Greg Davis - New Primes

Publié le 22 Septembre 2022

Greg Davis - New Primes

   Imaginez une musique fondée sur les propriétés de composition des nombres premiers... Vous commencez à avoir mal à la tête ? Rassurez-vous, je ne rentrerai pas dans tous les détails. Rappelons que la musique a toujours été cousine des mathématiques, que cela plaise ou non. Le musicien électronique Greg Davis, originaire du Vermont, tire de ces séquences de nombres un réseau de tons sinusoïdaux purs. Le fondateur de la maison de disque Greyfade a découvert Greg Davis en 2016 dans la compilation The Harmonic Series (cf l'un des disques de cette compilation en plusieurs volumes, où il est question de Greg Davis et de la composition "Star Primes" qui l'a impressionné), consacrée par le label Important Records à l'intonation juste. L'utilisation d'ensembles de nombres premiers est apparue au musicien comme un moyen de développer des relations et des intervalles d'accord d'intonation juste et il travaille dans cette direction depuis 2008. Greg Davis précise : « Je commence par choisir une fréquence fondamentale pour chaque pièce et je multiplie cette fréquence par chacun des nombres premiers dans une séquence donnée pour déterminer les harmoniques au-dessus de la fréquence de base ». Les titres des pièces renvoient simplement au nom de l'ensemble des nombres premiers utilisé.

   Musique d'essence abstraite, et pourtant troublante. Des drones, des sons sinusoïdaux, c'est-à-dire pour notre oreille des sons en allée, qui planent et vrombissent doucement dans un halo d'harmoniques, traçant des courbes sonores très pures, presque suaves. Cette musique nous donne une idée de l'impalpable, de l'ineffable, tellement elle semble loin des contingences matérielles et humaines (ce qui n'est pas le cas : les ordinateurs travaillent, le compositeur est intervenu...). Chaque pièce a son atmosphère propre. Si "Sophie Germain" est à tous égards une épure, "Irregular" produit des tons plus troubles, donne une plus grande impression de profondeur, d'épaisseur, animé par des battements imperceptibles et des superpositions qui dramatisent le cours de la composition. "Proth" est plus grondant, plus nettement ondulatoire, parcouru par une pulsation vrillante.

   Avec "Pierpont", le bourdonnement des graves s'intensifie, la musique plonge dans un abyssal inquiétant. Certains sons s'élèvent de ce fond pour pulser longuement en des dissonances radieuses. "Cullen" s'envole très vite en effritements battants, porté par un puissant courant de graves, puis envahi de résonances troubles en longues ondulations scintillantes. Le dernier titre, "Euclid", repose sur des superpositions, des différences rythmiques sensibles. La composition foisonne, vertigineuse, littéralement saturée par les harmoniques dans tous les sens, au point de provoquer une sensation d'arrachement.

   Cette musique, non seulement nous enveloppe, mais elle nous absorbe et nous nie, dépouillée d'affects, ce en quoi elle est paradoxalement reposante... et envoûtante ! On ne peut s'empêcher en l'écoutant de penser aux compositions d'Éliane Radigue, quoique cette dernière joue davantage sur la durée et sur l'attraction subtile exercée sur l'auditeur vraiment attentif, alors que la musique de Greg Davis nous envahit, s'impose par sa densité lancée dans la nuit infinie.

Paraît le 23 septembre 2022 chez Greyfade / 6 plages / 39 minutes environ

Pour aller plus loin :

- Rien sur les plates-formes, il faut vous contenter de bandcamp...

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

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