OLO - Neige Noire
Publié le 4 Janvier 2023
Pseudonyme du compositeur, producteur et bassiste suisse Loïc Grobéty, OLO signe les compositions impressionnantes du musicien en solo à la basse électrique et à la contrebasse, au synthétiseur Lyra 8 et aux instruments bricolés. Les trois compositions sont inspirées par des paysages et des climats, comme le suggère déjà l'image de couverture, glaciale et désolée, tout en reliefs acérés, arides.
Le premier long titre, de presque vingt-huit minutes, "Nocturne" est lié à un paysage de Le Pont (Suisse), près du lac de Joux. Il fait moins dix degrés, le lac gèle et la pleine lune suscite des formes fantomales qui apparaissent sur la glace. C'est d'abord un long lamento aux sons étirés, au rythme lent. Des lames de glace qui se chevauchent, des ponctuations rythmiques lourdes, sourdes. On s'enfonce dans un désert sans fin, chaque note comme une trace inscrite profondément dans le sol qui se crevasse. Et peu à peu quelque chose d'informe se lève, gronde, une boule noire striée de coulées claires, au fil de boucles obsédantes. Puis vers quatorze minutes, de puissants craquements, des déflagrations, brisent et enflamment cette atmosphère pesante, angoissante. L'ambiante noire vire alors à une sorte de métal émaillé de riffs distordus, de vocaux troubles. Un véritable mur du son fait exploser l'espace sonore, en proie au chaos. Du glacial figé, on est passé à la lave brûlante, torrentueuse, destructrice. Les quatre minutes finales se remettent difficilement de cette apocalypse : le cœur de l'espace bat, puis tout se dérègle à nouveau, crache, se brouille, avant quelques mesures apaisées nous ramenant au début. Un titre austère, sauvage, impressionnant !
"Flateyjarkirja", le second titre qui dépasse cette fois les trente minutes, renvoie à une petite île volcanique et sauvage du nord-ouest de l'Islande. Quelques sons de terrain pour poser le cadre... puis des drones légers, comme un brouillard enveloppant qui nous isole du monde d'avant. Des sons désossés montent, les archets décharnent les notes, donnant naissance à une respiration profonde, large. La pièce atteint vite à une somptuosité sombre, les drones les plus graves en vagues enroulées, à peine éclairés de quelques stries plus claires. Vers onze minutes, une nouvelle phase s'annonce par un passage au blanc légèrement pulsant, puis au silence. Dans le lointain la musique renaît, raclée, frottée, puis elle se rapproche, moteur vibrant, ronronnant : une musique qui efface, qui envahit, au ras des cordes, elle-même peuplée de multiples petits bruits comme des animalcules en suspension dans la coulée hypnotique criblée maintenant de multiples petits trous dirait-on. La pièce est devenue une odyssée minimale, une ode à la basse et à la contrebasse emmêlées dans un tourbillonnement électronique interne, comme si nous étions progressivement rentrés dans l'antre du volcan, dont nous entendons ensuite le cœur formidable, la fusion énorme, le flux magmatique prêt à s'échapper. Un deuxième titre tout aussi réussi, plus austère encore.
En conclusion, un titre court, "Léthé", réinterprétation personnelle du titre de l'abum Gallery (1995) du musicien suédois Martin Henriksson du groupe Dark Tranquillity. Un titre calme, doucement élégiaque, à la guitare chantante, écho d'une nature apaisante. En somme le contrepoint absolu des deux traversées précédentes : une manière d'oublier la sauvagerie sombre de la nature non-idéalisée !
Un bel album entre ambiante sombre, métal et dérive minimale.
Presque rien sur les plates-formes à vous proposer, sinon ce très très bref aperçu...forcément réducteur !
Paru début novembre 2022 chez Midira Records / 3 plages / 64 minutes environ