Spyweirdos, John Mourjopoulos, Floros Floridis : "Epistrophy at Utopia", un étrange sous-marin électro mâtiné de jazz minimal.

Publié le 3 Octobre 2008

Spyweirdos, John Mourjopoulos, Floros Floridis : "Epistrophy at Utopia", un étrange sous-marin électro mâtiné de jazz minimal.

Il s'appelle Spyros Chronopoulos, cet athénien né en 1980, et fait de la musique depuis 1993, apprend-on sur son très beau site. Déjà le nom me fait rêver : contracté en Spyweirdos, l'espion étrange, dieu des sons, chronophage halluciné par ses études de physique, spécialité acoustique. Quand, par surcroît, il invite deux musiciens de jazz, John Mourjopoulos, aussi professeur d'acoustique à Thessalonique, et Floros Floridis, improvisateur averti, le résultat est totalement dépaysant, renversant. Imaginez. Le disque s'ouvre sur un arrangement  hérétique et flamboyant  d'Epistrophy  de Thelonius Monk, parasité par des échantillons bruitistes et des remontées humides de sous-sol. Ethnic Music cleansing commence par un chant murmuré recouvert par un échantillon d'instruments méconnaissables, avant de laisser la place à des boucles cuivrées puis à un duo jazz piano-contrebasse achevé par la batterie pour relaisser la place au chant initial. Après ces mises en oreille, la porte s'ouvre sur l'inconnu, Spyweirdos investit la Wet house : il y pleut, tout suinte, l'orgue s'insinue dans les coins, vous enveloppe comme de loin, appels de la maison engloutie d'un film de Tarkovski, avec des chevauchements de bandes sonores d'époques révolues qui finissent absorbées par les claviers liquides. At, le quatrième titre, peut alors se déployer, majestueux, orgue et hautbois suave sur un fil rythmique frémissant, piano à l'arrière-plan, le tout ponctué de déchirements puissants de saxophones basses (à vérifier) : impressionnant et inoubliable morceau, d'une densité rare ! Utopia semble revenir au jazz pour jouer en virtuose des changements de vitesse, du ralenti énigmatique du piano au début, rejoint par la basse, le saxophone dans un phrasé miné par  des  aplats mécaniques, aux brusques et courtes accelérations frénétiques qui achèvent de disloquer l'ensemble. En hommage à l'inventeur d'instruments et au compositeur de bandes sons pour dessins animés Raymond Scott, Raymond bound est un joyeux et irrévérencieux compendium de fragments hétéroclites coulés dans une cadence rythmique quasi immobile, menacée d'effilochement, guettée par des poussées mièvres, recouverte in fine par le tintinnabulement d'un troupeau mené par son berger...Arrivé à ce stade, on est prêt à tout, l'alphabet des possibilités a défilé dans un raccourci audacieux, un sens très sûr de l'espace sonore. Les trois musiciens assènent le coup de grâce, The letter after Oméga, géniale synthèse d'une musique ambiante habitée et fascinante, et d'un jazz profond et chaleureux, réduit à son essence, débarrassé de sa tendance au bavardage : boîtes à rythmes, souffles rauques, claviers étagés et parcimonieux au bord du silence. Tout sombre, il n'y a plus rien, puis le morceau caché surgit pour nous happer dans ses strates de lumières obscures, aux découpures rythmiques implacables. Apothéose électronique de toute beauté pour un disque étonnant et remarquablement conçu. 
Paru en avril 2008 chez Ad Noiseam / 7 plages / 45 minutes environ
Prolongements
- le site personnel du musicien.

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

- une autre vidéo, pour la face étrange de Spyweirdos, musique extraite de "Ten Numbers" :

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 13 novembre 2020)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Musiques Électroniques etc...

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