HRSTA, les fantômes de Saturne viendront vous baiser les yeux.
Publié le 8 Mars 2009
Orgue-accordéon, guitares hurlantes et voix dans la nuit sépulcrale, c'est l'ouverture de Ghosts will come and kiss your eyes, troisième album de HRSTA (prononcer her-shta), groupe canadien mené par le chanteur et guitariste Mike Moya, un des membres fondateurs de Godspeed You ! Black Emperor, et membre actif d'autres groupes de Montréal. Que voilà un groupe de post-rock enfin convaincant ! Aucune des lourdes envolées de post-rockeurs n'ayant pas grand chose à faire entendre. Il aurait déjà fallu oser ce premier titre, Entre la mer et l'eau douce, cette mélopée mélancolique que j'entendrais bien comme musique du très beau film suédois de Thomas Alfredson, Morse. Les vampires rôdent dans les immenses forêts voisines, ils se plaignent, ils ont soif... L'étrange voix androgyne du chanteur entretient une atmosphère troublante dans les ballades suivantes, Beau village et The orchard. Quelque chose plane, on n'est pas si loin des premiers Pink Floyd, de la douce folie insidieuse de Syd Barrett : accords de guitare statiques, coups de gong lointains, atmosphère comme en lévitation, épaissie de bruits de chaînes traînées sous les bouleaux blafards. Il y a des oiseaux noirs dans le verger des songes. On va se réveiller, mais les anges sont déchus : "the orchard is burning", notre prison s'épaissit. L'orgue sonne à nouveau dans Tomorrow winter comes : l'église est vide, envahie de nuages toxiques que la guitare de Haunted Pluckley ne dissipe pas vraiment, en dépit de son petit côté latino, l'électricité monte jusqu'à recouvrir la voix perdue de Moya. On est passé de l'autre côté, les fantômes attaquent en nuées formidables dans l'halluciné Hechicero del bosque, voix chavirée, fêlée, guitares ensorcelées et grondeuses, le ciel est zébré d'appels, brusque chute de tension, tout semble se tordre de calme désespoir, avant le grand surgissement tournoyant final. Saturn of chagrin déploie sa plainte déchirante en nappes hantées d'échantillons, martelées, traversées de notes étrangement cristallines sur la fin. L'album, loin d'être une suite plus ou moins organisée de titres, propose un parcours d'une magnifique et envoûtante cohérence, un voyage vers le feu, celui de Kotori, avant-dernier titre incandescent. Purifié, vous êtes prêt à recevoir Holiday, bouleversante reprise des Bee Gees... Un disque inoubliable, je vous le dis, et qui hantera vos nuits !!
Paru en 2007 chez Constellation / 9 plages / 42 minutes environ
Pour aller plus loin :
En ouverture de cet article : Merci à Mordumi pour avoir associé leur musique et les images sublimes du film d'Andréi Tarkovski, Le Miroir.
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 11 décembre 2020)