"Siwan", Mansur Al-Hallâj et Saint Jean de la Croix : rencontres mystiques.

Publié le 26 Mai 2009

"Siwan", Mansur Al-Hallâj et Saint Jean de la Croix : rencontres mystiques.
  Avec Siwan, Jon Balke, Amina Alaoui et les musiciens qui les accompagnent nous invitent à poursuivre le voyage. Je vous propose deux pistes. La première, celle du dernier titre, sur le texte de Jean de la Croix, que l'on peut trouver dans la collection Poésie / Gallimard, bilingue avec la très belle traduction de Jacques Ancet. (désolé, je n'arrive pas à mettre sur deux colonnes...)

COPLAS

 hechas sobre un éxtasis
de harta contemplación

Entréme donde no supe,
y quedéme no sabiendo,
toda sciencia trascendiendo.

1. Yo no supe dónde entraba,
pero cuando allí me vi,
sin saber dónde me estaba,
grandes cosas entendí.
no diré lo que sentí,
que me quedé no sabiendo,
toda sciencia trascendiendo.                                           

2. De paz y de piedad
era la sciencia perfecta,
en profunda soledad,
entendida vía recta ;
era cosa tan secreta,
que me quedé balbuciendo,
toda sciencia trascendiendo.

3. Estaba tan embebido,
tan absorto y ajenado,
que se quedó mi sentido
de todo sentir privado ;
y el espíritu, dotado
de un entender no entendiendo,
toda sciencia transcendiendo.

4. El que allí llega de vero,
de sí mismo desfallesce ;
cuanto sabía primero
mucho bajo le paresce ;
y su sciencia tanto cresce,
que se queda no sabiendo,
toda sciencia trascendiendo.

5. Cuanto más alto se sube,
tanto menos se entendía
qué es la tenebrosa nube
que a la noche esclarecía ;
por eso quien la sabía
queda siempre no sabiendo,
toda sciencia trascendiendo.

6. Este saber no sabiendo
es de tan alto poder,
que los sabios arguyendo
jamás le pueden vencer ;
que no llega su saber
a no entender entendiendo,
toda sciencia trascendiendo.

7. Y es de tan alta excelencia
aqueste sumo saber,
que no hay facutad ni sciencia
que le puedan emprender ;
quien le supiere vencer
con un no saber sabiendo,
irá siempre trascendiendo.

 

8. Y si lo queréis oír,
consiste esta suma sciencia
en un subido sentir
de la divinal esencia ;
es obra de su clemencia
hacer quedar no entendiendo,
toda sciencia trascendiendo.

 

COUPLETS                                                           

faits sur une extase

de très haute contemplation                          

 

je suis entré où ne savais

et je suis resté ne sachant

toute science dépassant

 

moi je n'ai pas su où j'entrais

mais lorsqu'en cet endroit me vis

sans savoir où je me trouvais

de grandes choses j'ai compris

point ne dirai ce qu'ai senti

car je suis resté ne sachant

toute science dépassant

 

De piété de quiétude

c'était là science parfaite

au profond d'une solitude

une voie entendue directe

c'était là chose si secrète

que suis resté balbutiant

toute science dépassant

 

J'étais en tel ravissement

si absorbé si transporté

qu'est demeuré mon sentiment

de tout sentir dépossédé

ainsi que mon esprit doué

d'un comprendre non comprenant

toute science dépassant                                                                 

 

Qui en ce lieu parvient vraiment

de soi-même a perdu le sens

ce qu'il savait auparavant

tout cela lui semble ignorance

et tant augmente sa science

qu'il en demeure ne sachant

toute science dépassant

 

D'autant plus haut il est monté

et d'autant moins il a compris

quelle ténébreuse nuée

venait illuminer la nuit

celui qui savoir en a pris

il reste toujours ne sachant

toute science dépassant

 

Il est ce non savoir sachant

chargé d'un si puissant pouvoir

que les sages argumentant

n'en tireront jamais victoire

car il ne peut tout leur savoir

ne point comprendre en comprenant

toute science dépassant

 

Et une si haute excellence

est en ce suprême savoir

que ni faculté ni science

de le défier n’a pouvoir

qui de soi tirera victoire

avec un non savoir sachant

il ira toujours dépassant

 

et si vous désirez l’ouïr

cette souveraine science

consiste en un très haut sentir

de la toute divine essence

c’est une œuvre de sa clémence

faire rester ne comprenant

toute science dépassant


 La deuxième piste est celle de Mansur Al-Hallâj, mystique soufi persan surnommé "L'Ivre de Dieu", né en 857 et crucifié et décapité en 922 à Bagdad après un très long procès. grâce à une vidéo proposant une curieuse musique électro-soufie de Ghaffar Youcef, dont je ne peux rien vous dire...

Premier poème :

« J’ai un Bien-Aimé que je visite dans les solitudes.
« Présent et absent aux regards

« Tu ne me vois pas l’écouter avec l’ouïe

« Pour comprendre les mots qu’Il dit

« Mots sans forme ni prononciation

« Et qui ne ressemblent pas à la mélodie des voix.

« C’est comme si, en m’adressant à Lui

« Par la pensée, je m’adressais à moi-même

« Présent et absent, proche et lointain.

« Les figures des qualifications ne peuvent Le contenir
« Il est plus près que la conscience pour l’imagination
« Et plus caché que les pensées évidentes.

 

Second poème :

« Je ne cesse de flotter dans les mers de l’amour

« Les flots me soulèvent et m’abaissent

« Tantôt les flots me soulèvent
« Tantôt je chois et sombre
« Enfin Il m’amena en amour
« Là où il n’y a pas de rivage
« J’appelai Celui dont je ne dévoile pas le nom

« Et que jamais je ne trahis en amour

« Que mon âme ne t’en veuille pas, Seigneur,

« Car tel ne fut pas notre pacte !

En écoute, Souffle de la brise, poème d'Al-Hallâj mis en musique et interprété par Abed Azrié.

Brise

O souffle léger du vent,

Va dire au jeune faon

Que de boire à la source 

ne fait qu'aviver ma soif.

Celui que j'aime habite mes entrailles,

Qu'il foule ma joue s'il le veut.

Son âme est mon âme, et la mienne la sienne,

Son désir est le mien, et mon désir est le sien.

 

 

 

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 16 décembre 2020)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Hybrides et Mélanges, #La Musique et les Mots

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