Reinhold Friedl / Martin Siewert - Lichtung
Publié le 14 Février 2024
Enregistré à Vienne, Lichtung est le condensé de trois rencontres en studio de deux musiciens allemands, le pianiste et compositeur Reinhold Friedl (plus de détails ici) et le guitariste expérimental Martin Siewert, compositeur et improvisateur passant de l'acoustique à l'électronique. Des rencontres sous haute-tension ! Deux sessions longues encadrent une plage plus courte.
La première, de vingt-quatre minutes environ, porte bien son titre : "Genese" : récupération ou genèse ? Peu importe. Au début était le chaos, bourdonnant, traversé de zébrures brutales, recroquevillé sur lui-même dans une boule au bord de l'explosion, ou plutôt de l'implosion. Et puis c'est le miracle qui descend sur cet océan bouillonnant. Tout se calme. Le piano vient de naître, fait ses premiers pas. L'univers s'ordonne, il connaît enfin la lenteur, le recueillement. La guitare berce un univers mystérieux, où grondent certes encore des forces ténébreuses, mais contenues. Ce qui se lève, c'est de la délicatesse, sertie de frottements légers. Naissance, éclosion, tout un nouveau monde à écouter dans son apparition sonore. Un nouveau monde qui se densifie, s'intensifie, s'enfle au point de redevenir menaçant, agressif avec des sons comme de mitrailleuses, de marteaux-piqueurs. La musique des deux compères évolue dans plusieurs champs, de la contemporaine "pure", dépouillée, à l'industrielle, au post-kautrock, tour à tour acoustique ou électronique, au bord du silence ou bruitiste. L'important, c'est qu'ils nous captivent, musiciens-forgerons attentifs, prêts à accueillir, à cueillir le beau bouquet du finale, la montée de la lumière libérée...
"Gestade" (Enceinte ?), avec un peu plus de cinq minutes, fait figure d'intermède. Les deux musiciens caressent leurs instruments, de temps en temps des étincelles surgissent du doux halo, des ponctuations plus nerveuses, mais la gestation s'accomplit dans une atmosphère méditative de petits gestes musicaux respectueux. Par contre, le piano martèle le début de "Gesichte", la guitare s'électrise. Atmosphère orageuse, dramatique de post-rock d'avant-garde, expérimental. Contrastes puissants entre les frappes isolées, vigoureuses du piano et les déflagrations de la guitare en folie. Tout s'embrase. Le piano fracasse froidement ses notes, la guitare balbutie...puis la musique se fait onirique, irréelle, puis elle pétille, semble faire des bulles, frappée par le piano obstiné, et c'est une avancée magnifique, guitare d'abord presque suave, timide, en fond, piano toujours aussi implacable mais qui s'enfonce dans des textures enflammées, boursoufflées, puis de plus en plus trouées, avant le chant des sirènes et d'ultimes implosions, un dernier duo minimal à l'écorché.
Un duo inspiré, à la musique ciselée entre silence et embrasement.
Paru le 12 janvier 2024 chez Karl Records (Berlin) / 3 plages / 46 minutes environ
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur bandcamp :