Jana Irmert - What Happens at Night

Publié le 24 Mai 2022

Jana Irmert - What Happens at Night

   D'avant ou d'après l'homme...

   Artiste sonore travaillant à Berlin, Jana Irmert, récompensée par le prix allemand de la musique de film documentaire en 2019, me poursuit ! J'avais consacré un article à son disque précédent, The Soft Bit. Je regrette la brièveté de ce cinquième opus chez Fabrique Records, 28 minutes pour quatre titres. Mais j'ai accroché, à nouveau, dès la première écoute. Particules, cendres, poussière dans la rouille du temps, strate : la traduction française des titres est une bonne entrée dans son univers. Elle dit elle-même être tombée hors du temps, « sur une planète à laquelle nous sommes un ajout très récent ». L'électronique lui permet de juxtaposer de nombreuses strates pour nous propulser dans un ailleurs étrange. Des oiseaux métalliques criaillent, des cloches sonnent, un orgue pousse ses drones, tout tourbillonne, c'est "Particles", le premier titre de presque neuf minutes. Des battements sourds traversent l'espace sonore, des matières remuent, témoignages d'une vie énorme, informe. Jana Irmert excelle à créer une bande-son à un monde magnifique et effrayant en ce qu'il semble n'avoir aucun rapport avec l'homme. C'est une musique d'avant ou d'après l'homme, la musique d'une nuit immémoriale, abyssale.

   On entend bien des raclements dans "Ashes", mais s'agit-il de pieds humains frottant sur le sol ? L'orgue dédoublé balbutie une mélodie pathétique, sépulcrale, sur un fond de clapotis, de glissements de terrains. Il ne restera de nous que des cendres... "Dust in the Rust of Time" : traces de voix tremblées, grelottantes, à peine des voix dans les sous-sols encombrés, parcourus d'une pulsation profonde et d'autres souvenirs de voix pour tapisser cet infra-monde. Lieux hantés à l'inquiétante beauté mi-liquide, mi draperies de drones et de poussées particulaires. On retrouve les voix tremblotantes dans "Stratum" : fuient-elles un monde en train d'exploser, dans lequel font irruption des trombes louches ? Nous sommes au cœur des roches, des laves, dans les strates de l'espace-temps, tout se fissure, tout chute. Au cœur du Mystère, nous frémissons devant la beauté terrible de l'énigmatique Éternité. Vanitas Vanitatum et Omnia Vanitas...

   Cette musique est fabuleuse ! Une splendeur à écouter dans le noir, au fond d'un puits métaphysique, pour guérir notre orgueil.

Paru en avril 2022 chez Fabrique Records / 4 plages / 28 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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