Aviva Endean - Moths & Stars

Publié le 8 Février 2023

Aviva Endean - Moths & Stars

   Clarinettiste, la compositrice australienne Aviva Endean a voulu pour son second opus Moths & Stars (Papillons de nuit et Étoiles) libérer la musique du lieu et du moment de son interprétation, ou d'une perspective unique. Elle a cherché à créer comme une intimité avec notre oreille, si bien que l'on pourrait entendre le battement de l'aile d'un papillon de nuit dans le vaste ciel étoilé. Pour cela, elle a beaucoup utilisé ses microphones pour capter le microscopique, réinventer des timbres et des tonalités à partir de ses instruments et de sons archivés, et grâce à de nouveaux outils d'approche, s'abandonner à l'intuition pour explorer l'inconnu.

Aviva Endean

Aviva Endean

Ce qui appelle dans le calme

   Des déflagrations déchirées se croisent au début de "Between Islands", les bourdons de ses clarinettes halètent : nuit hantée, enchantée par de micro chants, des battements d'ailes, dans une grande douceur soyeuse, avec en fin de pièce la levée discrète de voix à l'unisson, si bien qu'on enchaîne avec "Nightwork", pièce ambiante éthérée tapissée par les drones de clarinette basse et les voix de plus en plus envoûtantes, féminines et masculines, qui tournoient suavement. C'est un chœur céleste autour duquel évolue la clarinette dans des aigus étirés qui la font sonner comme un thérémine. Au début de "Moths & Stars", la clarinette pulse brièvement comme chez Steve Reich, puis les différentes couches sonores alternent au premier plan, la pulsation grave revient. Des îlots sonores nagent dans un ciel sonore de plus en plus mystérieux, peuplé de survenues frémissantes. Les timbres flottent dans le sublime des auras en mouvement. Aviva Endean tisse ainsi une musique tranquillement somptueuse d'un extrême raffinement.

   La suite ne dément pas cette première moitié. "Same River, Twice" joue sur la démultiplication des clarinettes, avec un fond agité de graves et des aigus comme de petites griffes, sur un matelas de bourdons. De temps en temps, des poissons vifs se faufilent dans l'onde et puis se fondent pour laisser place à des vagues profondes, moelleuses. Quel beau titre que le suivant : "What Calls in the Quiet", que j'ai choisi pour titrer mon article ! Vertige si tendre de ce charme irrésistible, malgré le bourdonnement de frelons de la fin, prélude à la dernière pièce, "Mirror Signals", creusée de courbures et zébrures, de fines vibrations, le tout sur un lit de drones très doux. Il y a là une extase spectrale d'une incroyable beauté diaphane, une cérémonie attentive au moindre son, si délicatement mis en lumière qu'il resplendit de toute sa nature intrinsèquement pulsatoire.

  Un disque ravissant, aux paysages sonores parfois exotiques et mystérieux, sculptés avec un soin admirable.

Paru début décembre 2022 chez Room40 / 6 plages / 36 minutes environ

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