Giulio Aldinucci - Real
Publié le 9 Novembre 2022
Encore une découverte majeure ! L'artiste sonore italien Giulio Aldinucci en est à son vingt-cinquième disque, si j'ai bien compté. Beaucoup avec de belles couvertures, de beaux titres qui font signe, qui nous disent que nous avons affaire à un chercheur de beauté. Real est son quatrième album chez Karlrecords. Pourquoi ce titre, Real ? Le compositeur précise : « Les médias numériques avec lesquels nous vivons façonnent et définissent la réalité en la filtrant, nous laissant courir le risque de vivre sans ce qui nous est propre et unique. Mon nouvel album exprime un besoin de quelque chose d'absolu et d'authentique. « Real » est une réflexion sur la possibilité infinie de transformation sonore, la capacité que nous avons de créer de nouvelles réalités en transmutant le paysage sonore qui nous entoure et le paysage sonore intérieur en nous, ne serait-ce qu'en l'imaginant.»
Je retiens le mot de « transmutation ». Giulio Aldinucci utilise sons de terrain et matériel électronique, comme beaucoup, mais il transmute ce matériau de base en y injectant des voix éthérées, un lyrisme épuré, ce qui confère à sa musique une résonance sacrée . Dès "Deep Space Shelter", on entre dans un univers de soieries froissées, de murmures tremblés : des voix vivent là, dans les lointains, et l'électronique se voile, on ne sait plus ce qui est voix ou pas. Un premier titre magnifique, suivi par "Come in Un Respiro", grandiose par ses vocalises à la Arvo Pärt sur des vagues d'orgue. C'est une musique qui respire, en effet, qui emporte par son souffle puissant et délicat. "As The Horizon Disappears" est un mur électronique vibrant, grondant, illuminé par l'orgue en boucles envoûtantes, qui semblent nous entraîner vers le néant. Absolument splendide !
"Smoke over the River"est une sorte de lamento aux couleurs orchestrales magnifiques, comme un concert de larmes se résorbant dans un drone sombre juste éclairé de touches de clavier. Un bijou ! Plus épique, "Mythological Void" prend l'allure d'un hymne ambiant de voix incrustées dans une texture électronique en mouvement. Tout se mêle dans un tissu froissé somptueux d'une grande puissance, comme dans une cathédrale cosmique. La fin est d'une suavité rêveuse à tomber..."Every Word, in Summer" poursuit dans la même veine épique, plus magmatique, au bord du déchirement. Les textures semblent fissurées, vibrent de manière saccadée. On se rend compte du feuilletage impressionnant des couches sonores !
Dans ce contexte, "Hyperobject A" semble un ovni. Pièce percussive, presque africaine par certains côtés, elle réintègre toutefois la galaxie Aldinucci par le miroitement des textures électroniques, en boucles tordues, et l'apparition de voix fondues dans la transe. Après cet écart, "Asymptotic Embrace" renoue avec le lyrisme sublime. Une voix perchée dans les nuages, puis deux, une masculine et l'autre féminine, planent au-dessus d'un mouvement perpétuel de drones et de cordes synthétiques.
Un disque splendide, d'une rare élégance, qui redonne à l'électronique une dimension humaine, transcendante.
Paru mi-octobre 2022 chez Karlrecords / 8 plages / 42 minutes environ