Richard Moult - Aonaran

Publié le 20 Septembre 2016

Richard Moult - Aonaran

   La Musique des solitudes oubliées

   Compositeur, peintre et poète, l'anglais Richard Moult, à côté de multiples collaborations, poursuit une carrière solo loin du bruit et du monde, puisant son inspiration dans les contrées sauvages et isolées de l'ouest de l'Écosse (sans doute le paysage de la photographie de couverture, prise par le musicien) et des îles Hébrides en particulier. Je le découvre avec ce Aonaran (qui signifie "Solitaire" en gaëlique écossais), sorti en octobre 2013 sur le label Wild Silence, label de Before I was Invisible de Rainier Lericolais et Susan Matthews. Cinq pièces, alternant compositions instrumentales de petites dimensions et chansons folkloriques (au sens large, et noble du terme), avec au centre une pièce monumentale. Le tout croise traditions et modernité électronique, musique ambiante et contemporaine néo-classique.

   "Rionnag Bheag" est une courte évocation instrumentale : harpe et électronique dessinent un paysage calme, intense et aéré, traversé d'éclats de lumière, posant comme le cadre d'un mystère intemporel. "Heartsease" commence au piano, un piano aux amples résonances, puis c'est la belle voix grave et vibrante de David Colohan : que voilà une superbe ballade élégiaque !

   Le vent se lève ; la harpe, le piano émergent des brumes, un dulcimer puis le piano se joignent aux frémissements : c'est "Rionnag Mór", vaste poème quasi symphonique aux mouvements de houle, alternance de vifs miroitements et de calmes contemplatifs. Le hautbois vient surplomber le flux irisé de son liant boisé. C'est une pièce extraordinaire, majestueuse, comme on en entend peu, celle d'un véritable inspiré qui nous invite à un voyage en apesanteur au-dessus de paysages grandioses parsemés de bouillonnantes mares magiques. Rarement on a à ce point l'impression d'être confronté avec la pureté originelle du monde : c'est un retour aux sources, aux forces natives, que les accents minimalistes de certaines boucles brûlantes servent à merveille. On est peu à peu immergé dans une matière fusionnelle, radieuse, à pleurer tellement c'est beau, sublime. Avec des ralentissements extatiques, des éclaboussures exquises de piano, des soubresauts graves...et la montée tellurique de la fin, prodigieux soulèvements de mondes inconnus, avant une courte coda mystérieuse !

   "Gone to ground", deuxième chanson de l'album, toujours avec la voix de David Colohan, déploie sa complainte mélodieuse venue du fond des âges, enchantée par une électronique qui n'est pas sans évoquer des sons de cornemuse, étranges et comme dépaysés quand les ombres s'agrandissent...Le disque se termine avec une pièce instrumentale dominée par le piano, "Mesonycticon", nom d'un vieux chant romain de l'Office de minuit au moment de Noël. Pièce grave, au lyrisme sombre et pourtant lumineux par ses montées chromatiques, ses échappées méditatives délicates, que ponctuent in fine quelques vagues électroniques.

    Un disque magistral, sublime, rare : un des chocs de ces dernières années, qui confirme l'excellence du label discret créé par Delphine Dora, Wild Silence.

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Paru en 2013 chez Wild Silence / 5 titres / 44 minutes.

Pour aller plus loin :

- le disque disponible et en écoute sur bandcamp : plus rien, hélas, à l'heure où je vérifie cet article (12 août 2021). Je pense que c'est lié à des rumeurs odieuses reprochant à Richard Moult ses idées qui seraient d'extrême-droite. Certaines maisons de disques ne veulent plus de lui. C'est plus surprenant venant de bandcamp ? On n'a plus le droit, aujourd'hui, dans les démocraties, d'avoir certaines idées (tout à fait non violentes !). C'est comme si on censurait Céline à partir de son antisémitisme... beaucoup plus violent, lui...

- En cherchant bien, il est encore sur souncloud !

Rédigé par Dionys

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