Robert Haigh - Human Remains
Publié le 29 Avril 2022
Une petite musique qui n'a l'air de rien : piano léger, un peu brumeux, dessinant des arabesques élégantes. Ainsi se présente le disque de Robert Haigh, dernier volet d'une trilogie d'enregistrements au piano pour le label Unseen Worlds. Occasion pour moi de découvrir ce musicien britannique, dont l'abondante discographie comporte de la musique électronique, de l'ambiante et de l'expérimentale puisqu'il a collaboré à trois reprises à la fin des années quatre-vingt avec Nurse With Wound.
Le titre Human Remains est celui d'une peinture du même nom du compositeur, également peintre. Il est tentant de le mettre en regard de notre époque, mais il peut signifier plus largement une réflexion sur la fragilité humaine, d'où une part limitée ici pour l'électronique. Ce sont de petites fleurs, comme ces "Twilight Flowers" du deuxième titre, ou comme "Waltz on Treated Wire", si gracieuse, au ras des touches dont on entend les amortis. Miniatures émouvantes, elles nous entraînent l'air de rien vers un ailleurs marqué par l'influence (probable) de Harold Budd. "Contour Lines " a l'allure d'une toile ambiante buddienne, semi-diaphane, rêveuse, nimbée de l'écho ouaté du piano.
La suite est meilleure encore. "Rainy Season", sur une boucle élégiaque, interroge un horizon lointain, prend une gravité inattendue. Avec "Lost Albion", titre plus long, six minutes au lieu de deux environ pour les cinq premiers titres, la méditation s'élargit de couleurs électroniques à l'arrière-plan. Une grande douceur baigne ce titre hypnotique, qui peut aussi faire penser à des paysages sonores à la Brian Eno. Tout devient irréel. "Like a Shadow" tourne sur place, et "Still Life with Moving Parts" marche vers les ténèbres avec une lenteur extatique, sans doute l'un des sommets miraculeux de cet album. "The Fourth Man" nous emporte avec sa mélodie subtilement dansante. Les six minutes de "Signs of Life" planent sur un brouillard électronique. Le piano marche à pas prudents, comme s'il s'agissait de ne pas abîmer un rêve si magnifique qu'un rien le ferait disparaître à jamais. Quelle composition exquise ! Voici une ravissante pièce minimaliste, "The Nocturnals", qui tourne dans l'air de la nuit qui vient. "Baroque Atom" fait virevolter autour d'une très courte cellule fixe au piano, dédoublée très vite et remplacée par une variation, des cordes agitées, frémissantes en courtes virgules serrées : beau ballet brillant !
Nous sommes arrivés "On Terminus Hill", entourés de vents légers. Le piano persiste à dessiner quelques lignes parfumées d'une nostalgie distinguée...
Une floraison miraculeuse de petites pièces à la grâce élégiaque et prenante, à l'opposé absolu d'une époque de plus en plus plombée par un matérialisme épais.
Paru en mars 2022 chez Unseen Worlds / 13 plages / 41 minutes environ
Pour aller plus loin :
- album en écoute et en vente sur bandcamp :