Snow Palms - Land Waves
Publié le 12 Décembre 2020
Land Waves est le troisième album du duo Snow Palms, d'abord projet solo mené par le multi-instrumentiste et professeur David Sheppard, rejoint par son invité, le compositeur et producteur Matt Gooderson - fondateur de son côté du groupe d'électro-rock Infadels - après des expérimentations communes en studio. L'album associe les synthétiseurs modulaires de Matt aux instruments acoustiques à maillet de David. La voix de Megan, compagne de Matt alors enceinte de leur fils, vient se mêler parfois aux textures des deux compères. L'idée est aussi de brouiller les frontières : l'électronique bien programmée semblera presque acoustique, tandis que les sons acoustiques pourront s'approcher des rivages électroniques. Les deux musiciens s'inscrivent dans la nébuleuse des minimalistes des années soixante, avec une touche ambiante et exotique due aux instruments traditionnels africains ou de l'Asie du Sud-Est qu'ils affectionnent. Ils revendiquent parmi leurs influences, celles de Brian Eno, Underworld et plus particulièrement de pièces comme Music in Twelve Parts ou Music With changing Parts de Philip Glass, et comme Music for Mallet Instruments de Steve Reich.
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Pas étonnant donc que la musique de Steve Reich soit le point de départ du premier titre, "Atom Dance". Glockenspiel, clarinettes et synthétiseur tissent des motifs répétés, amplifiés, sur une pulsation reichienne irrésistible, enrichie de percussions moelleuses et de brèves incursions vocales lancinantes. La danse des atomes est un ballet aérien en perpétuelle régénération, qui ne se met en sourdine après cinq minutes, deux minutes de mouvement lent en somme, que pour repartir avec plus de vigueur dans le crescendo illuminant typique du Maître ! Un beau départ ! "Everything Ascending" nous offre une techno spatiale au lyrisme grandiose, avec chœurs interstellaires et explosions gravitationnelles, là encore avec des souvenirs de Steve, cette manière de frémissement lié à la segmentation incessante des textures, leur intrication si serrée, parcours ponctué par une belle retombée cardiaque et des maillets translucides dans la chevauchée finale apaisée. L'atmosphère japonisante de "Evening Rain Gardens", les maillets créant une sorte de marche cadencée dans le jardin d'un temple, est transcendée par des envolées orchestrales de claviers et la voix démultipliée par des traînes expressives.
Le titre éponyme, le plus long avec ses plus de dix minutes, enroule le tapis bruissant des percussions cristallines aux vibrations électroniques striées : voyage chatoyant, toujours plus intense, augmenté de multiples incursions électroacoustiques, hanté par la/les voix de Megan, dont la mélopée est soutenue par d'amples vagues sonores, chaleureuses, profondes, boisées par les clarinettes basses. Le dernier quart est tumultueux, puissamment rythmé, syncopé, d'une incroyable beauté. Quel vibrant hommage à Steve Reich ! Les résonances envahissent "Thought Shadow" : nous sommes dans les montagnes, vers des monastères perdus dans les nuages, sons réverbérés, on pense à des appels de trompes lorsque les clarinettes veloutent l'ensemble de ce flux changeant. Le titre suivant, "Kojo Yakai", évoquerait la mode japonaise des visites nocturnes d'usines et de raffineries illuminées : musique gracile des glockenspiels, marimbas, que viennent surplomber des percussions plus sourdes pour créer un continuum coloré, feu d'artifices traversé de voix éthérées. Énergiquement extatique ! Le périple se termine avec "White Cranes Return", ritournelle envoûtante autour de la voix fredonnante de Megan, bientôt rejointe par des boucles de chœur qui s'ouvrent comme des fleurs éruptives. Une manière peut-être de revenir en catimini aux racines folkloriques britanniques, car j'entendais dans la voix de Megan des accents des chanteuses du groupe The Unthanks, particulièrement dans "Because He Was a Bonnie Lad" sur l'album Here's A Tender Coming (2009).
Paru le 11 décembre 2020 chez Village Green Recordings / 7 plages (+ 1 bonus) / 42 minutes environ
Gorgeous ! C'est le mot qui me vient en anglais... Un disque superbe gorgé de bonheurs rythmiques et d'énergies enivrantes. Incontournable pour tous les fervents de Steve Reich, dont je suis !!!
Pour aller plus loin :
David Sheppard est aussi l'auteur d'une biographie encensée : On Some Faraway Beach : The Life and Times of Brian Eno, parue en 2008.
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- album en écoute et en vente sur bandcamp :