Øjerum (2) - Your Soft Absence
Publié le 3 Février 2024
Paw Grabowski, alias ØjeRum, dont les étonnants collages ornent les couvertures des disques, est revenu incanter la fin de 2023.
Voici ce qu'il dit de Your Soft Absence :
« C'est une suite d’ondes sinusoïdales traitées et d’instruments à vent échantillonnés. C’est le récit d’un sentiment particulier d’absence qui me hante ; peut-être mieux décrit comme le désir d'une émotion d'enfance, un sentiment d'émerveillement inconscient, un état d'être simplement sans essence ou peut-être comme un souvenir qui s'éloigne continuellement chaque fois que j'essaie de m'en souvenir, apparemment le plus proche et le plus présent à une certaine distance, avec un certaine absence. »
Pour l'auditeur, c'est la plongée dans une musique crépusculaire, le premier des trois longs titres étant d'ailleurs intitulé "Portrait of the Green Twilight" (Portrait du Crépuscule vert). Des ondes courbes s'enroulent, se succèdent, se chevauchent. Elles dessinent un paysage mouvant, comme des algues agitées par les vagues sous la surface de la mer, ou les ombres brumeuses des arbres dans une forêt parcourue par le vent. La musique tente de saisir l'insaisissable, de l'envelopper sans jamais y parvenir, si bien que les trois pièces n'en font qu'une, l'ample et mélodieux déploiement d'une écharpe aux torsades d'une suavité ensorcelante. Les instruments échantillonnés et les ondes composent un nouvel orgue des abysses, l'orgue de la mémoire, dont les traînées de notes sont enrobées d'un voile opalin. Il n'est plus question d'en sortir, cette musique s'entortille aux parois de votre cerveau, comme si elle était l'émanation même d'une aspiration secrète, indicible, à se fondre dans la beauté vacillante des choses.
Le troisième titre, "Tomorrow We Commemorate the Falling Leaves" (Demain nous commémorons la chute des feuilles), a la grâce bouleversante d'un immense appel frémissant, comme un brame renouvelé jusqu'à provoquer une sorte d'extase langoureuse d'une infinie douceur :
« Comme le cerf, selon le psalmiste, brame vers les sources des eaux vives, ainsi la conscience assoiffée soupire vers l'absent incognito dont nul ne sait le nom. »
Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 66.
Un disque au charme rayonnant, diapré, surgi des semi-ténèbres des souvenirs. Magnifique et absolument envoûtant !
Paru en décembre 2023 chez Room40 (Brisbane, Australie) / 3 plages / 48 minutes environ.
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
/image%2F0572177%2F20170208%2Fob_fdd513_duane-pitre-bridges.jpeg)
/image%2F0572177%2F20240123%2Fob_970a11_jerum-your-soft-absence.jpg)