"Siwan", Mansur Al-Hallâj et Saint Jean de la Croix : rencontres mystiques.
Publié le 26 Mai 2009
COPLAS
hechas sobre un éxtasis
de harta contemplación
Entréme donde no supe,
y quedéme no sabiendo,
toda sciencia trascendiendo.
1. Yo no supe dónde entraba,
pero cuando allí me vi,
sin saber dónde me estaba,
grandes cosas entendí.
no diré lo que sentí,
que me quedé no sabiendo,
toda sciencia trascendiendo.
2. De paz y de piedad
era la sciencia perfecta,
en profunda soledad,
entendida vía recta ;
era cosa tan secreta,
que me quedé balbuciendo,
toda sciencia trascendiendo.
3. Estaba tan embebido,
tan absorto y ajenado,
que se quedó mi sentido
de todo sentir privado ;
y el espíritu, dotado
de un entender no entendiendo,
toda sciencia transcendiendo.
4. El que allí llega de vero,
de sí mismo desfallesce ;
cuanto sabía primero
mucho bajo le paresce ;
y su sciencia tanto cresce,
que se queda no sabiendo,
toda sciencia trascendiendo.
5. Cuanto más alto se sube,
tanto menos se entendía
qué es la tenebrosa nube
que a la noche esclarecía ;
por eso quien la sabía
queda siempre no sabiendo,
toda sciencia trascendiendo.
6. Este saber no sabiendo
es de tan alto poder,
que los sabios arguyendo
jamás le pueden vencer ;
que no llega su saber
a no entender entendiendo,
toda sciencia trascendiendo.
7. Y es de tan alta excelencia
aqueste sumo saber,
que no hay facutad ni sciencia
que le puedan emprender ;
quien le supiere vencer
con un no saber sabiendo,
irá siempre trascendiendo.
8. Y si lo queréis oír,
consiste esta suma sciencia
en un subido sentir
de la divinal esencia ;
es obra de su clemencia
hacer quedar no entendiendo,
toda sciencia trascendiendo.
COUPLETS
faits sur une extase
de très haute contemplation
je suis entré où ne savais
et je suis resté ne sachant
toute science dépassant
moi je n'ai pas su où j'entrais
mais lorsqu'en cet endroit me vis
sans savoir où je me trouvais
de grandes choses j'ai compris
point ne dirai ce qu'ai senti
car je suis resté ne sachant
toute science dépassant
De piété de quiétude
c'était là science parfaite
au profond d'une solitude
une voie entendue directe
c'était là chose si secrète
que suis resté balbutiant
toute science dépassant
J'étais en tel ravissement
si absorbé si transporté
qu'est demeuré mon sentiment
de tout sentir dépossédé
ainsi que mon esprit doué
d'un comprendre non comprenant
toute science dépassant
Qui en ce lieu parvient vraiment
de soi-même a perdu le sens
ce qu'il savait auparavant
tout cela lui semble ignorance
et tant augmente sa science
qu'il en demeure ne sachant
toute science dépassant
D'autant plus haut il est monté
et d'autant moins il a compris
quelle ténébreuse nuée
venait illuminer la nuit
celui qui savoir en a pris
il reste toujours ne sachant
toute science dépassant
Il est ce non savoir sachant
chargé d'un si puissant pouvoir
que les sages argumentant
n'en tireront jamais victoire
car il ne peut tout leur savoir
ne point comprendre en comprenant
toute science dépassant
Et une si haute excellence
est en ce suprême savoir
que ni faculté ni science
de le défier n’a pouvoir
qui de soi tirera victoire
avec un non savoir sachant
il ira toujours dépassant
et si vous désirez l’ouïr
cette souveraine science
consiste en un très haut sentir
de la toute divine essence
c’est une œuvre de sa clémence
faire rester ne comprenant
toute science dépassant
La deuxième piste est celle de Mansur Al-Hallâj, mystique soufi persan surnommé "L'Ivre de Dieu", né en 857 et crucifié et décapité en 922 à Bagdad après un très long procès. grâce à une vidéo proposant une curieuse musique électro-soufie de Ghaffar Youcef, dont je ne peux rien vous dire...
Premier poème :
« J’ai un Bien-Aimé que je visite dans les solitudes.
« Présent et absent aux regards
« Tu ne me vois pas l’écouter avec l’ouïe
« Pour comprendre les mots qu’Il dit
« Mots sans forme ni prononciation
« Et qui ne ressemblent pas à la mélodie des voix.
« C’est comme si, en m’adressant à Lui
« Par la pensée, je m’adressais à moi-même
« Présent et absent, proche et lointain.
« Les figures des qualifications ne peuvent Le contenir
« Il est plus près que la conscience pour l’imagination
« Et plus caché que les pensées évidentes.
Second poème :
« Je ne cesse de flotter dans les mers de l’amour
« Les flots me soulèvent et m’abaissent
« Tantôt les flots me soulèvent
« Tantôt je chois et sombre
« Enfin Il m’amena en amour
« Là où il n’y a pas de rivage
« J’appelai Celui dont je ne dévoile pas le nom
« Et que jamais je ne trahis en amour
« Que mon âme ne t’en veuille pas, Seigneur,
« Car tel ne fut pas notre pacte !
En écoute, Souffle de la brise, poème d'Al-Hallâj mis en musique et interprété par Abed Azrié.
Brise
O souffle léger du vent,
Va dire au jeune faon
Que de boire à la source
ne fait qu'aviver ma soif.
Celui que j'aime habite mes entrailles,
Qu'il foule ma joue s'il le veut.
Son âme est mon âme, et la mienne la sienne,
Son désir est le mien, et mon désir est le sien.
(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 16 décembre 2020)