Michel Banabila - Earth Visitor
Publié le 12 Septembre 2016
Compositeur et artiste sonore né en 1961, le néerlandais Michel Banabila a déjà derrrière lui une carrière bien remplie. S'il vient plutôt des musiques expérimentales, électroniques, il multiplie les collaborations avec des artistes de formation plus classique ou liés au jazz, aux musiques du monde. Une alliance étroite entre sons électroniques et acoustiques est au cœur de son travail avec l'altiste Oene van Geel pour Music for viola and electronics et Music for viola and electronics II. Mentionnons aussi ses rencontres fréquentes avec un autre musicien néerlandais présent dans ces colonnes, Rutger Zuydervelt alias Machinefabriek, un des maîtres actuels des musiques électroniques et ambiantes, et l'on aura une petite idée de ce compositeur éclectique et bouillonnant, que je suis loin de suivre d'ailleurs dans toutes ses réalisations, tant sa discographie est prolifique.
Pour Earth Visitor, Michel Banabila campe une ambiance : Juin, beaucoup de pluie. Il regarde des vidéos de la NASA sur la mission Junon. Le disque viendrait de là. Un côté spatial : la terre vu par un visiteur...
Un piano mélancolique, brumeux, parasité, c'est le début du premier titre éponyme. Une scène terrestre vue déjà à une certaine distance qui n'exclut pas l'humour, les discrets miaulements du chat de Michel participant de la bande sonore qui vire vers une certaine étrangeté, comme en témoigne une voix tordue. Un souffle envahit cette atmosphère feutrée, on sent qu'on bascule, qu'on s'éloigne encore des familiarités humaines. Nous rentrons dans l'infini royaume des musiques ambiantes, d'où nous parviennent les "Distorted Messages" du titre deux, torsade trouble de sons divers, d'instruments embués, de voix méconnaissables devenues des traînées-écho d'un monde sauvage et fascinant. Titre vraiment très beau ! "What creatures is that" accentue la dimension spatiale du disque, presque visuelle : des vaisseaux traversent l'espace, majestueusement. Pulsations, battements, respirations étranges, comme dans un roman ou un film de science-fiction. Il n'y a plus que des trajectoires, des ondes voyageuses aux résonances multiples, puis des froissements, puis rien. "Star Trails" retrouve le piano, amplifié, dialoguant avec un synthétiseur, des cordes lointaines telles des sirènes : c'est un chant solennel, un hymne lent, prélude à "The Situation Room", courte pièce dramatique qui serait très à sa place dans un film d'angoisse, même si elle est illu par une poussée lyrique somptueuse. Dans ce contexte, on attendait l'invasion, voilà les étrangers par excellence , "We are the aliens" est une jungle sonore étouffante et pourtant séduisante, ensorceleuse. Le septième titre est présenté comme une reprise, un mixage de l'espace profond, "Deep spca Mix". On pense aux odyssées électroniques de Brian Eno, en un peu plus bruitiste, plus accidenté aussi, hanté par une guitare perdue, ou deux même : dérive et fière déréliction dans une circulation sidérante d'astronefs étincelants, de roches brutes avant que de sombres tourmentes ne provoquent de secrets naufrages et que ne resurgisse un piano halluciné redevenu quasi clavecin d'exo-planètes improbables.
Un très bel album d'électro ambiante parfaitement maîtrisé. Les acquéreurs de l'album numérique se régaleront de surcroît avec un immense remix en direct du festival de Valkhof qui flirte avec une techno ravageuse, et une curieuse bande annonce abyssale, fantomatique.
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Paru en juin 2016 chez Tapu Records / 3 titres / 47 minutes.
Pour aller plus loin :
- le site personnel de Michel Banabila
- le disque disponible et en écoute sur bandcamp :
- une vidéo à partir de "We are the aliens" :