Christopher Cerrone - The Arching Path

Publié le 20 Février 2022

Christopher Cerrone - The Arching Path

   Je ne perds pas d'oreille le compositeur américain Christopher Cerrone, dont j'ai célébré avec ferveur The Pieces That Fall to Earth paru en 2019. Il a sorti en mai 2021 un autre disque remarquable, The Arching Path. Sorte de carnet de route, l'album enregistre le choc en retour produit par certains lieux longtemps après être rentré chez soi. Comme le disque est accompagné d'un livret très éclairant, je laisserai de côté un certain nombre de renseignements.

Pont sur la rivière Basento (1967) à Potenza / Architecte : Sergio Musmeci

Pont sur la rivière Basento (1967) à Potenza / Architecte : Sergio Musmeci

  The Arching Path (2016), cycle de trois pièces pour piano solo, est lié au pont sur la rivière Basento, à Potenza en Basilicate (Italie). Un pont en béton armé d'une seule travée soutenu par quatre arches en forme de bois de cerf, ce dernier point étant le plus étonnant. C'est le pianiste Timo Andres qui interprète ce cycle magnifique. Le premier mouvement évoque par une note répétée à intensité crescendo la travée unique, soutenue par des éclaboussures harmoniques en strates de hauteur variable : pièce éblouissante par ses boucles dynamiques et sa mélodie courante, diffractée ! Le second plonge dans les eaux, songeur, parcouru de frémissements, d'alanguissements élégiaques. Quelle douceur souveraine, et quelle force lumineuse ! Le troisième, à nouveau s'appuyant sur le pointillisme du premier, semble poser une question insistante, se laisse aller à une contemplation extatique dans un semis d'aigus et d'éclats.

   Suit un deuxième cycle de cinq pièces baptisé Double Happiness (2012, arrangé en 2016), pour vibraphone, piano, électronique et enregistrements de terrain (de son séjour en Ombrie : orages, cloches d'église, gare et campagne italienne ). Pour commencer, un délicieux "Autoportrait" à partir de quatre notes mélancoliques au piano puis au vibraphone sur un fond cristallin de particules électroniques. Le cycle est presque buddien (Harold !), emprunt d'une ambiance délicatement orientale (clin d'œil au mariage du compositeur avec l'écrivain Carrie Sun, d'origine chinoise ?). La deuxième partie de l'Autoportrait est une splendeur de cloches sonnantes et de vibraphone, prolongé par le piano dans le dernier tiers, extraordinaire crescendo minimaliste. Un deuxième interlude ménage une phase de rêverie avant la "New Year's Song", mélodie diaphane agrémentée de bruissements de violon (joué par le compositeur en personne), retombant sur un fragment mélodique répété au piano. Un cycle miraculeux !

 

  I Will Learn to Love a Person (2013), cycle en cinq mouvements, notamment pour piano, percussion à archet, vibraphone et clarinette, est chanté par la soprano Lindsay Kesselman : il s'agit de la mise en musique de cinq poèmes de l'écrivain Tao Lin. Je retrouve le génie de Christopher Cerrone, dont The Pieces That Fall to Earth m'avait enthousiasmé. Quelle musique précise, exquisement expressive ! Je reste rivé au livret, suivant le texte mot à mot, ébloui, en dépit de textes bien inférieurs à mon sens à ceux du disque mentionné ci-dessus.

  Inspirée d'une station de métro dans laquelle le compositeur a passé bien des moments nocturnes, Hoyt-Schermerhorn, les presque huit minutes de cette pièce pour piano solo terminent cet album varié, généreux. C'est une lente dérive, une rêverie au piano d'un dépouillement émouvant, magnifiée par un cliquetis électronique miroitant en direct dans les dernières minutes.

   Le disque splendide d'un compositeur capital. Meilleur disque de 2021 ?

Paru en mai 2021 chez Outburst - Inburst Musics / In a Circle Records / 14 plages / 53 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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