Linda Catlin Smith - The Complete Piano Solos (1989 - 2023) Vol 1 - The Plains

Publié le 24 Septembre 2025

Linda Catlin Smith - The Complete Piano Solos (1989 - 2023) Vol 1 - The Plains

[À propos de la compositrice, de la pianiste et du disque] 

    C'est un événement discographique important que l'entreprise par la maison de disque canadienne Redshift d'enregistrer l'ensemble des pièces pour piano solo de Linda Catlin Smith, compositrice née à New-York et installée à Toronto dont j'avais salué le si beau double album Dark Flower. Je renvoie à cet article pour quelques renseignements biographiques. Ce premier volume comprend une longue pièce de plus d'une heure, "The Plains", interprétée par Cheryl Duvall, pianiste qui se consacre aux musiques contemporaines, et qui avait commencé avant l'enregistrement de ce disque à commander des longues pièces d'une heure à plusieurs compositeurs canadiens, dont celle-ci fait dorénavant partie. Pendant l'enregistrement de "The Plains", elle a confié à la compositrice, qu'elle connait depuis le début des années 2000, son rêve d'enregistrer l'intégrale de ses œuvres pour piano. Ce rêve commence à devenir réalité. L'intégrale devrait comporter quatre volumes.

En haut : la compositrice Linda Catlin Smith (photo © Claire Harvie) / En bas la pianiste Cheryl Duvall (photo © Shaine Gray )
En haut : la compositrice Linda Catlin Smith (photo © Claire Harvie) / En bas la pianiste Cheryl Duvall (photo © Shaine Gray )

En haut : la compositrice Linda Catlin Smith (photo © Claire Harvie) / En bas la pianiste Cheryl Duvall (photo © Shaine Gray )

[L'impression des oreilles]

Pénombres éternelles...

   Une note aiguë isolée résonne longuement, suivie d'un silence et d'un accord dans les médiums répété huit fois de manière rapprochée. "The Plains", ce sera une suite de séquences calmes de notes ou accords répétés et variés, c'est une marche immense, entrecoupée de haltes, toujours nimbée d'une atmosphère méditative, recueillie. N'imaginez pas des plaines plates, regardez la photographie de couverture : un doux vallonnement à l'infini. Qui va piano va lontano...Les pas se suivent, et ne sont jamais tout à fait les mêmes. On s'arrête, on ralentit, on admire la beauté du paysage, on la laisse nous envahir, nous imprégner. Linda Catlin Smith capte le rayonnement des choses, mais aussi parfois leur grondement, leur turbulence. Sa musique écoute, cherche, sans idée préconçue, si bien que l'auditeur est charmé par la liberté qui en émane. Pas de structure apparente, un abandon à ce qui survient, et pourtant se dessine une ligne, une tonalité, une qualité de rigueur ferme et douce liée à une attention profonde, un sens de la fragilité des phénomènes. Parfois s'élève comme un chant minimaliste tissé de petites boucles, de répétitions et d'échos, de décrochements, puis cela se résorbe en bribes de phrases rêveuses. Cette musique n'appuie jamais, n'assène rien, elle s'arrête au bord, elle nous ménage, se ramasse pour aller son chemin, et nous surprendre. Car cette longue composition, loin d'être monotone ou ennuyeuse, déploie une variété magnifique de paysages sonores intériorisés, décantés, parfois ramenés à une série de notes identiques répétées qui résonnent, et puis cèdent la place à une joie un peu folle, mais brève, vite transcendée par une gravité amoureuse. Linda Catlin Smith fait du piano l'explorateur discret des pénombres qu'un rien de précipitation ou de virtuosité détruirait. Ici, on marche peut-être sur les traces d'esprits anciens, on apprivoise l'espace en le laissant respirer. Les plaines, n'est-ce pas une figure spatiale de l'Éternité ? La composition devient un immense poème dont les vers de mètres inégaux sont une approche qui ne s'autorise le lyrisme qu'avec discernement, presque parcimonie, par respect. C'est cette retenue  et cette infatigable tranquillité qui, paradoxalement, finissent par rendre la pièce bouleversante, illuminante. Et somptueuse !       

[ Ci-dessous, captation de la première interprétation mondiale au Centre de musique canadienne.  Le son semble parfois saturé, pâteux ? ]     

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N'ayons pas peur des mots : un chef d'œuvre, qui récompensera ceux qui prendront le temps de l'écouter dans son immensité sereine.

Paraît le 3 octobre 2025 chez Redshift (Vancouver, Canada) / 1 plage / 1 heure et 8 minutes environ

Pour aller plus loin

- album en écoute et en vente sur Bandcamp :

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