Publié le 28 Février 2023
Amp est un groupe de post-rock électronique actif depuis les années 1995 autour de l'anglais Richard F. Walker ( dit Richard Amp), avec des collaborateurs variables. Après un arrêt de deux ans, le groupe a pris la forme d'un duo avec la chanteuse française Karine Charff. Pour vous y retrouver, il faut préciser que Ampbase désigne une plateforme internet regroupant les multiples projets de Richard Amp sous son nom ou d'autres. Vous y trouverez une longue présentation de l'évolution du groupe, avec des extraits à écouter. Comme souvent, les épithètes définissant la catégorie musicale du groupe ou duo sont aussi variées que fluctuantes. La collaboration avec le label Kranky vous permettra peut-être de mieux situer leur famille élective : rock alternatif à tendance ambiante brumeuse, avec vocaux indiscernables (ou quasiment), mélancolie aux lents développements.
Je passe vite sur le projet, les intentions, toujours si belles : écrire une complainte sur le sort de notre écosystème perdu, détruit par la société capitaliste. Je ne cesse de lire ce genre de propos. Je passe aussi sur le fait, toujours déplorable pour moi, que Katrine Charff abandonne, pas totalement c'est vrai, le français au profit de l'anglais, ce qui m'amène généralement à écarter le disque, par mouvement d'humeur. Je passe parce que les paroles sont fondues dans la musique, sont devenues pure musique. Il faut vraiment une écoute très attentive pour les suivre, ce que l'excellent livret permet de faire si on le souhaite. Excellent livret : belles photographies, et tous les textes ! Je pardonne tout. Et puis la musique est là...
Neuf titres parfois assez longs, neuf dérives mélancoliques prenantes. La voix ondule au ras de la musique, se croise avec son fantôme dans les vagues amples des synthétiseurs et autres instruments et logiciels électroniques utilisés par Richard. F. Walker. Infinis bercements du désespoir tranquille dans la majesté des soirs de noire solitude. « In this caged sorrow / Crushed of all hope / The soul / Longing for rest / Black solitude / Distress / Distress » entend-on dans le premier titre " Time and tides". Le duo excelle dans les lentes dérives au bord de l'informe, tel ce magnifique "Lament Lentement" dont le titre joue sur les deux langues. Orgue grave, friselis de synthétiseurs lumineux, voix murmurante de Katrine, hurlements vagues d'esprits-loups, le monde croule doucement...
Des vents puissants se déchaînent, des questions se posent : c'est le tourmenté et tournoyant "Canwesavetheworld", avant le majestueux "Hollowscene" tout en drones veloutés, en mystérieux échos. "Drift Plastic Blues" prend la forme d'une chanson explosée, d'une déclamation polyphonique du poème sur fond de mouvements liquides et de quelques accords écorchés de guitare. "Sparkle No" est encore plus crépusculaire, le chant noyé dans la texture mouvante d'un mur composé de longues boucles plates, traversé de mini événements sonores.
C'est le prélude au plus long morceau, au plus émouvant, au plus beau, "To the Night (Falls)" : une mélopée dépouillée comme une longue chute, menée par le piano qui la ponctue de notes espacées, un peu voilées. La voix épouse la mélodie du piano, prolongée par des drapés suaves de cordes et de synthétiseurs, la voix se dédouble, se multiplie, humble et si douce dans ses voiles de désespoir. Le sommet de l'album. "AdieuSirène", tout en grondements troubles très post-rock atmosphérique, termine cette vision noire d'un futur proche (?).
Titres préférés :
1) "To the Night (Falls)", le titre 8
2) "Lament Lamentation" (le 3) et "Time and Tides" (le 1)
Paraît le 3 mars 2023 chez Ampbase / 9 plages / 53 minutes environ
Pour aller plus loin
- pas d'extraits sur les plateformes pour le moment
- disque en écoute et en vente sur bandcamp :