Hommage à Harold Budd (1)
Publié le 17 Mars 2022
Discographie (très) sélective (1)
Harold Budd (1936 - 2020)... N'attendez pas une biographie, Wikipedia en propose une, et l'excellent site Neosphères évoque très complètement l'ensemble de la carrière d'Harold, y compris les débuts que je connais mal : je vous y renvoie. Ce sera donc une discographie choisie, subjective, féroce parfois, plutôt chronologique, mais pas toujours (voyez le début !).
Harold fait partie de mon univers sonore depuis si longtemps que j'ai l'impression curieuse d'être un peu Harold Budd ! Non pas que tout me plaise chez lui : l'œuvre est inégale, guettée par une mièvrerie nouvel âge. Mais quand Harold est en forme, il est l'un des très grands maîtres de la musique ambiante, de la musique tout court. C'est le cas sur un cd qui rassemble deux disques , The Serpent (in Quicksilver) (1981) et Abandoned Cities (1984). Autant l'album de 1981 est assez médiocre, en dépit de la contribution sur le premier titre de Chas Smith, qui fut son élève à la Cal Arts (California Institute of Arts), et à l'exception du quatrième titre au piano, "Children on The Hill", annonciateur du grand Harold, autant Abandoned cities reste un des grands monuments de la musique ambiante. Je ne peux, au sujet de ce dernier disque, réécouté récemment, que plaider pour une écoute sur une très bonne chaîne hifi, dans une salle suffisamment grande. Même un très bon casque ne rend pas le potentiel renversant de cette musique d'une noirceur abyssale.
De The Serpent (in Quicksilver) : "Children on the hill" (4)
De Abandoned Cities : TOUT ! Les deux longs titres "Dark Star" et "Abandoned Cities"
Le premier album, en dehors d'un opus de 1971 que je ne connais pas, porte le très beau titre de The Pavilion of Dreams (1978). Déjà produit par Brian Eno sur son label Obscure Records. Même s'il compte parmi les musiciens, excusez du peu, Michael Nyman (au marimba) et Gavin Bryars (au glockenspiel) sur le premier titre, il me paraît aujourd'hui bien douceâtre et soporifique. Seul "Juno", la dernière des quatre pièces, atteint une fluidité vaporeuse malgré tout d'une belle consistance. Piano, vibraphone, marimba, percussion, glockenspiel, harpe, tissent des ondulations délicatement charmeuses.
Ne garder que "Juno"...
En 1980, c'est le premier album avec Brian Eno, Ambient 2 / The Plateaux of Mirrors. Encore un titre magnifique, et cette fois un album marquant. Le piano (acoustique et électrique) brumeux d'Harold y fait merveille, Brian jouant des autres instruments et réalisant les traitements. Les compositions les plus réussies sont de grandes boucles mystérieuses, parfois discrètement exotiques. Le titre éponyme, au superbe début, n'échappe pas à un certain enlisement, hélas, à l'image d'autres titres très ronronnants.
Meilleurs titres : "First Light" (1) / surtout le chef d'œuvre : "Not Yet Remembered" (6) / "The Chill Air" (7) / "Wind in Lonely Fences" (9) / on peut garder aussi "Failing Light" qui répond au premier titre.
En 1984, deuxième album avec Brian Eno, produit par Brian et Daniel Lanois, The Pearl. La recette ambiante est au point : l'album est toutefois assez inégal, n'évite pas les langueurs fades. Je m'y ennuie beaucoup. Trop d'évanescence me déprime. Les cinq premiers titres tombent dans les oubliettes. J'ouvre un œil pour "Dark Eyed Sister", bande sonore pour un roman gothique, avec une belle énergie butée, enfin un brin d'énergie dans cet océan d'inconsistance. Ah! Une autre réussite, le titre suivant : "Their Memories", bien décapé, concentré sur le piano et de bruissantes toiles de fond. "The Pearl" est aussi très bon, sobre, vraiment intriguant. Et l'énergie illumine le très beau "Foreshadowed" ! Trop de gri-gri façon forêt tropicale sur le titre suivant, "Echo of Night", très poussif. Et le dernier, "Still return", m'endort et m'agace avec ses touches hawaïennes, ça c'est le pire chez Harold !
Quatre titres surnagent : "Dark Eyed Sister" (6) / "Their Memories" (7) / "The Pearl" (8) / Foreshadowed" (9)
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En 1986, Harold Budd collabore avec des membres des Cocteau Twins pour l'album The Moon and the melodies. On peut garder le très buddien "Memory Gongs", piano miroitant et toile de fond ambiante. Hélas, dès que des membres des Cocteau Twins interviennent (titres 1, 4 et 7), on sombre dans une pop plutôt affligeante, avec des vocaux à faire fuir. Ailleurs, Budd ronronne, je m'ennuie sur "Why Do You Love Me" (titre 3) et sur le long et poussif "The Ghost Has No Home" (titre 6). Donc...
Ne gardez que : "Memory Gongs" (titre 2)
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Toujours en 1986, Harold enregistre seul Lovely Thunder, qui commence fort avec le très beau "The Gunfighter", débarrassé des mièvreries et joliesses auxquelles il se laisse parfois aller. Un peu dans le sillage de Abandonned Cities, atmosphère mystérieuse, drones profonds... J'avoue que les synthétiseurs brumeux du second titre, "Sandtreader", ne m'enthousiasment pas : enlisement dans des sables ambiants trop convenus, Harold se plagiant lui-même, un peu comme Philip Glass. Vous me direz que tout ceci était prévisible, après un tel titre. Puis c'est le côté californien d'Harold, encore plus sensible dans le langoureux "Ice Floes in Eden", de la musique à déguster en flottant sur un canapé gonflable dans une piscine de Beverly Hills. "Olancha Farewell" me glisse des oreilles. "Flowered Knive Shadows" me réveille, nuages grondants, piano altier sur une mer mouvante de synthétiseurs : excellent ! Quant à "Valse pour la Fin du Temps", une mélodie magnifique, et ça vole, et ça bouge, un minimalisme ambiant envoûtant ! Le disque se termine avec les presque vingt-et-une minutes de "Gypsy Violin", somptueux, complètement ailleurs. C'est pour des pièces comme celle-là qu'on aime Harold, et qu'on lui pardonne beaucoup, beaucoup... Un album important !
Il nous reste... la majeure partie du disque :
1) "Gypsy Violin" (titre 7) , "Valse pour la Fin du Temps " (titre 6) et "Flowered Knive shadows" (titre 5) et encore "The Gunfighter" (titre 1)
2) par mollesse, vraiment : "Ice Floes in Eden" (titre 3)
(à suivre)