musiques contemporaines - electroniques

Publié le 19 Octobre 2013

Chophars, sirènes de navires et cornes de brume.

De quelques musiques d'Alvin Curran et d'Ingram Marshall.

   Un lecteur me signalait qu'après la lecture de mon article consacré à Shofar rags d'Alvin Curran, l'écoute des Maritime rites, un double cd paru chez New Albion Records, du même compositeur, s'imposait. Maritime rites (images et extraits sonores ici), c'est une série de concerts donnés sur des lacs, rivières ou grands ports, par des musiciens installés sur des barques, et d'installations sonores à base de sirènes de navires. Le projet, né dans les années soixante-dix, est toujours en cours, le dernier concert ayant eu lieu à Rome en 2012.

   Or, les sirènes ne sont d'une certaine manière qu'un avatar moderne, de l'époque industrielle, des cornes d'animaux utilisées dans des temps reculés et dont le chophar, corne de bélier du rite israélite, perpétue l'ancestrale tradition. Dans tous les cas, ces sons de cornes ou sirènes sont des appels à l'attention, au rassemblement, à la prière. À la menace de la dispersion, de l'exil, de la perte, ils répondent par la convocation de notre éveil et, en nous reliant aux origines, fussent-elles mythiques, veulent redonner du sens à nos petites vies limitées. D'un seul coup de corne ou de trompe, c'est la perspective même de l'éternité qui nous est suggérée : le rapport retrouvé aux autres, à l'Autre, agrège à nouveau une humanité de fait atomisée en milliards d'individus perdus dans la satisfaction de leurs intérêts égoïstes. Aussi n'est-ce peut-être pas un hasard si un artiste comme Alvin Curran, héritier de la tradition de la musique expérimentale américaine et donc individualiste forcené, en dehors de toutes les écoles et chapelles artistiques, accorde une telle place à ces instruments du lien immémorial.

(image ci-dessus: Alvin Curran sonnant du chophar à Rome, ville où se rencontrent étonnamment le religieux et le bestial - notamment celui des jeux du cirque, avec le Colisée à l'arrière-plan)  

De plus, la pratique de la musique électronique, dont il est aussi un pionnier avec le groupe Musica Elettronica Viva, indissociable des techniques du collage, du mix, de l'échantillonnage, risquerait d'aboutir à des compositions patchwork, à des bricolages insensés. Le recours au chophar, aux sirènes, contribue à transcender ce morcellement anhistorique, à lui insuffler une unité reconstituante, si l'on peut dire. Ces instruments ne sont-ils pas une forme supérieure des vents ? Comme eux, ils emportent, transportent, nous animent soudain d'une flamme, alors que dans le même temps leurs vibrations font passer sur nous l'ombre d'un mystère. Voix enrouées, souffles brumeux, halètements sourds, sons à la limite de l'audible, mais toujours un brin spectraux, vous nous envoûtez par votre carmen aux contours sonores mouvants, vous remuez en nous un marécage de sensations enfouies depuis tant de générations qu'on vous passe votre dimension rudimentaire, que c'est peut-être elle, justement, qui nous plaît sans qu'on ose toujours se l'avouer dans vos sonneries farouches et maladroites.

   C'est la mer soudain qu'on entend retentir, le grand océan primordial contemporain du chaos, avant la séparation des éléments. Ces appels traversent les brumes, les brouillards accumulés, accrochés au fil des siècles. Ils matérialisent, pendant la durée d'un souffle, l'épaisseur du Temps, et c'est en quoi ils sont toujours si troublants, d'autant plus que nous sentons qu'ils surgissent simultanément des tréfonds de nous-mêmes, se frayant un passage entre les dalles polies de notre personnalité civilisée dont nous sommes si fiers mais, nous le comprenons alors en entendant de telles proférations, si prisonniers. Ils sont les souvenirs lancinants d'une liberté sauvage, les lambeaux pitoyables d'une vie effrénée, animale. C'est pourquoi Alvin recourt à des échantillons qui pourraient sembler disparates si l'on refusait de voir ce qui relie le religieux et le bestial. La bête est toute entière créature et, comme telle, témoigne du divin le plus brut, perdu à jamais pour l'homme imbu de sa supériorité, qui s'éloigne toujours plus dans un monde façonné par son esprit épris de rationalité. La prière ne vise rien moins, au fond, qu'au retour vers une incarnation naïve, antérieure à tout péché. C'est ce qu'exhale le chophar, par-delà la liturgie, dans la musique d'Alvin Curran. Quant aux sirènes de navire, aux cornes de brume, étymologiquement fabuleuses, elles enracinent les expérimentations musicales d'aujourd'hui dans un imaginaire rêveur plus vrai, plus frais que notre univers d'artefacts.  

 

Chophars, sirènes de navires et cornes de brume.

   Ingram Marshall, compositeur américain pionnier, lui aussi, des musiques électroniques, utilise régulièrement les cornes de brume. "Fog tropes", une pièce de 1982 parue chez New Albion Records, inclut des enregistrements de cornes de brume de la baie de San Francisco, des sons maritimes et une flûte balinaise, la flûte gambuh, vaporeuse et veloutée à souhait, dans une sorte de collage sur bande magnétique pré-enregistrée, mixé avec un sextet de cuivres (paires de trompettes, de trombones et de cors) lui-même retraité à travers un système numérique de retardement. Mais tandis qu'Alvin Curran n'hésite pas à jouer par moments sur les contrastes de textures, les heurts et ruptures sonores qui exhibent le disparate pour mieux exprimer la volonté de jouer de tous les sons de tous les temps, donc de brasser toute l'histoire sonore en l'actualisant dans un geste de réappropriation quasiment démiurgique, Ingram Marshall a plutôt tendance à atténuer les écarts, à harmoniser ses matériaux, d'où une impression de fondu sonore, favorisé par la proximité de timbre entre cuivres et cornes de brume. Pas de traversée du temps, de concaténation temporelle, de tentative pour vivre simultanément le plus ancien et le contemporain. Non, une plongée dans une zone intermédiaire, hors du temps ou dans une temporalité indéterminée, peuplée d'esprits et de fantômes. L'électronique et l'acoustique deviennent indiscernables, animées des mêmes ondulations, ourlées de franges harmoniques flottantes. Quelque chose émerge de l'indistinct. La musique d'Ingram Marshall rejoue le drame primordial de la naissance, mais pour engendrer des ectoplasmes sonores qui ne rejoindront jamais le présent. Elle sourd des limbes, y plane, vaguement inquiétante et en même temps fascinante. Musique de l'inquiétante étrangeté au potentiel dramatique exploité par les deux films qui l'ont inclus dans leur bande originale, Cerro Torre, le cri de la roche (1991) de Werner Herzog, et Shutter Island (2010) de Martin Scorsese (voir mon article à ce sujet).

(ci-contre : corne de brume de la baie de San Francisco)  

   En 1993, "Fog Tropes II", sur l'album Kingdom come sorti en 2001 chez Nonesuch Records, reprend la bande magnétique de la première version, qu'il combine avec un quatuor à cordes, en l'occurrence le Kronos Quartet. Les contrastes sont évidemment plus marqués, mais la lumière baisse peu à peu, les graves l'emportent, les fantômes reviennent entre les cadences de plus en plus élégiaques des cordes, si bien que l'œuvre est au final plus déchirante, plus luciférienne en ce sens qu'elle évoque comme une chute magnifique et terrible, celle de l'archange rebelle condamné à devoir se contenter des ténèbres, et dont la pièce donne à entendre les voltes, les efforts sublimes et vains de remontée. Ici, les cornes de brume signent un exil définitif.

   Chophars, sirènes de navire et cornes de brume relient la musique d'Alvin Curran à un monde édénique. Le collage d'échantillons variés - prières, cris d'animaux, bruits... - convoque pour l'auditeur des strates éloignées de l'histoire humaine, embrassée dans une saisie passionnée, totalisante. L'électronique y est le continuum magique qui charrie la variété merveilleuse retrouvée du monde. Pour celui qui sait bien sonner, rien n'est perdu, toute la beauté inépuisable de la création peut se déployer, que ce soit dans des envolées psychédéliques ou des cacophonies débridées. Pas de place pour la nostalgie dans cette célébration sensuelle, gourmande. Par contre, les cornes de brume d'Ingram Marshall, séduisantes comme des sirènes d'ailleurs, sont l'écho d'un autre monde, perdu peut-être, qui vit quelque part d'une vie presque larvaire mais sombrement expressive. Elles sont ambivalentes, liées à des lieux écartés, maudits : pénitencier (Alcatraz), enfers...Chez Ingram Marshall, elles sont le signe d'un romantisme contemporain, d'une inquiétude somptueuse.

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( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 juillet 2021)

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Publié le 11 Octobre 2013

David Borden - L’histoire ininterrompue du contrepoint

  ( C'est avec grand plaisir que je publie cet hommage de Timewind, lecteur et chroniqueur intermittent, à David Borden, compositeur encore absent de ces colonnes, alors même que j'ai beaucoup écouté et apprécié The Continuing Story of Counterpoint, vaste ensemble paru il est vrai bien avant la naissance de ce blog en 2007, mais ce n'était pas un raison pour continuer à l'ignorer !)

  

Né en 1938, David Borden est le grand oublié de la génération des pères fondateurs du minimalisme et de la musique dite répétitive ; et c’est à la fois normal et dommage. Normal, car soyons franc, David Borden n’est pas un grand compositeur et ne peut en rien être comparé à ses condisciples Glass, Reich, Riley. Dommage, car David Borden eut l’idée de faire se rencontrer la musique répétitive et les synthétiseurs, et plus particulièrement les fameux Moog.

   C’est en 1967, que David Borden fait la connaissance de Robert Moog, une rencontre qui va profondément modifier sa façon d’aborder la musique et les instruments. Il sera pour ce dernier - bien involontairement dans un premier temps - un « testeur » pour ses nouveaux instruments. Et il commencera alors tout naturellement à jouer et à composer des oeuvres pour synthétiseurs.

   En 1969 il crée avec Steve Drews le Mother Mallard (Portable Masterpiece Company), un ensemble de synthétiseurs et d’instruments amplifiés et donne en 1970 le premier concert utilisant un prototype de ce qui deviendra le fameux Minimoog. Va suivre toute une série de  concerts où ils interprétent sur scène des œuvres de John Cage, Robert Ashley, Terry Riley, Philip Glass, Steve Reich...En 1971, Linda Fisher les rejoint et Mother Mallard ne joue désormais quasiment que des œuvres de Steve Drews et David Borden. Le groupe connaitra par la suite de nombreux changements de musiciens autour de David Borden, et celui-ci sera rejoint par son fils Gabriel (à la guitare électrique) dans les années 80.

   Si David Borden a une grande admiration pour Steve Reich et Philip Glass, c’est toutefois par In C de Terry Riley et par le jazz qu’il jouait sur scène dans les années 60 qu’il dit avoir été le plus influencé. Si beaucoup de critiques, et souvent le public, l’ont comparé à Steve Reich et Philip Glass, il y avait une différence à ses yeux fondamentale dans son approche de cette musique : alors que Steve Reich et surtout Philip Glass utilisaient des instruments amplifiés, entre autres des orgues, David Borden utilisait des synthétiseurs, ce qui faisait une grande différence de sonorité, et créait un univers musical très différent.

  

The Continuing Story of Counterpoint (1976 - 1987) est une œuvre en douze parties pour synthétiseurs, instruments acoustiques et voix. Oeuvre cyclique dont les parties font référence les unes aux autres d’une manière ou d’une autre. Son titre a deux origines : une oeuvre de Philip Glass, An other look at harmony, qui conforta Borden dans son approche contrapuntique de la musique, et le titre d’une chanson des Beatles « The Continuing Story of Bungalow Bill » extraite de l’album blanc.

   Découvert au hasard dans un bac du temps lointain des disquaires, The Continuing Story of Conterpoint, Parts 9-12, m’avait presque sauté dans les mains : achat impulsif, attrait de ce titre mystérieux! À l’écoute, je découvrais une musique à la fois familière et totalement différente de tout ce que je connaissais déjà, du Philip Glass joué par Klaus Schulze ou Tangerine Dream en quelque sorte. Avec de belles séquences rythmiques, mais ici, pas de séquenceurs, juste des musiciens.
   La Partie 9 est à la fois le premier morceau de David Borden que j’ai écouté et celui que je préfère, sans doute en souvenir de l’émotion musicale ressentie. Tout d’abord, il y a ce son, un son très chaud, enveloppant, presque ouaté, et ces claviers qui virevoltent comme des séquenceurs. Des lignes harmoniques qui frisent par moments la mélodie et qui sont doublés par une voix et une clarinette contrebasse. Dans la partie 9, Borden utilise trois lignes musicales rapides et trois lentes ce qui donne à la musique une texture légère. La partie 9 dure quinze minutes, et ses quinze minutes sont à chaque fois que je les écoute, quinze minutes de bonheur.


Discographie :  

The Continuing Story of conterpoint est publié en trois CD (Parts 1-4 + 8 complete / Parts 5-8 /  Parts 9-12)

   Trois disques témoignent des enregistrements et des concerts des années 70 :
- Mother mallard’s Portable Masterpiece Co. 1970-1973: avec deux pièces de Steve Drews et trois de David Borden dont "Easter", la première pièce qu’il composa pour un Moog en 1970, enregistrée en grande partie dans les locaux de l’entreprise de Robert Moog à Trumansburg dans l’état de New York.

- Like a Duck to Water Mother Mallard’s Portable Masterpiece Co. 1974-1976: six pièces de Steve Drews et deux de David Borden, toutes enregistrées en studio en 1976.
- Mother Mallard’s Portable Masterpiece Co. Music by David Borden: est constitué d’enregistrements de concerts des années 1976-77, avec les parties 1 et 3 de The Continuing Story of Conterpoint.

   Il existe également deux disques d’ambiante électroniqueCayuga Night Music et Places, Times & People avec quelques plages assez belles.

   À signaler aussi "Double Portrait", une œuvre assez intéressante pour deux pianos qui figure sur le disque U.S. Choice du duo Double Edge chez New World Records.

   David Borden restera celui qui a fait se rencontrer les synthétiseurs et la musique minimale et répétitive, avant même qu’en Europe, Tangerine Dream et Klaus Schulze ne commencent à utiliser des Moogs et ne découvrent les musiques de Glass, Reich et Riley.
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Une chronique de Timewind

   Les disques de David Borden sont principalement parus chez Cuneiform Records.

Pour aller plus loin

- Le site de Mother Mallard

- La page du site de Cuneiform Records consacrée aux disques.

- plus bas , la fameuse partie 9, la préférée de Timewind

- une partie du cycle en écoute et en vente sur bandcamp :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 juillet 2021)

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Publié le 7 Octobre 2013

   J'avais chroniqué Mort aux vaches, disque sublime né de la collaboration du compositeur et multi instrumentiste américain Peter Broderick et de l'artiste sonore néerlandais Rutger Zuydervelt, connu sous le nom de Machinefabriek. Cette belle vidéo rend hommage à un autre beau disque, Blank grey canvas sky, sorti en 2009 chez Fang Bomb. Cela s'appelle "Planes", et c'est magnifique, je pars au quart de tour. Un besoin d'infini, soudain, de fulgurance. J'y associe une de mes photographies personnelles, prise dans la région de Toulon, vous comprendez aisément pourquoi.

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Contemporaines - Électroniques

Publié le 4 Juin 2013

Nils Frahm en concert.

Le Piano sans peur (2)

   Autant je suis déçu par le dernier double album que le pianiste et compositeur allemand Nils Frahm vient de sortir en collaboration avec le guitariste F.S. Blumm (sur l'excellent label sonic pieces, comme quoi personne n'est parfait...), autant je trouve mon compte dans cette œuvre pour piano et synthétiseur improvisée en concert par un Nils très inspiré. Né en 1982, après une solide formation classique, Nils Frahm s'établit à Berlin où il a également son propre studio, le Durton Studio, qui lui a permis en quelques années de devenir un producteur respecté. Il a travaillé notamment avec Peter Broderick, Deaf Center, Dustin O'Halloran. Pas étonnant que Thom Yorke l'ait repéré et que le label berlinois sonic pieces déjà cité l'emploie si souvent.

  Où l'on s'aperçoit, une fois de plus, que le piano s'insère avec aisance dans un environnement électronique, synthétique. Voilà une performance en tout point conforme aux souhaits du fondateur du label Erased tapes. Enregistrement du 11 juillet 2013

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 9 juin 2021)

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Publié le 11 Février 2013

Greg Haines, l'évidence du sublime.

    Greg Haines, musicien anglais né dans les années 80, vit à Berlin depuis 2008. C'est dans cette ville qu'il a fait la connaissance de Nils Frahm, qui lui a prêté main forte pour l'enregistrement de son second long opus, Until the point of Hushed Support, paru en 2010 chez sonic pieces. L'album a été enregistré dans la Grunewaldkirche - ce qui devrait vous ramener à  Vorleben, chroniqué voici peu. La particularité de son parcours est d'avoir associé très tôt à ses études de piano et violoncelle un goût prononcé pour les sons les plus divers et des textures qu'il collectionne pour les fondre dans ses compositions. Sa musique est donc électro-acoustique, mais l'étiquette prête à confusion : loin d'écrire des pièces absconses, en cela inspiré par les musiciens qui l'ont guidé - en premier lieu Arvo Pärt, mais aussi, nettement plus secondairement à mon oreille, Philip Glass ou Gavin Bryars, il se situe dans une mouvance néo-classique au sens le plus noble du terme, indifférent aux querelles de chapelle.

Until the point of Hushed Support est la rencontre entre huit instrumentistes, une vocaliste et des sons électroniques : là est son indéniable modernité. Pour le reste, son œuvre est d'inspiration quasi mystique, comme l'indiquent les titres des pièces. L'écriture est très marquée par l'influence d'Arvo : lignes amples et simples, crescendos parfois fulgurants, rôle fondamental de l'orgue d'église qui lui donne son allure majestueuse. Percussions parcimonieuses mais puissamment dramatiques, unissons et canons, cette impression d'élans vers le ciel, souvent troués  par des moments méditatifs, tout cela forge une musique à la fois forte, belle, et intériorisée : c'est une âme qui s'épanche dans ce chant fragile surgi entre deux lignes brouillées. Qu'est-ce que "Marc's descent", si ce ne sont les efforts successifs d'un être qui, tout au long de sa chute, aspire à la remontée, cherche à inverser le mouvement, tournoyant dans un mouvement bouleversant, parfois à demi vaporisé dans une extase ineffable ? "In the event of a Sudden Loss" est le prolongement évident du précédent : la pièce s'ouvre par quelques minutes de suspension envahies par des sons intrigants, mais on entend des cloches, un gong, une voix s'élève à l'arrière-plan. La perte est un événement fondateur ( à noter ma lecture d'affilée des titres indiqués sur la pochette : Marc's descent / In the event of a Sudden Lost / Until the point of Least resistance) qui impulse une énergie dont la composition déborde : immense reconquête, ivresse de l'aimé qui saisit l'occasion de sa chute pour chanter des louanges grandioses avant de se fondre avec humilité dans le décor environnant, avec ces pianos transparents sertis de sons mystérieux decrescendo. Le dernier titre poursuit quelque chose qui l'apparente à The Vanishing Point (jusque dans les titres) de Under the Snow, mais avec des moyens instrumentaux hors de proportion : cordes somptueuses, tintinnabulement des choches diverses, ruptures et rejaillissements, ralentis d'une suavité confondante, du Arvo Pärt converti à l'arsenal des musiciens d'aujourd'hui (je n'insinue nullement qu'Arvo soit un musicien d'hier, il est inactuel...) J'adore cette longue recherche du point de moindre résistance, avec ces moments de suspension de tout quand nous écoutons les cloches si doucement carillonner, avant l'ultime poussée du saxophone notamment, comme un écho déformé des trompettes bibliques. Un album essentiel...

Greg Haines, l'évidence du sublime.

        Paru en 2012 chez Preservation RecordsDigressions est le troisième album de ce jeune musicien prodige. Certains critiques ne sont pas tendres avec cet opus qui pourtant, à défaut d'étonner (? Pourquoi l'étonnement serait-il d'ailleurs un critère d'appréciation artistique ? Je referme la parenthèse), poursuit assez logiquement une trajectoire vraiment originale. Enregistré à Berlin par Dustin O'Halloran, il affronte l'écriture exigeante pour un ensemble de chambre assez étoffé. Placé sous les auspices (??) du moine bénédictin Pellegrino "Ernetti", également musicologue et exorciste, puis de "Caden Cotard", metteur en scène aspirant à créer une œuvre d'une intégrité absolue (c'est Wikipédia qui le dit), la même veine nettement mystique s'y fait jour et j'entends dans ce dernier titre une avancée vers l'impalpable qui me propulse du côté d'un John Luther Adams, le meilleur, celui de For Lou Harrison. Je ne sais pas s'ils se connaissent. "183 Times" (Vraiment ? Je n'ai pas compté..) est ponctué par le piano faisant office de percussion à partir d'une seule note plus ou moins forte, prolongée d'harmoniques, tandis que le violon survole l'ensemble d'un vol lyrique presque langoureux : c'est simple, et très beau, je m'en contente, j'y entends presque du Pink Floyd (mais quel titre ??), c'est de plus en plus net au fil de l'écoute. "Azure" commence par de légers battements percussifs, un rituel indien peut-être (mon imagination...), peu à peu étoffés, plus distincts, auxquels viennent se mêler d'autres instruments dans un brouillard instrumental serti de saillies lumineuses : très...étonnant, justement. Magnifique fragilité, textures diaprées, frémissements : et on ferait la fine bouche ? C'est parfait dans son genre, cet état de grâce translucide qui se cristallise en passages pulsants sur la fin, avec une montée en solennité impressionnante suivie d'une brutale retombée loin de l'azur inaccessible. "Nuestro Pueblo" commence avec un piano voilé, hésitant, comme certains morceaux de Peter Broderick (qui le soutient aussi activement) : un chant se cherche sur un fond immense, nuages, nébuleuses, des instruments très loin, puis les textures se rapprochent, distordues, autour du piano balbutiant, assailli de toutes parts dirait-on, mais que rien ne distrait de sa recherche, imperturbable et seul au milieu d'une tourmente magnifique et poignante, superbe évocation de la destinée humaine. Tout à fait digne du précédent !!

   Greg Haines écrit indéniablement une des plus belles musiques qui soient.

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Until the point of Hushed Support : paru chez sonic pieces en 2010 / 4 titres / 48 minutes environ

Digressions : paru en 2012 chez Preservation Records / 5 titres / 55 minutes environ

Pour aller plus loin

- le site personnel de Greg Haines. (avec pas mal de choses en écoute si vous cliquez sur "Listen")

- albums en écoute et en vente sur bandcamp :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 mai 2021)

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Publié le 9 Février 2013

Poppy Ackroyd - Escapement

   Connue pour sa participation au Hidden Orchestra, collectif électro ambiant teinté de jazz, où elle tient les claviers, Poppy Ackrod est une jeune musicienne originaire de Londres qui a reçu une éducation musicale « classique » et appris le piano et le violon.

    Escapement est son premier album solo, enregistré au Durton Studio de Nils Frahm à Berlin. Uniquement à partir d’un piano et d’un violon, et en utilisant de multiples pistes, elle fait surgir un petit orchestre de chambre.

    Poppy Ackroyd ne prépare pas son piano comme John Cage, mais elle joue directement à l’intérieur de celui-ci,  comme le fait Stephen Scott. En pinçant, frottant les cordes, en les frappant avec des baguettes, elle crée une musique de chambre où l’on entend, outre le piano et le violon, des percussions, guitares, clavecin, et une touche d’accordéon. Elle crée ainsi une musique à la fois simple et riche aux sonorités chaleureuses, une musique douce amère avec une petite touche de nostalgie.

    Escapement est concu comme une succession de miniatures (sept titres de 3 à 5 minutes). Le disque s’ouvre sur « Aliquot », comme une introduction en forme de synthèse de l'album, une découverte des sonorités que l’on entendra tout au long du disque. Avec « Rain »,  Poppy Ackroyd tisse une toile sonore, entre brouillard d’ondes et pluie, soutenue par des percussions. « Seven » où le piano sonne un peu comme celui de Nils Frahm sur Felt (on entend autant les touches et les marteaux du piano que les notes produites). Sur « Glass Sea », les frottements des cordes (du violon ?) lancent des gémissements et rappellent les cris des oiseaux marins ou les grincements des coques de bateaux. « Lyre » nous fait entendre des sonorités de harpe et de clavecin désaccordé. Plus terrien, « Grounds », avec son fond sonore électro apporte une touche un peu plus sombre. Et le disque se finit sur « Mechanism », les sonorités d’un piano mécanique et la nostalgie d’un air d’accordéon dans le lointain.

    Avec sa pochette en noir et blanc, dessins d’un mécanisme de piano en déconstruction, Escapement, « échappement », suggère plutôt l'évasion, celui de tout un univers sonore qui s’évade d’un piano devenu magique.

Paru en décembre 2012 chez Denovali Records / 7 titres / 31 minutes

Une chronique de Timewind

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Pour aller plus loin

- le site de Poppy Ackroyd

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 mai 2021)

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Contemporaines - Électroniques

Publié le 17 Décembre 2012

Peter Broderick & Machinefabriek - Mort aux vaches

Peter Broderick, ce jeune compositeur américain né en 1987, multi-instrumentiste qui participa au groupe danois Efterklang, étoffe ces temps-ci sa discographie. Sa rencontre avec Rutger Zuydervelt, guitariste, artiste sonore néerlandais connu sous le nom de Machinefabriek depuis 2004, nous vaut ce magnifique Mort aux vaches, trois sessions en partie improvisées en compagnie d'autres invités, comme le pianiste Nils Frahm, Jan Kleefstra pour ses mots, Romke Kleefstra, son frère, à la guitare et aux effets, et Anne Chris Bakker, compositeur de musique électroacoustique, expérimentale ou ambiante originaire de Groningue aux Pays-Bas, ici à la guitare, aux effets et à l'ordinateur, tous les quatre pour la seconde session. 

Meph. - Cela commence avec des enregistrements de sons extérieurs : cliquetis, cris d'enfants au loin, toute une vie discrète. Le violon s'introduit par courtes plaintes prolongées de halos de drones : entrée dans l'univers somptueusement mélancolique dont on peut dire, sans jouer sur les mots, qu'elle est sa marque de fabrique sans machine...

Dio. - Toi, te laisser ainsi aller !

Meph. - Laisse-moi parler du surgissement feutré du piano, dans les médiums d'abord, puis dans les graves. On entend une machine - je n'y peux rien - à écrire. Les textures se resserrent insensiblement, quelque chose cherche à s'élever dans un climat d'intense émotion. Il y a là comme un lyrisme cérémoniel, en sourdine, avant que la cadence au violon ne vienne nous enlever.

Dio. - Et tout se soulève, dans une montée irrésistible, la voix de Peter en bourdon tout au fond de ce grand mouvement farouche que le piano martèle. C'est puissant, et délicat, méditatif, lorsque le piano se retrouve presque seul dans un environnement légèrement ondulant de sons rugueux, égrenant et laissant résonner ses notes limpides, isolées ou en accords plaqués tandis que le violon, en retrait laisse entendre des notes déformées, étirées.

Meph. - Le disque continue avec la session III, piano en avant, guitare en second plan, avec une dimension "orchestrale" plus sensible, des arrière-plans à la fois plus harmoniques et électroniques. La pièce prend des allures de toile miroitante, oscillante, alternant avancées et moments d'apesanteur. Soudain s'élèvent des voix miaulantes tandis que les ondes courtes se brouillent. Retrouvailles avec les meilleures envolées des grandes pièces psychédéliques, mais d'une fantastique douceur. 

Dio. - Incroyable polyphonie de voix suaves au cœur de cette session océanique, sur laquelle le piano vient marcher comme un miracle, histoire de pendre le temps à un vieux clou. Le violon s'enroule en courtes phrases courbes autour du vaisseau spatial lancé dans les espaces infinis...

Meph. - Quelle imagination ! Je souscris, toutefois. N'oublie quand même pas tous ses petits bruits qui installent notre navire dans un concret habité. Ce qui est beau, c'est cette union intime d'un lyrisme abstrait, si l'on peut dire, et d'un chant des objets qui nous permet d'installer cette musique dans un quotidien transcendé.

Dio. - Ne te moque plus de moi, vieux rêveur.

Meph. - Tu crois plaisanter, mais c'est en effet une musique d'après la chute, hantée par son avant. Cette musique-là n'est rien d'autre qu'une tentative pour réintroduire le paradis dans les interstices de notre vie. Entends-tu la voix de Jan Kleefstra dans la dernière pièce, la session II, la plus longue ? Je ne comprends pas ces mots - j'aimerais les lire en même temps -, j'entends leur velours, leur incantation ouatée, à donner envie d'apprendre le frison (et non le néerlandais, comme nous l'a fait remarquer un de nos lecteurs - le frison est la langue des îles de la Frise), la voix des anges déchus réclamant la beauté foudroyante, disant la beauté troublante et infinie du monde, et peu importe si ce n'est pas leur sens, c'est ce que j'entends par-delà les mots, sur le matériau musical retenu et frémissant qui s'enfle peu à peu jusqu'à devenir une cathédrale sonore dans laquelle se mêlent les arpèges du piano, les drones, les particules poussiéreuses, les chuchotements, la voix bouleversée, pour que surgisse la musique d'avant, commer nommer cela, ce chaos sonore extraordinaire, je ne sais pas pourquoi je pense à Tabula rasa d'Arvo Pärt, le même mouvement de déconstruction, la déchirante suavité arrachée aux décombres, surgie des gestes musicaux en ombres sur le vide qui n'est pourtant pas vide, saturé d'une anti-matière corpusculaire proprement sidérante.

Dio. - Un des très grands disques sortis en 2011, indéniablement. Ouf ! Mon "classement" de 2011 est encore à venir (bientôt...).

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Paru en avril 2011 chez Mort aux vaches (c'est aussi le nom du label...). Si j'ai bien compris, c'est une édition limitée à 500 exemplaires, encore une, alors que ce disque devrait sortir à dix milliards d'exemplaires !! J'espère me tromper, ô fidèles lecteurs, si bien que vous pourrez encore vous le caler derrière les oreilles, je veux dire vous l'instiller dans le cerveau comme une divine ambroisie. / 3 titres / 56 minutes environ.

Pour aller plus loin

- un blog entièrement consacré à toutes les parutions de Peter Broderick, en anglais.

- en écoute partielle ci-dessous (fausse vidéo) :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 25 mai 2021)

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Publié le 11 Décembre 2012

Francesco Tristano, pour le meilleur !

   Francesco Tristano est un pianiste atypique. De formation classique, il interprète les grands musiciens du répertoire. Mais il ne déteste pas la techno, se produit dans les clubs, participe au trio Aufgang, entre musiques contemporaine et électronique, parfois assaisonnées d'un zeste de jazz fou. 

Meph. - Tu as longtemps hésité, pourtant ? Pourquoi donc ?

Dio. - J'ai connu Francesco Tristano par l'album du trio Aufgang, album que j'ai chroniqué à sa sortie. Depuis, il se trouve que je suis tombé sur ses disques personnels par hasard, à chaque fois lors de soldes.

Meph. - Excuse-moi, je ne vois pas le rapport...

Dio. - Tu as raison. Toujours est-il que j'ai donc engrangé not for piano, idiosynkrasia, Auricle / BIo / On, et enfin bachCage. 

Meph. Et, à chaque fois, l'écoute te laissait partiellement insatisfait. Je te connais : la virtuosité démonstrative  ne te plaît guère.

Dio. - C'est un euphémisme de le dire ! Je le trouvais éblouissant, bien sûr, doué, mais j'étais agacé parfois, l'impression d'une course de vitesse stérile, et d'un autre côté j'aimais bien son ouverture sur la techno, les musiques électroniques.

Meph. - Auricle / Bio / On, c'est quelque chose, quand même, de vraiment courageux, une pure folie "enchantée" (c'est sur la pochette) déjà par Moritz von Oswald.

Dio. - Oui, il m'a tenu par là. C'est un disque qui ne ressemble à rien, un ovni discographique qu'on peut écouter cent fois, une sorte de techno bruitiste ambiante, hallucinée et minimale.

Meph. - Alors ?

Dio. - Il m'arrive ainsi de laisser des disques hors-jeu, comme s'ils m'intimidaient. Il me fallait un autre déclic.

Meph. - Et c'est venu lundi dernier ?

Dio. - Sans prévenir ! J'avais une quantité d'autres nouveautés sous le coude lorsque, dans l'après-midi, je me suis dit, il faut que je rende hommage à Francesco.

Meph. - Que s'est-il donc passé ?

Francesco Tristano, pour le meilleur !

Dio. - J'ai réécouté bachCage dans des conditions optimales, pas en voiture ou en faisant la cuisine. Tu connais ma prédilection pour "In a landscape" de John Cage, une pièce dont je ne me lasse pas. Et là, concentré, détendu, face à ma chaîne, j'ai pris une grosse claque comme on dit, mais alors énorme. La version qu'il en propose avec l'aide de Moritz von Oswald, encore lui, est prodigieuse : jusqu'à quinze pistes, peu importe à vrai dire le détail technique, ce qui compte c'est de réintroduire pour cette pièce l'idée d'un piano non normalisé, donc préparé si l'on veut, mais qui a existé avant le piano préparé façon Cage, qui consonne avec des cloches, des percussions étouffées : chaque note déclenche un paysage, c'est exactement ça, ce que cherchent d'ailleurs d'autres pianistes en ce moment, comme Anna Rose Carter de Moon Ate the Dark (voir article précédent). C'est somptueux, et le reste de l'album est à l'avenant.

Meph. - On se prend à rêver à une relecture de l'œuvre de Cage pour piano préparé ou non...

Dio. - À partir de là, j'ai réécouté le reste pour extraire les pépites sous la gangue ébouriffante, étourdissante de ce pianiste bondissant.

Francesco Tristano, pour le meilleur !

Meph. - Et d'idiosynkrasia, que reste-t-il ?

Dio. - C'est un album assez proche de l'esprit d'Aufgang, mais à mon goût un peu trop envahi par des machines aveugles, sauf pour le miraculeux deuxième titre, "Nach wasser noch Erde", où le piano revient au premier plan pour un fascinant nocturne minimaliste.

Meph. - Une pure incantation : ce garçon nous met à genoux, il faut le dire, si bien qu'on lui passe les errements, les tâtonnements, les concessions à la mode.

Dio. - L'étoffe d'un vrai compositeur, en effet. Je ne parlerai guère des autres titres...

Meph. - Calamiteux ? Disons inutilement bruyants, clinquants ? Tu es bien dur, non ? "Mambo" a une belle pêche !

Dio. - Trop de programmation lourdaude. "Eastern Market", par exemple, est à hurler. Je préfère encore "Fragrance de Fraga", nettement jazz pourtant, mais plus fin. J'excepte "Last days" à la délicate mélancolie, le piano serti par une électronique ciselée, aussi le long dernier titre, "Hello - Inner space Dub", qui finit par nous prendre, sur la longueur de ses dix-sept minutes, par sa rage de s'envoler dans une immense cadence environnée de tourbillons sonores incessants, recouverte par des vents électroniques intergalactiques, puis trois minutes de silence suivies d'une réapparition du piano, tout en éclaboussures cristallines, en notes longuement résonnantes, le Francesco que j'adore, musicien et non plus icône glamour, Narcisse prodige.

Francesco Tristano, pour le meilleur !

Meph. - Reste not for piano, notamment avec le pianiste Rami Khalifé. Le caracolant "hello" ouvre l'album...

Dio. - Pourquoi pas...

Meph. - "Barcelona trist", du très bon piano jazz, tu ne me contrediras pas. "Strings", début éthéré, notes filées, puis une chevauchée...

Dio. - Intéressante, cette réécriture de "Strings of Life" de Derrick May, surtout lorsqu'elle se brise, une minute avant la fin. Suit le splendide "andover" basé sur "overand" d'Autechre : à lui seul, le titre justifie l'achat de l'album. Reprise hypnotique d'une courte phrase, prolongée par un savant jeu d'échos, de prolongements électroniques. Un troisième hommage, "ap*", est dédié à Pascal Dusapin : la pièce s'inscrit dans la lignée des études pour piano, d'une écriture à la fois étincelante et fracassée. Là aussi, je tombe à genoux...

Meph. - Et ça continue avec "the melody", joli duo avec Rami, une gaieté dûe à l'évident plaisir de jouer à deux. C'est mieux encore avec un deuxième titre cosigné, "jeita", une ligne d'aigus très dynamique sur des graves percussifs, syncopés, les deux se rapprochant pour une longue échappée brumeuse.

Dio. - Mes pauvres genoux !! C'est en effet magnifique d'émotion. Un disque qui mérite mieux qu'on pourrait le penser, d'autant que "the bells" est impressionnant par ses syncopes en cascade, sa puissance crescendo, que "hymn", à nouveau avec Rami, offre une bousculade rythmique d'une formidable tonicité débouchant sur une coda plus calme, pour finir sur un duo réjouissant avec Raimundo Penaforte, ce dernier superposant de micros halètements à la rythmique pianistique effrénée, puis des sons de gorge étirés, sortes d'appels surgis du tréfonds, un violon frémissant : une vraie folie, du plaisir...

Meph. - Un disque pour décoincer tous les rigides, larguer les amarres et boire la mer entière sans s'en apercevoir !

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- Auricle / Bio / On paru chez InFiné en 2008 / 2 titres / 50 minutes

- bachCage paru chez Deutsche Grammophon en 2011 / 25 titres / 59 minutes

- idiosynkrasia paru chez InFiné en 2010 / 9 titres / 66 minutes

- not for piano paru chez InFiné en 2007 / 10 titres / 51 minutes

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 24 mai 2021)

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