Instruments of Happiness - Musique lente et tranquille à la recherche du bonheur électrique / Slow, quiet Music In Search of Electric Happiness

Publié le 11 Juillet 2022

Instruments of Happiness - Musique lente et tranquille à la recherche du bonheur électrique / Slow, quiet Music In Search of Electric Happiness

   L'ensemble de guitares électriques de Montréal, Instruments of Happiness, qui peut prendre des configurations différentes, se consacre à l'interprétation de la musique nouvelle sous la direction artistique de Tim Brady . Ici, il est constitué par un quatuor de quatre instrumentistes. Tim Brady (l'un des membres du quatuor) a donné une même consigne à quatre compositeurs canadiens : écrire une pièce de quatorze minutes environ, pour quatre guitares très espacées dans un espace réverbérant. Comme l'idée était de jouer la musique dans l'église Le Jésus de Montréal, dont le temps de réverbération est de sept secondes, l'équipe de production a utilisé une réverbération à réponse impulsionnelle numérique pour recréer la réverbération du lieu, avec un micro rapproché sur les amplificateurs de guitare pour capter le son détaillé des instruments.

Les quatre instrumentistes

Les quatre instrumentistes

   C'est la compositrice Louise Campbell qui ouvre l'album avec une pièce langoureuse, "Sideways", s'étirant voluptueusement dans l'espace, tout en fines franges mystérieuses, d'une nervosité plus rock dans la seconde partie sans jamais renoncer à une spatialité un peu diaphane qui ménage bien des surprises.

      Suit Rose Bolton, pas inconnue dans ces colonnes, puisque j'avais célébré comme il se doit l'excellent The Lost Clock en octobre 2021. Pour des oreilles non averties, il est au début difficile de reconnaître des guitares électriques, tant elles sont jouées comme des claviers, produisant drones et nappes. Le titre, "Nine Kinds of Joy", ne ment pas : ce morceau d'une grande quiétude radieuse dans son premier tiers devient le théâtre de surgissements envoûtants, guitares tournoyantes comme des astres lointains entourés d'un halo suave. Rose Bolton est vraiment une des grandes compositrices d'aujourd'hui. Les textures sonores sont d'un grand raffinement, permettant aux guitares d'apparaître dans une lumière surnaturelle au fil de la composition, une lumière arachnéenne d'une extraordinaire délicatesse. Les quatre dernières minutes, traînées et gouttes de guitare créent un paysage chatoyant, celui d'une joie cosmique et océanique à la fois. Absolument magique !

   Deux femmes, puis deux hommes... Le guitariste et compositeur Andrew Noseworthy présente avec "Traps, taboos, tradition" une œuvre déconcertante, trouée de silences. Une virtuosité déconstruite, parfois ravageuse, finalement au service d'une pièce presque méditative par moments malgré elle... conformément au cahier des charges ! Les guitares frottent, éraflent, dérapent sur les cordes, jouent des résonances : elles semblent jouer comme des chattes miaulantes qui se répondent tout en restant à distance, bien sûr. Pourquoi le bonheur serait-il sérieux ? L'autodérision, voire une certaine verve satirique bon enfant se donnent rendez-vous, pour éviter les pièges, les tabous de la tradition, ne pourrait-on comprendre le titre ainsi ?

   Le ton change évidemment avec la pièce suivante, "Notre-Dame is burning" d'Andrew Staniland, guitariste et compositeur, dont le titre est chargé de connotations dramatiques. Guitares grondantes comme des avions décrivant des cercles inquiétants, guitares pour une élégie déchirée, une plaintive montée au ciel de flammes bientôt environnées de fumées de drones étouffants. L'atmosphère est lourde, pourtant les guitares percent, s'envolent pour une prière extatique, pour d'autres flammes à l'étincellement inextinguible. Le morceau oscille ainsi entre l'ombre et la lumière à travers une gamme de demi-teintes mourantes, les graves tentant de recouvrir d'une chape de mort les oraisons fragiles des guitares écorchées. L'expressionnisme épuré atteint une grande et émouvante beauté !

    Quatre quatuors pour guitares électriques qui n'ont rien à envier aux meilleurs quatuors à cordes d'aujourd'hui, servis par l'éblouissante maîtrise instrumentale de L'ensemble Instruments of Happiness.

Paru fin avril 2022 chez Redshift Records /  4 plages / 58 minutes environ

Pour aller plus loin :

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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