The Transcendence Orchestra - All Skies have sounded
Publié le 15 Septembre 2021
Composé et produit par Anthony Child et Daniel Bean, les deux membres constituant The Transcendence Orchestra, All Skies have sounded est le troisième album studio du duo, le premier remontant à 2017, déjà aux Editions Mego. Les deux musiciens s'intéressent aux très basses fréquences, aux drones entendu un peu partout dans notre monde : qu'on les appelle gonzen, uminari ou retumbos, des sons qui semblent parfois provenir du ciel. Si les Haudenosaunee ("peuple des maisons longues"), plus connus sous le nom d'Iroquois pensent que le Grand Esprit n'a pas fini de façonner la terre et qu'il fait un peu de bruit en poursuivant son œuvre, nos deux Anglais tentent d'explorer ces sons troublants en utilisant l'électronique ainsi qu'une gamme d'instruments acoustiques ésotériques (que j'ai renoncé à identifier...).
L'album présente huit titres, le plus court d'un peu plus de trois minutes, les autres entre cinq et douze minutes.
Le premier titre, "Having my Head is Felt", est une mise en oreille répétitive, longue marche de drones en boucles serrées sur un mur oscillant d'orgue, avec des remontées sourdes, de profonds battements. "Only Out Perfect" déploie des curiosités sonores vaguement orientales après des frottements de gong, des traînées sombres : tout un monde de micro tourbillonnements prolifère, s'enfle, puissamment scandé, soulevé de matières épaisses, puis se déploie en longues coulées quasi lyriques, comme incurvées vers l'intérieur. Tous les cieux ont sonné, nous rappelle le titre du disque. Nous voici dans la divine forgerie, la lumière informée d'ombre. "Marker against Mountain", coups sourds, résonances, vols d'oiseaux synthétiques, est un hymne à la montagne accoucheuse de sons, à la montagne toujours mystérieuse des origines, dans les entrailles de laquelle gît le trésor sonore à venir, qui finit par traverser les parois en vagues radieuses. Une trouble flûte stratosphérique plane au-dessus de "Weather Series", saturé de drones sépulcraux enfermés dans les cercles de boucles obsédantes... Avec presque douze minutes, "Gliding Up Good" glisse au long des notes tenues d'une guitare embrumée, crachoteuse, cernée d'objets sonores gloussants qui semblent voler en rase-motte, aller et venir dans une ronde implacable. On s'enfonce peu à peu dans un bourbier agité, un magma pulsant, pris dans une musique ambiante sombre au souffle épique ! Le morceau suivant, "Going Upstairs (Imagnie it Orange) est plus flamboyant de noirceur, infusion de drones tournant sur place, frangés d'aperçus de lumière : titre vraiment hypnotique, phénix brûlant et renaissant, alimenté de l'intérieur.
Les deux derniers titres ajoutent deux nouvelles visions sonores à ces tentatives pour transcrire le bruit de fond du monde. "Satsuma Felt Slow", contrairement à ce que son titre pourrait laisser attendre, est plus agité, plus coloré, plus aéré, à mon goût moins convaincant, plus décoratif en un sens. Heureusement, "Own your Dreams Again", qui invite à nous réapproprier nos rêves, revient à une densité foisonnante, à des textures empilées, à cette émouvante impression de plonger au cœur des choses en devenir, à demi-ébauchées, grondantes, soleils noirs déjà constellés de fulgurances.
Un disque d'immersion sonore fascinant, agrémenté d'une belle couverture : une peinture de guérison, huile sur toile représentant une sirène géante, par l'artiste visuelle franco-suisse Vidya Gastaldon, vivant et travaillant à Besançon et à Genève.
Paru en juin 2021 chez Editions Mego / 8 plages / 63 minutes environ
Pour aller plus loin :
- album en écoute et en vente sur bandcamp :