Nick Didkovsky : une écriture contemporaine décomplexée.

Publié le 9 Avril 2008

Nick Didkovsky : une écriture contemporaine décomplexée.
   Guitariste, fondateur du groupe rock d'avant-garde Doctor Nerve, programmeur et inventeur de logiciels de composition musicale, Nick Didkovsky est un compositeur qui joint à la rigueur de l'écriture une énergie salutaire, une inventivité débridée. Il a participé au quatuor de guitares de Fred Frith  et à bien des expérimentations en trio, duo, sur de nombreuses scènes. Rien ne lui fait peur, comme le montre ce disque étonnant paru en 2007, Ice Cream time, une composition de presque une heure en douze parties sur le modèle de thème et variations. L'oeuvre est écrite pour sa guitare électrique, ses logiciels, les échantillons, traitements de Thomas Dimuzio, artiste du son, et le quatuor  de saxophones Arte Quartet.
   Le début de la pièce est rude : juxtaposition d'échantillons vocaux déformés et entrée en fanfare des saxophones déchaînés. Mais la mise en place rythmique, puissamment dynamique, associée à des développements mélodiques complexes dans l'esprit de groupes comme Henry Cow ou d'un musicien comme Frank Zappa, dont l'esprit plane sur plusieurs plages, emporte l'auditeur dans un univers violemment coloré, aux accents parfois parodiques soulignés d'ailleurs par des titres comme "Meteoric Ice Pie Menace", "I cheer Pet eater". Vers le milieu de la pièce, avec le titre "Fall", le magma des saxophones s'ordonne peu à peu souterrainement autour de pulsions graves, telluriques, à base de drones qui débouchent sur les incroyables plages extatiques suivantes, totalement imprévues. Les saxophones sont comme absorbés, se fondent de plus en plus dans le matériau électronique qui semble d'abord les contester avec ses éructations, ses gonflements grotesques, avant de les assimiler dans des couches envahissantes, animées de mouvements oscillatoires et enrichies d'éléments dissonants. On est alors plus proche des tessitures d'un Duane Pitre avec ses "organized pitches" ou d'un Tim Hecker avec ses houles électroniques granuleuses. Le dernier titre, de quatorze minutes, "Rise", atteint ainsi une intensité et une splendeur confondantes. Nick Didkovsky a réussi une traversée improbable, du trivial et du grotesque vers un sublime d'autant plus appréciable qu'il correspond à l'acmé d'un voyage musical en perpétuelle métamorphose.
 
Nick Didkovsky : une écriture contemporaine décomplexée.

De gauche à droite :
Nick Didkovsky, guitare électrique et ordinateur portable
Sasha Armbruster, saxophones alto et baryton
Beat Kappeler, saxophone baryton
Andrea Fomenti, saxophone ténor
Thomas Dimuzio, échantillonnage en direct
Beat Hofstetter, saxophones soprano et baryton
 
Ci-dessous, "Rise", le douzième long titre..

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Contemporaines - Électroniques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :