Amanda Palmer, Shara Worden, Zoe Keating : Femmes flammes, le désir réinventé.
Publié le 14 Février 2009
Je ne reviens pas sur Shara Worden, chanteuse et compositrice de My Brightest diamond, ni sur Zoe Keating, déjà célébrées dans ces pages. Deux musiciennes sans oeillères, qui passent allègrement du rock à la musique de chambre, mais j'aimerais leur associer Amanda Palmer, autre femme étonnante capable de se métamorphoser. Après un début de carrière en duo avec Brian Viglione à la batterie ou à la guitare dans le groupe The Dresden Dolls, dont l'esthétique est très inspirée par Bertold Brecht et Kurt Weill, elle sort en septembre 2008 "Who killed Amanda Palmer", son premier album solo. Dès le premier titre, "Astronaut : a short story of nearly nothing", le charme opère : chant incisif, piano endiablé, Amanda nous entraîne irrésistiblement dans son tourbillon exubérant, ponctué de passages intimistes, où la voix se fait grave et troublante. L'énergie chez elle est flamboyante, les orchestrations tantôt presque symphoniques, tantôt rock, avec un piano vigoureux, lyrique ou élégiaque. L'album dégage un vrai bonheur, bourré de mélodies superbes, d'envolées majestueuses, sarcastiques, servi par la voix flexible, à l'aise dans les aigus comme dans les cassures rocailleuses. "Blake says", le cinquième titre, sonne comme une chanson des Beatles, nostalgique et langoureux, avec arrangement de cordes, dérape dans une douce folie, violoncelle de...Zoe Keating à l'appui (c'est l'un des liens qui unissent ces trois musiciennes !): Amanda Palmer est alors une réincarnation très convaincante de John Lennon, qu'on se le dise ! "Oasis" semble davantage relever de la variété festive, avec chœurs enjoués, ce qui a déchaîné un véritable scandale. Amanda y évoque une jeune fille violée au cours d'une soirée, qui se fait avorter et qui s'en moque parce qu'elle a reçu par la poste un autographe de son groupe préféré...Oasis ! Je vous renvoie au blog d'Amanda et à son admirable réponse aux sinistres effarouchés qui, en Grande-Bretagne, s'opposent à la diffusion de cette chanson. Retenez cette phrase, en ces temps de repli frileux et de retour insidieux de la censure : "WHEN YOU CANNOT JOKE ABOUT THE DARKNESS OF LIFE, THAT’S WHEN THE DARKNESS TAKES OVER". Suivent des confidences voilées comme le très beau "Have to drive", serti dans des boucles de piano et des volutes orchestrales un brin mélodramatiques. C'est peut-être ce qui est le plus touchant chez elle, cette ingénuité qui lui permet de ne reculer devant rien, de passer d'un registre à l'autre, de jouer en somme tous les rôles avec la même conviction. "Strength trough music", ce titre pourrait résumer sa démarche, son style imprévisible : quelle force dans ces mots murmurés en réponse à un narrateur masculin à la voix métallique, dans ces bruits de bouche, le tout ponctué par un piano impavide, puis discrètement frémissant sur la fin ! "Leeds united", rock bruyant et convenu, en laissera sans doute plus d'un perplexe, moi le premier, mais je ne vais pas dénigrer un album dans l'ensemble très réussi pour un titre...
Pour aller plus loin :
- le très beau site officiel d'Amanda.
Pour aller plus loin :
- le très beau site officiel d'Amanda.
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 10 décembre 2020)