Erik K Skodvin - Nothing left but silence

Publié le 27 Novembre 2023

Erik K Skodvin - Nothing left but silence
À l'orée des lumières du silence  

   Norvégien installé à Berlin, Erik K Skodvin travaille le son, la musique, sous son nom ou sous celui de Svarte Greiner, en duo aussi sous le nom de Deaf Center (avec Otto A Totland). Concepteur graphique et photographe, on lui doit une centaine de couverture d'albums depuis les années quatre-vingt dix. Il dirige aussi le label Miasmah. De disque en disque, je suis devenu un inconditionnel de ce musicien rare, à l'écriture précise, voire minimale, mais dense, riche en émotions. Son univers est sombre, crépusculaire, c'est celui des limites, des bordures, du basculement possible dans un autre monde, celui des lumières enfouies sous les vieilles anxiétés. Une guitare, de la réverbération et un amplificateur, suffisent à ce rêveur obstiné pour débusquer la beauté désolée tapie parmi les ombres inquiétantes.

“Dreams of a new beginning” & "Entrance to the periphery”

“Dreams of a new beginning” & "Entrance to the periphery”

   Promenades hallucinées
au bord de la désolation

    Dès le premier titre, "Awaiting" (En attendant), on est saisi par cette musique économe, attentive. Une seule note sombre, comme une plainte à elle seule, répétée, équivaut à un thrène antique, soudain transfiguré à deux reprises par une brève explosion lumineuse, dont la réverbération prolongée, frémissante, dégage une lumière rase, magnifique, celle d'un incendie vu de très loin. " A silent moment in the periphery", qu'est-ce sinon une boucle obsédante, en flammes vives ? Le silence brûle, on dirait, avec des retraits sombres. C'est une musique idéale pour La chouette aveugle  (première publication en 1936) de Sadegh Hedayat, une vision surréelle presque insoutenable dans sa déréliction fantomatique, d'une beauté foudroyée, d'une douceur douloureuse.

   "Quiet states of anxiousness" semble un rituel inquiétant, le frémissement des cauchemars scandé par un tremolo de guitare et une percussion sèche ou une note isolée. Les marches solennelles, "Solemn Steps", se franchissent en rampant sur les réverbérations rasantes de la guitare balbutiante. Sans doute une vison d'au-dessus est-elle meilleure pour observer les lumières couchées dans les lointains. "Observing the lights from above" tente de s'élever pour que les lumières se dressent malgré les ombres, finissent par dessiner une fugitive silhouette au fusain noir de la nuit absolue. Erik K Skodvin saisit l'âme de la désolation dans ses boucles hypnotiques, raréfiées, réduites à quelques traînées persistantes. C'est la condition pour obtenir la lente récolte, "The slow harvest"(titre 6), dans un poudroiement trouble, dans l'étrange levée de sons percussifs au milieu d'un désert de poussières.

"A walk on the edge" est une nouvelle variation des titres 1 et 3, guitare sourde contre guitare plus lumineuse, nous sommes sur le bord, sur le fil, dans une tentative pour inventer l'envol en dépit des pesanteurs. Pour horizon chimérique, ce sont les "Dreams of a new beginning", tentatives de transfigurations lumineuses sur le fond fuligineux des angoisses persistantes. Et c'est une lente montée dans la splendeur lourde d'une fusion où la guitare se noie dans les réverbérations.

   Un disque magistral, sobrement, sombrement sublime, d'un bout à l'autre. Un des meilleurs albums de 2023 !

Paru en septembre 2023 chez sonic pieces (Berlin, Allemagne) / 8 plages / 40 minutes environ

Pour aller plus loin

- disque en écoute et en vente sur bandcamp :

 

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