calling chez Nonesuch Records en 1998 et 2004.

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 14 avril 2021)

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Publié le 3 Décembre 2011

Jeroen van Veen & Friends - Minimal piano collection (vol.X-XX) : la bible du minimalisme (suite)

   Jeroen van Veen, compositeur et pianiste néerlandais, est un infatigable ambassadeur du minimalisme. Le deuxième volet de l'anthologie Minimal piano Collection, commencée en 2007 sur le label Brilliant Classics, est sorti depuis un an. Un travail monumental à mettre en parallèle avec l' Anthology of noise and electronic music dirigée par Guy Marc Hinant sur le label bruxellois Sub Rosa. Le coffret rassemblant les dix premiers volumes pour piano solo se terminait sur une adaptation pour plusieurs pianos de l'incontournable "In C" de Terry Riley, transition vers ces nouveaux Cds consacrés aux compositions pour deux à six pianos.

    Ceux-ci s'ouvrent sur les soixante-dix-neuf minutes et seize secondes des vingt-cinq sections du "Canto Ostinato" de son compatriote Simeon ten Holt, né en 1923, qui fut l'élève à Paris d'Arthur Honegger et de Darius Milhaud : une adaptation pour deux pianos, interprétée par Jeroen et son épouse Sandra, de cette composition monumentale, à l'origine pour quatre pianos, écrite entre 1976 et 1979. Magnifique entrée que cette musique d'une incroyable fraîcheur, au rythme entraînant, constamment chantante : l'auditeur est porté par une douce houle, dont la surface est aérée par des bulles mélodiques récurrentes. Cette musique est naïve, dans la plus belle acception du terme, animée d'un rêve de jouvence, de perpétuelle renaissance. Vous voilà prêts au long bain de vigueur qu'est le minimalisme bien compris, chaque Cd gorgé à bloc. Si les minimalistes américains se taillent évidemment la part du lion, vous y rencontrerez aussi le sud-africain Kevin Volans, l'anglais Tim Seddon, le russe Alexander Rabinovitch, l'estonien Arvo Pärt, le belge  Wim Mertens, quelques autres néerlandais, mais aucun français...la renommée de Frédéric Lagnau étant peut-être trop limitée. Je n'irai pas jusqu'à dire que tout est admirable dans ces dix volumes, mais que de pages splendides rassemblées : le "Long night" de Kyle Gann  pour trois pianos, "Two pianos" et "Piece for four pianos" de Morton Feldman, "Piano phase" et "Six pianos" (évidemment !) de Steve Reich, avec un volume XIX extraordinaire. D'abord , du Philip Glass, du meilleur : "In Again Out Again" (en écoute plus bas), de 1968, une pièce qui s'apparente à "Piano phase" de  Steve Reich, avec une structure en miroir, chaque pianiste jouant vingt motifs, le premier de 1 à 20, le second de 20 à 1. Puis "Theme von Wiek", de son compatriote Douwe Eisenga, une de mes belles découvertes récentes : une ronde envoûtante, gracieuse, tout en transparences mélancoliques. Puis les deux pianistes attaquent "Orpheus Over and Under" (en écoute aussi plus bas) de David Lang, composition de 1989 basée sur des tremolos crescendo et decrescendo, en strumming à la Charlemagne Palestine, mais avec la rigueur implacable de David. C'est un obstiné forage pour accoucher d'une beauté vertigineuse. Enfin le capricieux et concertant "Incanto" (en écoute plus bas) du pianiste-compositeur lui-même, inspiré par sa machine à café de marque Incanto, nous confie-t-il, et par une chanson pop qu'il écoutait beaucoup dans sa voiture, chanson réduite, augmentée, variée : pièce enjouée, qui caracole en grappillant des notes nouvelles, rebondit, virevolte, se suspend pour mieux repartir.

   La musique minimaliste est au fond un hymne vibrant au bonheur de vivre, un refus de la crise, de la déprime fabriquée par des médias trop souvent aux bottes de la finance ivre de son pouvoir illusoire. Il faut revenir aux sources, par delà les artefacts d'une civilisation égarée.

Paru en 2010 chez Brilliant Classics / 10 Cds / 83 pièces / 854 minutes

Pour aller plus loin

- le site de Jeroen van Veen

- l'intégrale de "Canto Ostinato" de Simeon ten Holt, en concert en septembre, interprété par Jeroen et Sandra van Veen, Elizabeth et Marcel Bergmann :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 14 avril 2021)

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