Jocelyn Robert (3) - Les Dimanches
Publié le 10 Mars 2023
Ce serait comme une suite à Requiem, paru quelques mois plus tôt. Une sortie du deuil, de la maladie, les yeux ouverts sur le monde. Un autre disque de piano solo. Le compositeur et artiste interdisciplinaire québécois Jocelyn Robert, poète du piano disklavier comme je l'ai baptisé dans un article précédent, s'intéresse également aux orgues à tuyaux et aux ordinateurs, j'en reparlerai sans doute. Il a déjà sorti d'autres disques depuis celui-ci.
On regarde "Les cercles sur le lac", on écoute le piano résonner, faire des cercles lui aussi, dans l'émerveillement d'une pureté neuve. Le piano est pierre qui ricoche, le piano est de l'eau qui coule. Cascades harmoniques, légers accidents à la tonalité, vifs agglomérats translucides...le temps de la contemplation, de la méditation.
Quelques notes s'envolent, c'est "Octobre" fragile, le piano se fait cloche dans le temps suspendu. Les lointains s'estompent. C'est un disque sur les saisons, aussi. Voici "Mars", le miracle d'une venue, des notes comme des gouttes de lumière. Le mystère de la vie minuscule et patiente, dans sa robe diaphane de silence. L'éclosion des grappes, la vivacité retrouvée, comme une extase tranquille.
Avec "Dimanche au Sri Lanka", les notes s'éparpillent dans les aigus, avec quelques appuis graves. Comme des chants d'oiseaux exotiques dans les forêts des songes.
Les dimanches. Devant l'église, il y a "Les gens du parvis". Immobilisés, statufiés, dans une attente indéfinie. La pièce est d'une magnifique austérité, illuminée par les longues résonances, les éclaboussures soudaines de surgissements étincelants. Ce serait une prière, humble et parfois folle, retenue et bégayante de ses notes répétées.
"Septembre" est lourd de ses graves. Il avance un peu ivre, s'arrête pour regarder les choses, écouter l'indicible. De toutes ses notes, il consonne avec la beauté souveraine du monde. Il s'enfonce doucement dans le tissu sublime, et rêve, comme à la fin de toutes ces pièces délicates et dépouillées. "Mai" commence au plus proche du silence, puis se laisse aller à des égrènements prudents : il ne faut pas brusquer la vie, mais avec un immense respect, l'attendre aux tournants des silences...
Sept admirables exercices d'attention !
Paru en octobre 2021 chez Merles / 7 plages / 47 minutes environ
Pour aller plus loin
- disque en écoute et en vente sur bandcamp :