Olga Anna Markowska - Iskra
Publié le 23 Janvier 2025
Iskra (Étincelle) est le premier album de la multi-instrumentiste et compositrice polonaise Olga Anna Markowska. Enregistré en différents lieux entre 2017 et 2022, le disque commence à l'aube ("Dawn", titre 1) et finit au crépuscule ("Dusk", titre 10), prenant la forme d'un intime voyage mélancolique d'une journée au long de pièces comprises entre une minute trente (environ) et un peu plus de sept minutes. Cithare, violoncelle, voix sans parole et électronique.
"Dawn" installe une atmosphère recueillie, l'attente extasiée de la lumière qui déborde du ciel en longues traînes soulignées par le violoncelle et quelques ponctuations graves. "Blue Spring" (titre 2, Printemps bleu) danse très lentement autour du violoncelle et d'un drone au halo mystérieux, accompagné par des textures électroniques diaprées, finement texturées. Olga Anna Markowska impose une solennité majestueusement élégiaque ! La cithare apparaît au premier plan de "Train ride home", dentelle cristalline au bord d'une déambulation mémorielle bouleversante : l'émotion d'un retour en train vers la maison natale, évocation d'autres voyages en train vers les camps de la mort peut-être, voilée dans des volutes irréelles. Un titre sublime !
"Borderland" (titre 4, Frontière) semble à demi enseveli dans un cauchemar ouaté, avec ses boucles lancinantes de clavier et ses cordes plaintives : en sortirons-nous jamais ? Les marais de "Unfolding", tout en glissendos de cordes, en boucles, créent un climat d'incantation hypnotique. Au fur et à mesure du voyage, on est happé par un mystère s'épaississant, qui me rappelle fugitivement un musicien que j'aime beaucoup, Richard Skelton. "Fever Dream" s'inscrit évidemment dans ce mouvement d'enlisement, de lente dérive vers l'obscur : l'horizon est envahi par une pluie poussiéreuse, dense, qui recouvre le monde, inexorablement. Si "A Heart is an eye" (titre 7) peut sembler au premier abord apporter une éclaircie, il devient très vite une élégie déchirée, le violoncelle sépulcral à souhait sur un fond fuligineux. Quant à "Helix", c'est un balancement quasi psalmodique, une boucle de résonances, comme d'une cloche et de voix mêlées dans une cathédrale tarkovskienne. Le bref "Mizpah" (titre 9, mot hébreu signifiant tour de guet). n'est pas sans évoquer les sonneries de chofar : appels plaintifs enveloppés de violoncelle suave, d'une magnificence extatique. Et c'est le crépuscule ("Dusk", titre 10), lamento solennel, qui tombe sur le monde comme un dais majestueux, d'une beauté frémissante...
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Une austère et poignante musique de chambre d'aujourd'hui. Une étincelle sous les cendres de la mémoire...
Paraît le 31 janvier 2025 chez Miasmah Recordings (Berlin, Allemagne) / 9 plages / 37 minutes environ
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur Bandcamp :