Bruce Brubaker (2), défricheur des musiques d'aujourd'hui.

Publié le 13 Décembre 2009

Bruce Brubaker (2), défricheur des musiques d'aujourd'hui.
  Bruce Brubaker fait décidément partie de ces rares pianistes qui n'ont peur de rien, qui vont jusqu'au bout de leurs enthousiasmes musicaux. Sur hope street tunnel blues, sorti en 2007, il propose un programme qui alterne des œuvres de Philip Glass et d'Alvin Curran. Si le premier a gagné les faveurs du grand public, le second reste dans l'ombre alors qu'il est l'un des compositeurs majeurs de ce temps. De Glass, Bruce interprète une transcription de "Knee Play 4", un fragment de l'opéra Einstein on the beach", "Wichita Vortex sutra", deux morceaux typiques de ce minimaliste au lyrisme fluide, le célébrissime "Opening",  un morceau que je ne me lasse pas de réécouter, mais aussi une des très belles études pour piano, la cinquième, intériorisée et frémissante, un versant moins grand public de ce compositeur prolifique. D'Alvin Curran, Bruce retient le morceau éponyme, prodigieux, une machine à accumuler de l'énergie avant de se résoudre en fleuve irrésistible, en vrai blues lancinant. Et il se lance à nouveau dans ce monument pour piano, "Inner cities", dont il interprète cette fois, après la première pièce sur son disque précédent, la seconde, tout aussi radicale dans sa beauté  lumineuse et désolée, dans son obstinée recherche d'absolu. Plus de vingt minutes si loin des vaines agitations, si près du son originel et ultime à la fois...

Paru en 2007 chez Arabesque Recordings / 6 plages / 60 minutes environ
Bruce Brubaker (2), défricheur des musiques d'aujourd'hui.

   Fidèle à Philip Glass, Bruce Brubaker a sorti voici quelques mois un nouvel opus où il interprète ses six études dans la version originale de 1994. À écouter pour ne pas enfermer le minimaliste dans des clichés injustes ! Comme dans ses disques précédents, le pianiste en profite pour entraîner ses auditeurs vers de nouveaux continents. Cette fois,  vers un autre de ses compatriotes, né en 1943, William Duckworth, compositeur, professeur de musique à l'université de Bucknell, à qui l'on doit un superbe cycle pour piano, The Time curve preludes (1977-1978), que certains considèrent comme l'une des premières manifestations du postminimalisme. En tout cas, un grand cycle, dont nous n'avons ici que le premier livre de 12 préludes. Alors, un Debussy du postminimalisme ? Assez juste pour quelques pièces vaporeuses, lignes impalpables et clapotements. Il y a aussi du John Cage - compositeur qu'il a beaucoup étudié, dans ces pièces imprévisibles, discrètement envoûtantes, je pense au sixième prélude, carillon en boucles serrées, l'une des pièces où le titre d'ensemble se comprend le mieux, l'auditeur pris dans les filets du temps courbe. Comme des miniatures d'une extraordinaire fraîcheur, labiles, des truites qui s'échappent dans les éclaboussures, éblouissantes et rieuses.

Time Curve (Musique de Philip Glass et William Duckworth)

Paru en 2009 chez Arabesque Recordings / 18 plages / 70 minutes environ
Pour aller plus loin
- mon article précédent consacré au pianiste, le 19 novembre.
- une vidéo où Bruce montre comment il "prépare" son piano pour jouer la musique de William Duckworth.

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 janvier 2021)

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