Publié le 21 Octobre 2024

Mazza Vision - Ohm Spectrum

Claude Pailliot et Gaëtan Collet, deux musiciens  s'intéressant aux arts électroniques et membres fondateurs de Tone Rec et Dat Politics, se lancent avec Ohm Spectrum dans un nouveau projet baptisé Mazza Vision. Si l'électronique est bien présente avec synthétiseur et échantillonneur, elle côtoie des sons de terrain, des instruments acoustiques comme la guitare, l'orgue, la basse, l'accordéon, et surtout la batterie, ce qui est peu fréquent dans ce domaine. C'est même cette dernière qui donne le son particulier de cet album, un drôle de rock ambiant, atmosphérique et doucement allumé. Avec de longues traînées d'orgue ("Sun Riser, titre 2), une tendance glitch sur "Dynamic Field" (titre 1) aux textures brouillées, leur musique crée des paysages sonores vacillants, dynamiques, mélodieux, qu'on se surprend à réécouter avec grand plaisir. Le début très expérimental de "Pulse Random Fix" (titre 3) cède vite la place à un voyage interplanétaire aux irisations tournoyantes, batterie et autres percussions découpant la trajectoire en multiples tronçons à fleur de bourdon !

"Flicker Day" (titre 4) s'abandonne à des climats étranges et colorés :  synthétiseur trouble et orgue presque diaphane chantent un rituel d'envoûtement accompagné de picotements percussifs et d'un cœur qui bat. Ce serait du rock, un rock psychédélique dans les allées irréelles du Temps. "Monogram" (titre 5) est le titre le plus étonnant, au début véritable raga avec voix de chant Dhrupad, que l'intrusion bruyante de la batterie ne parvient pas à casser tant les autres instruments composent comme une tresse harmonique, puis se fondent dans une pulsation douce et veloutée au ras de bourdons somptueux. C'est une immense corolle qui s'évase lentement dans la splendeur de l'aube...

   Le dernier titre, "Hot Noise Circle", greffe sur un début bruitiste une comète d'orgue et de sons électroniques étirés ponctuée par une batterie d'abord sage, puis sèche et claquante.

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Un album séduisant d'ambiante étrange, un peu illuminée, mâtinée de souvenirs de rock et de touches expérimentales.

Paru en septembre 2024 chez Sub Rosa Label (Bruxelles, Belgique) / 6 plages / 38 minutes environ

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Publié le 18 Octobre 2024

Une pièce musicale,

une photographie personnelle

I

Porte à Patmos / Photographie personnelle © Dionys Della Luce
Porte à Patmos / Photographie personnelle © Dionys Della Luce

 

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Ambiante sombre, #Phtographies personnelles

Publié le 17 Octobre 2024

Ekin Fil - Sleepwalkers
Ekin Fil - Sleepwalkers
   Somnambules jusqu'à la fin des temps...

    Septième opus de la musicienne turque Ekin Fil chez The Helen Scardale Agency, Sleepwalkers (Somnambules) est un astéroïde à déguster dans le noir pour en capter tous les rayonnements. Voix éthérées perdues, nuages épais d'effets, de  distorsions, composent un paysage nébuleux tapissé de bourdons (drones), à mi-chemin du rêve et du cauchemar. L'incroyable enchevêtrement sonore de "Stone Cold" (titre 2), dans la lignée d'un Tim Hecker, est paradoxalement (si l'on songe au titre) en proie à une lente combustion, puis à un embrasement de textures brouillées. Dans "Reflection", deux orgues noyés dialoguent au milieu de vagues noires, avec une étrange voix, d'abord déformée puis naturelle, qui semble leur répondre. Je pense en écoutant cette musicienne installée à Istanbul à la fameuse citerne basilique construite sous le règne de l'empereur Justinien. On dirait que la musique vient de là, des profondeurs mythiques... 

    La version 2 du morceau éponyme (titre 4), confronte la voix fragile d'Ekin (je suppose) à une nappe ondulante saturée de bourdons, piquetée de fines vibrations percussives : de toute beauté ! Le grondant et doucement grandiose "Gone Gone" nous emporte loin dans sa traîne lente aux mille voiles. Le monde n'a jamais existé qu'en rêve !

Paru en juin 2024 chez The Helen Scardale Agency (Californie) / 5 plages / 40 minutes environ

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Publié le 16 Octobre 2024

Douwe Eisenga - For Mattia / The Complete Recordings

[À propos du disque et du compositeur]

Depuis la courte pièce dédiée à la mémoire de Julia Mattia Muilwjik (13 septembre 1989 - 1er octobre 2015), composée à la demande de Katja Bosch et Janpeter Muilwijik et jouée pour la première fois le 10 septembre 2017 (voir article) en la cathédrale d'Utrecht, le compositeur néerlandais Douwe Eisenga n'a cessé de tourner autour d'elle, sortant un premier album de neuf pièces sous le titre For Mattia au printemps 2019. Aujourd'hui, depuis septembre, les enregistrements complets, en deux cds, comptent vingt titres, y compris deux nouvelles versions et un remix. Pour les détails concernant Julia et sa famille, les circonstances de la composition, je renvoie au livret d'accompagnement du disque..

Le compositeur au piano

Le compositeur au piano

[L'impression des oreilles]

Le minimalisme envoûtant de l'émotion

   La musique de Douwe Eisenga dans cette ode à Mattia et ses extensions part d'une série continue de croches, qui renvoie aussi bien à la musique baroque, au rock, qu'au minimalisme, nous dit le compositeur. Seulement les motifs sont entrelacés d'une main à l'autre, accompagnés de structures en miroir, inlassablement variés, émaillés de boucles. L'émotion naît de la simplicité, de la pureté de la mélodie au piano. Elle naît aussi de son perpétuel retour. C'est une ritournelle qui vous emporte, elle s'enroule autour de vous pour ne plus vous quitter, telle une écharpe infinie d'harmoniques. Sa grâce lumineuse vous étreint. La douceur déchirante et bondissante de "Summit" (titre 2 / cd 1), qui pourrait y résister ? Mattia revit, elle est là, elle vous regarde en dansant : τα μάτια (ta matia), en grec, ce sont les yeux, ceux de la pochette. 

   En face, il y a un autre danseur, celui de "The Opposite", poli et courtois, qui s'incline souvent devant elle. De titre en titre, une histoire surgit, d'un autre âge, intemporelle, que j'invente à mesure. C'est ce "Gentleman"(titre 4) qui virevolte pour la séduire : quel beau titre vif, étincelant, soudain grave comme une déclaration entre deux entrechats, deux glissements sur le parquet luisant de la grande salle. Puis il y a "Julia", (titre 5), le second prénom de Mattia, comme une jumelle peut-être, timide et retenue, elle fait de belles figures avec son ample robe, elle relève la tête et dans ses yeux resplendit un charme indéfinissable. Le temps ne passe plus, il sonne l'éternité, c'est "Pendulum Waves" (titre 6), le motif de Mattia oscille sans fin, plus dramatique, hypnotique : il n'est plus question d'en sortir....Voici le tonnelier, "The Cooper", mais vous êtes déjà ivre, que le vin scelle le mariage, car c'est une cérémonie, n'est-ce pas ? Nous sommes dans un film de Peter Greenaway, dans un jardin aux sentiers qui ne bifurquent pas, mais vous ramènent inlassablement au centre du miroir. Puis une autre force vous emporte, "Carried Away" (titre 8) balaie tout, piano plus orchestral, tournoyant jusqu'au vertige en ellipses splendides et fastueuses... pour vous mener au bord de la mort. "On the edge" a des accents à la Arvo Pärt dans son dépouillement, sa gravité bouleversante, distillant des gouttes de lumière d'un autre monde.

   Le second disque apporte de nouvelles pièces tout aussi réussies. "Corn", "Beguine" et les titres suivants sont des variations émouvantes du titre matriciel "For Mattia". L'ode à Mattia s'élargit à la célébration de toutes les disparues en prenant ses racines dans un important recueil de 996 brèves mélodies populaires du XVIIIe siècle, The Old and New Dutch Farmer Songs and Contra Dances, dans lequel Douwe Eisenga puise son inspiration depuis une dizaine d'années et auquel il a pris certains titres comme les deux premiers mentionnés plus hauts, mais aussi "Gentleman" ou "The Cooper". Le titre 10, un remix de "Julia" par Pim van de Werken, inclut des sons électroniques nimbant la pièce d'une aura irréelle.

   Au total, après Piano Files I & II (2011 / 2016), ou Simon Songs (2015), "For Mattia" forme un nouveau cycle majeur pour piano, qui s'inscrit dans le parcours de ce compositeur resté fidèle à un minimalisme enrichi d'influences populaires baroques.

 

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Un double album bouleversant, la danse sans fin de la Vie au bord de la Mort.

Paru en septembre 2024, digipack double CD + livret de 16 pages, disponible sur le site du compositeur / 20 plages / 1 heure et 27 minutes environ

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Rédigé par Dionys

Publié dans #Le piano sans peur, #Minimalisme et alentours

Publié le 11 Octobre 2024

Keiji Haino - Black Blues
Second passage d'un météore musical

   Ce n'est pas une nouveauté, mais la réédition, vingt ans après, de deux disques du chanteur et guitariste japonais Keiji Haino (né en 1952) parus chez Les Disques du soleil et de l'acier (trouverait-on encore aujourd'hui des maisons de disque françaises osant un si beau titre en français ? Signe des temps...) : Black Blues (violent) et Black Blues (soft). Six titres déclinés en version violente et douce, soit près de deux heures de musique.

Keiji Haino - Black Blues

Calcination du corps obscur

de l'âme abrasée

   Comment exprimer le choc produit par cet artiste hors du commun, que je découvre à l'occasion de cette réédition ? C'est une musique qui brûle, consumée, calcinée. La guitare arrache, flamboie, la voix explore les tréfonds les plus noirs, les plus bruts. Le chant de Keiji Haino semble être celui d'un rock butō expressionniste, expérimental et bruitiste, complètement écorché et proche parfois du cri primal.

   Keiji Haino donne ses lettres de noblesse à la vocifération, entendue comme une clameur déchirante, comme l'expulsion du corps obscur que nous dissimulons pudiquement. Sa manière de jouer de la guitare rappelle plus un Fred Frith que les guitaristes assermentés du rock. Sa guitare est un étalon sauvage, indompté, qu'il chevauche éperdument, jusqu'à l'oubli de la guitare, sa fusion en un brasier électrique... Parmi tous les titres incandescents de la version violente, "Drifting (violent)" est absolument ahurissant, d'une beauté ravagée, terminale.

L'intensité dans le temps dilaté

   Quant aux six titres  de la version douce (soft), ils ne sont pas moins étonnants. Ralentis fastueux, chant saisi au plus proche, au bord de l'expression si l'on peut dire, à la recherche d'une source que l'on entend en fin de "Black Petal (soft)". Sur "Black Eyes (soft)", la guitare se fait hawaïenne, se rapproche d'un koto langoureux, on dirait qu'elle apprivoise le silence, tandis que la voix chantonne, murmure, retrouve les chemins d'une élégie intemporelle, suspendue dans les airs. C'est magnifique et bouleversant. Et la suite est à l'avenant, jusqu'à l'immense version douce de "See That My Grave is Kept Clean", lamento quand même assez électrique.

Une réédition à ne pas manquer. Sublime et hypnotique !

(Re)paru el 2 août 2024 chez Room40 (Brisbane, Australie) / 12 plages / 1 heure 53 minutes environ

armi tous ces titres

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Publié le 9 Octobre 2024

David Fennessy - Caruso

Le compositeur irlandais David Fennessy (né en 1976) aime mêler éléments traditionnels et expérimentaux. À l'origine guitariste, il a joué dans des groupes de rock avant de devenir un compositeur internationalement reconnu. Pour ce disque, il utilise instruments acoustiques et électronique en direct ou encore un grand ensemble amplifié, selon les pièces. Le titre est un hommage au ténor d'opéra italien Enrico Caruso (1873 - 1921).

David Fennesssy par Alex Woodward

David Fennesssy par Alex Woodward

   Ci-gît la nostalgie, illuminée...

    Sur le premier titre éponyme, il recourt à de très courts extraits d'enregistrements pour gramophone, datés des années comprises entre 1903 et 1908, du ténor italien, montés en boucles, étirés et combinés pour former une sorte de chœur. Le compositeur y joue de la guitare électrique, de l'autoharpe et des grenouilles en bois (famille des guiros comme instrument de percussion. Le concepteur de logiciels industriels Pete Dowling, un ami de longue date, l'accompagne de ses échantillons et de ses manipulations électroniques en direct.

    Sur le continuum envoûtant des voix plus ou moins lointaines, la guitare électrique et les autres éléments posent un contrepoint discontinu, métallique, agrémenté de bourdonnements. L'autoharpe tisse une écharpe cristalline, les échantillons et l'électronique plongent le tout dans un halo ambiant irréel. Les traînées vocales sont découpées par la guitare, de plus en plus enflammée, aux riffs puissants. Tout cela crée une musique étrange, brouillant les strates temporelles. Lorsque la première partie se termine par le ricanement en boucle de Caruso sur fond dramatique de cloche, une autre musique naît, petits bourdonnements de guêpes, grattements des grenouilles en bois, une musique curieusement bucolique à partir des sons générés par les matériaux eux-mêmes des instruments, comme s'ils chantaient à leur manière idiophone, avant le retour de la voix du maestro dans les huit dernières minutes : le montage génial des extraits carusiens et de la guitare épaisse, très rock, crée alors un nouvel opéra hallucinant. En somme, une composition de plus de vingt-trois minutes extraordinaire !

L'altiste d'origines écossaise et irlandaise Garth Knox

L'altiste d'origines écossaise et irlandaise Garth Knox

    Les trois œuvres suivantes n'ont pas de rapport direct avec Caruso. Il s'agit bien d'autres voix, la voix de l'altiste Garth Knox sur "Nox" (titre 2) avec son instrument, son autre voix en un sens, et celle encore de l'alto solo face à un ensemble de musiciens sur "Hauptstimme"(Voix principale), ou en duo avec le célesta de Michel Maurer dans "Nebenstimme"(Voix secondaire).

   "Nox", pour alto et voix, vaut surtout pour sa belle partie d'alto, l'instrument montant jusqu'à imiter d'abord une voix de gorge. Les quelques sons et mots prononcés par Garth Knox - qui fit partie du Quatuor Arditt entre 1990 et 1998, finissent par faire penser à la musique indienne, l'alto quant à lui devenu comme une étonnante guimbarde. Dans cette nuit, les voix se métamorphosent. Il n'est évidemment pas impossible que le compositeur joue sur le voisinage de "Nox" avec "Knox", nom du soliste, comme pour suggérer que le musicien est à l'écoute de la nuit de son instrument...

L'altiste Megumi Kasakawa

L'altiste Megumi Kasakawa

   "Hauptstimme", c'est l'autre monumentale composition de ce disque. L'alto soliste de Megumi Kasakawa se fond dans le magma formidable de l'Ensemble Modern (dont elle est l'altiste depuis 2010) avec ses dix-huit solistes amplifiés. C'est une musique éruptive, dense, qui m'évoque immédiatement celle de David Lang, c'est peu dire quand on connait mon immense admiration pour ce compositeur américain. Parsemée de cris, de hoquets sonores, l'œuvre frémit, frappe, tout en restant d'une incontestable beauté. Le dernier tiers, plus calme, se transforme quasiment en duo entre l'alto et la percussion.

   "Nebenstimme" est le contrepoint raffiné du précédent. Le célesta pur et lumineux, souvent au premier plan, dialogue avec l'alto discret, qui esquisse des fonds mystérieux et de temps à autre joue à égalité, s'agite et griffe comme un forcené. Quelque part entre Morton Feldman et la musique japonaise, tant l'alto prend des allures de koto sur la fin !

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Un programme magnifique, qui alterne deux pièces monumentales (1 et 3) avec deux duos ciselés (2 et 4). L'écriture étincelante de David Fennessy infuse intimement à ses œuvres des souvenirs d'anciennes musiques, ressuscitées et sublimées par des musiciens hors-pair.

Remarque : le disque est finalisé par...Yannis Kyriakides, immense compositeur et cofondateur du remarquable label Unsounds.

 

Paru en avril 2024 chez Unsounds (Amsterdam, Pays-Bas) / 4 plages / 57 minutes

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Publié le 8 Octobre 2024

Kenneth Kirschner - Three Cellos

[À propos du disque et des musiciens]

   J'écris « des musiciens », car si le disque n'a qu'un compositeur, Kenneth Kirshner, musicien expérimental au croisement de l'avant-garde contemporaine et des musiques électroniques, son histoire implique qu'il faut lui associer Joseph Branciforte (lui-même compositeur et multi-instrumentiste, producteur), fondateur du label Greyfade, et l'interprète de toutes les parties de cette œuvre pour multi-violoncelles, le violoncelliste Christopher Gross. Three cellos est le fruit de cinq années de collaboration.

   C'est au départ une composition numérique de Kirschner, July 8, 2017, recourant à des techniques algorithmiques et génératives tout en utilisant des éléments traditionnels comme le contrepoint et l'harmonie. Joseph Branciforte a saisi qu'il pouvait continuer une série entreprise avec le compositeur, série baptisée From the Machine, consacrée à l'exploration de l'intégration de la musique numérique et de la musique de chambre instrumentale. Les deux musiciens ont donc entrepris un long travail d'adaptation de la pièce numérique en un arrangement acoustique, puis un enregistrement en studio. Joseph Branciforte a du traduire en notation traditionnelle la composition numérique de Kirshner, tout en respectant la sensibilité de l'original. Les interprétations du violoncelliste ont servi de base à l'enregistrement unique.

   Sachez que cette publication représente aussi une nouvelle étape pour le label, avec la création conjointe d'un livre à couverture rigide incluant une possibilité de téléchargement en haute résolution. Pour de plus amples détails, voir le site de Greyfade.

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Musique numérique ???

Cette présentation serait incomplète si je n'expliquais pas (au moins sommairement) ce qu'il faut entendre par là, car ce n'était pas clair pour moi avant la lecture de certains passages du livre accompagnant l'œuvre. Kenneth Kirschner ne compose pas sur le papier avec des partitions. Sa musique numérique est intuitivement élaborée en utilisant exclusivement des outils numériques non-linéaires, en transformant des cellules de hauteur du protocole de communication MIDI (Musical Instrument Digital Interface) grâce à des logiciels et à des échantillons d'instruments acoustiques...Ne soyez pas pour autant effrayés...

Le compositeur Kenneth Kirshner (en haut) / En bas, de gauche à droite le producteur Joseph Branciforte et le violoncelliste Christopher Gross.
Le compositeur Kenneth Kirshner (en haut) / En bas, de gauche à droite le producteur Joseph Branciforte et le violoncelliste Christopher Gross.Le compositeur Kenneth Kirshner (en haut) / En bas, de gauche à droite le producteur Joseph Branciforte et le violoncelliste Christopher Gross.

Le compositeur Kenneth Kirshner (en haut) / En bas, de gauche à droite le producteur Joseph Branciforte et le violoncelliste Christopher Gross.

[L'impression des oreilles]

...car la musique est là, alors oublions tout ce qui précède ! Et oubliez l'écoute en ligne sur la plupart des plates-formes en lisant la véritable profession de foi dans la musique pure défendue par Joseph Branciforte.

Fugues dans le Labyrinthe des Variations

Une seule mélodie originale improvisée court tout au long de la pièce. La ligne de violoncelle est démultipliée, copiée en changeant les variables, en l'étirant ou la contractant, en la transposant d'un demi-ton. Le jeu des superpositions, des décalages, plonge peu à peu l'auditeur dans un labyrinthe sonore absolument fascinant où la beauté des courbes, d'une grâce sinueuse, suggère les multiples tentatives d'apparition d'une figure ineffable, fuyant dans les détours de ce labyrinthe potentiellement infini. Les superpositions, enchevêtrements, tissent un contrepoint admirable. Les violoncelles chantent, formant une chorale prodigieuse, tuilée jusqu'à en devenir vertigineuse. C'est une musique idéale pour L'Année dernière à Marienbad d'Alain Resnais, film inspiré par L'Invention de Morel du romancier argentin Adolfo Bioy Casares, grand ami de Jorge Luis Borges, l'ami des labyrinthes, justement ! Mais si la musique de Francis Seyrig pour le film de Resnais a quelque chose d'inquiétant et de funèbre, celle de Kenneth Kirschner est au-delà de tout affect particulier, caressante, vibrante, dans un absolu mélodieux, dans la splendeur des timbres. La qualité exceptionnelle de l'enregistrement sert cette musique d'une pureté bouleversante. Je retrouve les émotions de mes écoutes des quatuors de la Seconde école de Vienne.

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Un sommet de la musique pour violoncelle. Quand les technologies d'aujourd'hui retrouvent les chemins de la somptuosité acoustique la plus sublime.

Paru en avril 2024 chez Greyfade (New York, New York) / 10 plages / 41 minutes / FOLIO à couverture rigide avec téléchargement en haute-résolution inclus.

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Publié le 4 Octobre 2024

Loren Connors & David Grubbs - Evening Air

[À propos du disque et des musiciens]

   Plus de vingt ans après Arborvitae, paru chez Häpna en octobre 2003, Loren Connors, compositeur et expérimentateur américain prolifique à la guitare classique ou électrique, et David Grubbs, guitariste et pianiste américain, ont repris le chemin du studio. Sur Evening Air, ils jouent tour à tour piano et guitare électrique, sauf sur le titre 5 où ils sont tous les deux à la guitare électrique et Loren Connors à la batterie. Le disque a été enregistré et mixé à Brooklyn, et finalisé par Taylor Dupree (dont je parlerai bientôt, enfin...). Peinture de couverture de Loren Connors. Trois titres autour de deux minutes (3-4-6) et trois autour de huit ou neuf minutes (1-2-5).

   [L'impression des oreilles]

   Guitare aérienne, lointaine, piano au premier plan : c'est "Evening Air", brumeux et mystérieux, le calme du soir, et la nuit qui vient, la guitare qui s'affole et se faufile dans les nuages, des moments hors du temps, à la limite de l'audible pendant de brefs moments. Loren Connors et David Grubbs tissent une musique libre, légère et intense à la fois, qui laisse résonner les instruments. Comme c'est bon, ce bonheur évident ! "Choir Waits in the Wings" continue sur la même lancée, le piano dans un hiératisme tranquille, répétant un même motif énigmatique tandis que la guitare griffonne l'arrière-plan de grands gestes brouillés. La pièce prend après cinq minutes à aquareller le silence, esquissant une mélodie, mais toujours d'une délicatesse admirable, patiente : oui, rien ne presse, il s'agit de cerner l'essence de ce qui est là. On pourrait parler de jazz, surtout pour le piano, d'un jazz décanté, laconique, mais la guitare électrique brosse une musique ambiante parfois un peu sauvage en contrepoint. 

  En 3, "The Pacific School", Loren est passé au piano, David à la guitare, les deux instruments sont plus proches. Et c'est une miraculeuse miniature, limpide, presque comme un choral de  Bach au ralenti ! Suit le magnifique "Enjoyment of Ruins", piano parcimonieux et solennel contrastant  avec la guitare en trilles vives et douces. "It's Snowing Onstage" est la pièce la plus atmosphérique, les deux musiciens à la guitare électrique pour un contrepoint délicat, celle du fond en traînées fumeuses puis en explosions grondantes, celle du premier plan à la découpe lumineuse. Le dernier tiers est marqué par l'irruption de Loren Connors à la batterie, une batterie affolée, perdue, qui n'entame pas la méditation obstinée de la guitare.

Le disque se termine sur "Child", duo ciselé, lumineux. Les deux instruments s'entrelacent au point que guitare et piano en viennent presque à se confondre. Une merveille !

 

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Un disque d'une beauté simple et dépouillée où piano et guitare électrique écoutent les charmes indéfinissables de l'air du soir.

Paru fin août chez Room40 (Brisbane, Australie) / 6 plages / 33 minutes environ

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