Andrew Heath & Anne-Chris Bakker -Lichtzin

Publié le 6 Février 2018

Andrew Heath & Anne-Chris Bakker -Lichtzin

   Enregistré pendant l'hiver 2016, Lichtzin est le fruit de la collaboration entre l'anglais Andrew Heath et le néerlandais Anne-Chris Bakker, ce dernier bien connu dans ces colonnes. Le premier développe une musique ambiante délicate que je commence à explorer ; à noter qu'on trouve à ses côtés sur deux albums, Hans-Joachim Rœdelius, grande figure de la musique ambiante-électronique depuis les années 1970.

  Un 33 tours gratte au début de "Onderstroom" ("Sous-flux") tandis qu'une musique lointaine, un flux éthéré s'enfle peu à peu. Un piano pose deux notes nettement séparées, puis quelques autres, doucement, plus fortes ensuite, mais à peine. On assiste à une confluence objective d'univers, à l'ensorcellement de l'espace. La guitare intervient à cordes feutrées. C'est comme un brouillard givrant traversé de lumières diffuses, une respiration cosmique d'une infinie délicatesse. Une merveille qui me rappelle les bouleversants Weerzien et Tussenlicht d'Anne-Chris.

   "Still" poursuit ce travail d'orfèvrerie sonore. La guitare s'enlace aux sons divers, cloches, glissendi, surgissements de drones. Lente giration suave, diaphane, traînées d'orgue en crescendo puissant. Comme une traversée majestueuse de galaxie en galaxie, la guitare sèche nous ramenant sur terre...

     "Lichtzin" est plus dans les graves profonds, hanté par des sons de terrain divers, des craquements, des battements erratiques. On entend dans les interstices de ce monstre sonore une clochette, des mouvements d'eaux, des voix. Le titre est plus émouvant, vivant que le précédent, hiératique. Un monde fantomatique habite cette musique aux amortis mélancoliques.

   Nous voilà avec un objet non identifié, une grande forme de plus de vingt minutes, découpée en plusieurs mouvements par de véritables brèches. "Holding the Temporal" reprend le voyage intersidéral, mais pour le rabattre heureusement sur des moments extatiques. Le premier cas se produit un peu après quatre minutes, quand la guitare électrique s'immisce dans le voyage, le suspend pour y poser ses notes brûlantes, d'une infinie mélancolie. J'ai fait écouter ce passage : tout le monde est suspendu au charme, il se passe quelque chose, la nostalgie d'une beauté poignante. Des pas vont et viennent à l'arrière-plan. Moment magique et bouleversant, le temps fond... Le voyage reprend, désincarné d'une certaine manière, déserté par cette présence miraculeuse. Mais se produit un autre surgissement, celui d'un piano réverbéré, vers onze minutes, qui rend à nouveau la musique passionnante. C'est ça qui est beau dans ce long titre, la dialectique entre une musique ambiante à la beauté glacée, hautaine, et ces moments fragiles de grâce ineffable qui nous font accepter le transport vers un autre univers parcouru de vents étourdissants. Nous sommes embarqués, charriés par quelque chose de plus fort que nous, qui nous dépasse infiniment. La troisième partie est d'une incroyable puissance rauque qui nous agrippe au fond des tripes pour nous déposer en longs atterrissages frémissants grâce à la guitare à archet dans les notes les plus graves et en même temps d'une douceur de plus en plus confondante. Nous descendons, nous ne finirons jamais de descendre, mais un coup brutal met fin au périple...

   Une superbe collaboration, pour une musique tour à tour grandiose et intime, sculptée par des musiciens qui sont à part entière des artistes sonores.

   Magnifique photographie de couverture, par Andrew Heath : raffinement et élégance d'une musique en apesanteur dans les espaces infinis !

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Paru en 2017 chez White Paddy Mountain / 4 plages / 53 minutes.

Pour aller plus loin :

- l'album en écoute et plus :

 

(Liens mis à jour + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 28 septembre 2021)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Ambiantes - Électroniques

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