Insect Ark - Future fossils

Publié le 10 Novembre 2021

Insect Ark - Future fossils
Dana Schechter / Insect Ark

Insect Ark désigne le projet solo de Dana Schechter, artiste new-yorkaise ayant déjà plusieurs albums à son actif. Future fossils rassemble quatre titres, trois non publiés jusqu'alors, et une longue improvisation enregistrée dans une église reconvertie de Brooklyn en 2016. Si les trois premiers sont des solos joués sur un synthétiseur Buchla 200, le quatrième est une collaboration avec Ashley Spungin aux synthétiseurs et aux percussions, tandis qu'elle-même, en plus des synthétiseurs, joue d'une guitare posée sur les genoux (lap steel guitar).

Le premier titre, "Oral Thrush" donne la mesure de cet univers envoûtant, très sombre. Une pulsation de drones, des déchirures, des chuintements, un orgue comme immergé forment un lamento abyssal. Une mélodie lentement tournoyante est cernée de textures acérées, d'autres drones qui semblent racler le fond du fond pour élever un mur de ténèbres. Comment comprendre le titre ? Ne nous désigne-t-il pas ces compositions exhumées comme des paysages visionnaires d'un univers futur qui aura résorbé toutes les traces de la civilisation, enfouies et fossilisées ? Cette musique entièrement instrumentale me fait songer au monde halluciné chanté par Carla Bozulich d'une voix d'outre-tombe ! Une musique infectée, comme le laisse entendre le sens du premier titre : ce muguet oral, ou candidose orale, désigne une infection fongique qui se produit à l'intérieur de la bouche...

 

   La suite est à l'avenant, expérimentale, bruitiste, gothique. Nous pénétrons dans les couches de la terre. Drones noirs découpés par des chalumeaux lumineux vibrants, plongée étouffante, nous mènent à des monstruosités telluriques, des blocs striés d'aigus étincelants, à cette lame de plâtre, de gypse, du second titre. Pas étonnant qu'on perde la vue ! "Anopsian Volta", temps anopsien (?), est hanté par un piano sépulcral, enfermé, cerné de chutes électroniques, tentant de faire entendre une dernière mélodie parmi les décombres amassés.

   L'improvisation de plus de vingt-trois minutes titrée "Gravitrons"- le gravitron étant une sorte de manège-rotor qui permet de défier la gravité (j'écarte le sens de "banc de musculation"...), permet d'apprécier toute la puissance dramatique de cette musique foudroyée, lacérée par la guitare électrique, sertie de roues tourbillonnantes. En un sens, c'est une musique post-industrielle, une fabrique destructrice dont les déchets sont recyclés pour un hymne babélien impie, fasciné non par le Ciel, mais par les beautés chthoniennes.

Paru en septembre 2021 chez Consoling Sounds / 4 plages / 43 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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