David Lang - mountain
Publié le 11 Février 2015
C'est le Cincinnati symphony Orchestra sous la direction de Louis Langrée qui interprète une des dernières œuvres enregistrées de David Lang. Mais comme Hallowed Ground rassemble deux autres pièces, Lincoln Portrait de Aaron Copland et Pleasure Ground de Nico Muhly, David Lang n'est pas crédité sur la couverture du disque, ce que je trouve assez regrettable. Passons, comme je passerai exceptionnellement sur les deux autres compositions : j'espère que vous ne m'en tiendrai pas rigueur, mais vous commencez à me connaître. Disons que je ne suis pas assez emballé par celles-ci, qui ne sont pas sans qualité, je le reconnais volontiers : l'émotion n'y est pas, pour aller vite.
Par contre, mountain est un de ces morceaux à trembler comme nous en offre régulièrement David Lang. Le compositeur précise dans le livret que l'orchestre lui a commandé une pièce qui aurait à voir avec l'héritage d'un grand Américain. Il a pensé à Aaron Copland, compositeur dont l'œuvre est devenue associée à la manière dont les Américains voient la relation entre leur pays et eux-mêmes. Seulement il ajoute que, s'il apprécie l'ironie qu'un pauvre juif homosexuel de gauche représente la musique classique américaine de notre temps, il y a une autre manière de regarder le paysage. Même s'il précise que ce regard différent est en hommage à Copland, je me demande s'il ne se dissocie pas ainsi - sans pouvoir l'écrire, cela ne se fait pas - du style volontiers emphatique de l'auteur de l'emblématique Fanfare for the Common Man. Ce à quoi David nous convie, c'est à une contemplation de la montagne telle que celle à laquelle il s'est livrée, lui qui n'est pas spécialement un amoureux de la nature, depuis sa chambre dans un cottage loué avec son épouse dans le Vermont. Du balcon, sans voir les détails, sans se salir les pieds, juste la vue de la montagne en face, pendant des heures : rude, imposante, belle, intemporelle. C'est cela le sujet de ces douze minutes, de ce bloc, sculpté à l'aide de quatre flutes, trois clarinettes, une clarinette basse, trois bassons, quatre trombones, tuba, timpani, xylophone, vibraphone, percussion basse, harpe et cordes.
Flancs abrupts, contre lesquels se heurte la vue
Flancs lancés vers le ciel, lancés à nouveau
Farouches escalades rudement ponctuées
Élans secs et puisants à l'assaut
Silence du silence en retour
Reprises inlassables doublées d'échos
Épanchements plaies sublimes
Pourtant
La montagne ne cesse de s'exhausser
Tandis que sourdent de ces masses
Les sons très longs si doux si doux
Cela ne cessera pas fanfare tonitruante
Coupée d'abrupts vertigineux qui ne
Parviennent plus à recouvrir la suavité
Des hautbois des clarinettes et des cors
Hautes syncopes faillées unissons fragiles
Courtes explosions violentes contre
La persistance de la permanence
Tournoiements des bassons et des cors
De la montagne surgit l'or sonore
Toujours plus haut plus fort
La montagne est en éruption vive
Sous les yeux fascinés la calcination
L'incandescence éternelle jette au ciel
Des bouquets d'exultante beauté
Immobile la montagne fracasse
Le regard ouvre l'ouïe à
La majesté terrible de la matière
Écrit au fil de l'écoute, en réponse à cette musique prodigieuse de l'un des plus grands compositeurs de ce temps, pour moi sans doute le plus grand.
Paru en 2014 chez Fanfare Cincinatti / 5 titres / 48 minutes
Pour aller plus loin :
Pas moyen de vous faire écouter mountain pour le moment : je respecte la discrétion de David Lang, même si la tentation est forte de vous le proposer via une plateforme de stockage comme je le fais parfois, aussi je vous renvoie à mes autres articles consarés à David, regroupés dans la catégorie "David Lang - Bang On A Can & Alentours", le dernier consacré à death speak ayant été republié volontairement voici quelques jours.
Par contre, voici des extraits d'une répétition de "man made", une pièce à ma connaisance pas encore enregistrée et qui s'annonce aussi forte que les précédentes. Interprétée par l'Ensemble So Percussion, l'un des meilleurs ensembles de percussion actuels, et le Los Angeles Philharmonic :