Richard Moult (2) - Rodorlihtung

Publié le 15 Octobre 2016

Richard Moult (2) - Rodorlihtung

Les Clairières du ciel

La découverte de l'extraordinaire Aonaran de Richard Moult m'a conduit à m'intéresser à l'ensemble de son œuvre. Je ne suis pas déçu de ma recherche. Rodorlihtung, publié en 2012 sur le label irlandais For Evil Fruit, vaut le détour. Enregistré sur les rivages du Loch Snizort en Écosse, on y retrouve Richard Moult au piano, aux claviers et aux sons enregistrés, avec la participation de Michael Tanner à la guitare à archet sur les titres 1 et 3.

   Ici l'on respire, le piano coule de source, soutenu par des claviers fluides. Musique atmosphérique, musique limpide et belle, tranquille et forte, tout entière sous-tendue par le mystère des lieux. Le disque est en trois mouvements de durée croissante. Après une brève introduction lyrique, la partie deux est déjà plus introspective, comme emprunte de timidité. Le piano devient harpe tissant le firmament, faisant surgir de soudaines étoiles tandis que la mer gronde, que les vagues déferlent dans le noir. C'est une splendeur océanique enveloppée de rêve, l'immersion sacrée dans la matière primordiale. Tout glisse d'évidence, tout se tait alentour de cette respectueuse exploration. Des expressions rimbaldiennes me viennent, du Bateau ivre : « infusé d'astres et lactescent », c'est le poème de la mer, en effet. Dans la troisième partie, le piano avance précautionneusement, escalade d'invisibles nuages, s'ouate d'harmoniques et de réverbérations. On n'entre pas si vite dans le temple. La musique se courbe, se tait, se fait grave, insistante, puis éclate en gerbes puissantes, magnifiques de lourdeur, tel un torrent longtemps pressé trouve l'issue. Beaux débordements, lentes retombées, et ces départs à nouveau vers d'autres rivages plus lointains, cette marche toujours recommencée aux bords du sublime dans l'extinction de tout, la montée imprévue d'une écume sourde. Cette musique est élémentaire, elle vit, elle frémit, écoute au creux des vagues les prémices de ce qui vient nous ennoblir si nous sommes attentifs. La musique de Richard Moult est authentiquement mystique, tendue vers l'au-delà, mais un au-delà déjà là, irradiant le monde. Aussi la douceur s'y fait-elle confondante, suite d'éclaboussures en crescendo dans la montée hallucinée du piano dans les aigus, vers l'inaudible et les oiseaux de rivages inconnus.

   Trente-cinq minutes seulement ? Elles suffisent pour cet album majeur. Richard Moult fait partie de ces guetteurs dont nous avons besoin pour oublier la laideur répandue dans les médias.

Le titre, me direz-vous ? Je ne vois guère comme traduction (rien sur les pages liées à Richard), que « Les clairières du ciel ». Parfait, en ce qui me concerne...

   La couverture est une peinture de Richard Moult intitulée Mactalla.

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Paru en 2012 sur le label For Evil Fruit / 3 titres / 35 minutes environ

Pour aller plus loin :

- le disque en écoute et en vente (seulement sous format numérique) sur bandcampplus rien, hélas, à l'heure où je vérifie cet article (12 août 2021). Je pense que c'est lié à des rumeurs odieuses reprochant à Richard Moult ses idées qui seraient d'extrême-droite. Certaines maisons de disques ne veulent plus de lui. C'est plus surprenant venant de bandcamp ? On n'a plus le droit, aujourd'hui, dans les démocraties, d'avoir certaines idées (tout à fait non violentes !). C'est comme si on censurait Céline à partir de son antisémitisme... beaucoup plus violent, lui...

- Dans ce cas, je vous mets en lien une collaboration de Richard Moult avec Michael Morthwork : de l'ambiante bien noire !

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 12 août 2021)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Ambiantes - Électroniques

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