Martina Bertoni - Electroacoustic Works for Halldorophone

Publié le 5 Mars 2025

Martina Bertoni - Electroacoustic Works for Halldorophone

Halldorophone ? Instrument à cordes électroacoustique dont le son utilise la rétroaction électroacoustique pour produire des bourdons et ressemble par ailleurs à un violoncelle. Le nom de l'instrument est dérivé de son inventeur, l'islandais Halldór Úlfarsson, qui l'a mis au point à la fin des années 2000 alors qu'il étudiait à l'Université d'Art et de Design d'Helsinski. Le halldorophone a déjà été utilisé notamment pour la partition du film Joker.

   En somme, avec ce nouvel album, la violoncelliste de formation classique et compositrice de musique électronique Martina Bertoni poursuit les explorations autour du violoncelle, toujours chez Karlerecords, où elle avait publié Music for Empty Flats en 2021, puis Hypnagogia en 2023. Les quatre compositions électroacoustiques ont été mises au point au Elektronmusikstudio (EMS) de Stockholm, puis arrangés et composés dans sa maison de Berlin. La musicienne précise qu'elle n'a pas abordé l'instrument comme un violoncelle, mais plutôt comme un orgue génératif, sorte de machine productrice de retours d'information variables selon l'accordage qu'elle pouvait ensuite appliquer sur les cordes principales et sympathiques. Je n'irai pas plus loin dans les détails techniques...

 

Martina Bertoni

Martina Bertoni

Halldorophone conçu par Halldór Úlfarsson.

Halldorophone conçu par Halldór Úlfarsson.

   "Omen in G" semblerait nous transporter au Japon, tant l'instrument sonne comme un koto. Quelques notes en boucles sont reprises en écho, augmentées de retours, créant un fond bourdonnant. Une très légère broderie électronique rythmée à la Alva Noto accompagne la pièce, qui s'étoffe, prend de l'ampleur. La composition prend la forme d'une spirale en expansion, tantôt en avant, tantôt dans un lointain plus flou. À chaque passage, l'instrument se métamorphose, devient cithare, redevient violoncelle, joue sur des traînées sonores, des couleurs cristallines ou des grisailles éraillées, sans jamais oublier son centre. Une grande paix se dégage de cette trame doucement hypnotique.

   "Nominal D" est dès le début marqué par les pointillés électroniques déjà présents dans le premier morceau. Le halldorophone joue dans les basses prolongées. L'atmosphère feutrée s'anime  de surgissements divers. On entend comme des bribes de chants intérieurs, des raclements, déchirements, quasi miaulements, enfermés dans le morceau qui pulse imperturbablement. Martina Bertoni écrit une œuvre authentiquement fantastique, imprégnée de mystère"

   Le troisième et plus long titre avec près de dix-sept minutes, "Fades in C", s'étire, doux bourdons et cordes pincées du halldorophone. L'entrée de la rythmique pointillée se fait presque en catimini, mais elle soutient la trame de son micro battement. Les sons résonnent, s'enroulent, déposent des couches harmoniques, comme un léger clapotement, qui devient houle profonde. Le halldorophone dédoublé en bourdons d'orgue et notes détachées conduit un vaisseau fantôme, il l'illumine d'un feu paisible, le fait parfois vibrer de grondements, mais la pièce reste dans les demi-teintes, conformément à son titre Estompes en Do. Martina Bertoni donne ainsi une œuvre intimiste, feutrée, calfeutrée, mettant en valeur le charme discret de l'instrument.   

   Par contraste, "Organon in D" est une longue progression harmonique, au cours de laquelle le son s'épaissit, se complexifie entre bourdons denses et notes claires ou tenues en longues traînées râpeuses avant de s'effilocher lors du decrescendo. Le halldorophone en majesté, en somme : impressionnant !

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Une vision intimiste et personnelle de cet étonnant instrument par une grande compositrice.

 Paru chez Karlrecords (Berlin, Allemagne) le 21 février 2025 / 4 plages / 51 minutes

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur Bandcamp :

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