Maninkari - Inner Film
Publié le 9 Août 2022
Chasse mystique
Pour ce nouvel album, Frédéric et Olivier Charlot, alias Maninkari, ont utilisé deux synthétiseurs, un Kontakt et un Korg Wavestation. Ils ont mélangé plusieurs orgues d'église, ajouté des sons de voix symphoniques mélangées à des sons de hautbois, d'harmonium, des réverbérations et des distorsions. Entièrement composé, il a été enregistré chez eux. Et ils sont aux claviers d'un bout à l'autre !
Je vous conseille de lire d'abord le texte de présentation sur bandcamp. Il commence ainsi : « Je pris la fuite avec toi, femme inconnue, dans cette ruelle ombragée et presque sinistre.» Pas de grand discours sur la musique, les intentions. Car la musique nous prend, nous emporte, dans un labyrinthe infini de boucles. Ce film intérieur est passionnel avant tout. Tandis qu'un orgue joue une boucle vive, aiguë, ad libitum, l'autre fait entendre des sons graves parfois longuement tenus, puis des sons boisés, des voix peut-être, surgissent dans les corridors du palais des miroirs, la fuite continue, la poursuite, la chasse. On ne sortira plus, la boucle est un sortilège. Il y a là comme une beauté sauvage, écrasante. Écoutez le disque à plein volume !
Chaque titre apporte son lot de variations à cette première composition, non titrée comme les suivantes. La poursuite reprend. Le bal des drones se creuse, la mélodie se fait toujours plus sublime dans sa simplicité répétée. Musique prodigieuse. « Je cherche à être en toi, irradier l'amour. », phrase finale du texte de présentation, donne une des clefs de cette musique. Frédéric et Olivier sont deux derviches tourneurs, deux mystiques égarés en ce bas monde. Leur musique aspire à remonter, à brûler, dans un mouvement spiralé, dans un magnifique tuilage de couches ascendantes.
Le titre trois correspond à une sorte d'affolement de la biche poursuivie dans les sombres forêts. Tout s'épaissit, les textures semblent se rayer, Tout devient hallucination terrassante. Et la poursuite reprend en quatre, aigus vrillés, tremblés, tandis que les drones implacables sont d'une redoutable sérénité. Lorsque j'écris « la biche », il faut comprendre l'absolu, l'amour, qui nous entraîne toujours plus loin. La partie cinq semble revenir à la deux, mais avec des réverbérations, des granulations, des tremblements. La boucle répétée résiste aux efforts de l'ombre, échappe aux forces descendantes, aplatissantes, qu'elle fait exploser de l'intérieur, dirait-on. Un harmonium enrayé se mêle à la poursuite en six, la boucle plus serrée, rapide et inaccessible irradie des strates de lumière qui font taire un moment les graves. Les deux voies sont en cours de fusion, s'enlacent dans une extase flamboyante d'une somptuosité sonore extraordinaire. Aussi peut-on entendre le dernier titre comme des noces mystiques. La biche danse sa joie au milieu du buisson de drones qui lui sert de couronne et de rempart contre la laideur extérieure.
Un film intérieur totalement envoûtant !
Pas d'extrait sonore en dehors de bandcamp (voir ci-dessous)
Paru fin avril 2022, Autoproduit / 7 plages / 36 minutes environ
Pour aller plus loin :
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
Un extrait d'un album antérieur...