La musique d'Arvo Pärt

Publié le 12 Mars 2012

 

                                                                                                                               à Arvo Pärt

 

La musique d'Arvo Pärt nous courbe vers la terre,

                                                                                   vers l'humus.

Des voix nous conduisent, tour à tour surgissantes,

                                                                                   très douces et séraphiques,

Si sûres de notre néant que nous baissons la tête,

Les yeux fermés sur cette lumière qui descend et qui apaise,

Et qui nous montre les déserts magnifiques, les taïgas austères,

Bouleaux à l'écorce de neige

                                                dans l'infini des plaines.

Il n'y a rien à dire, pas de protestation.

Quand l'orgue s'en mêle,

Quelle force soudain nous jette sur le sol,

Parmi les feuilles amoncelées de l'automne

Ou dans la débâcle des eaux vives du printemps.

Nous marchons dans la nuit sans limite,

Sans plus rien sentir que ce frémissement

                                                                                  qui nous traverse et nous soulève,

Nie notre matérialité que nous croyions notre lot.

Nous sommes devenus si légers

Que nous ne craignons plus aucune trahison.

Pourtant nous trébuchons, sans cesse nous nous arrêtons,

                                                                                                 à l'écoute.

Les violons se plaignent, et c'est de la joie exultante,

                                                                                 celle d'en finir avec ce moi d'orgueil.

Tabula rasa...

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!

au sommet la tige sera rose

 

La musique d'Arvo Pärt nous prend par l'âme,

                                                                              et ne nous lâche plus.

Elle est l'amour extrême,

Obstinée à nous mener sur les chemins désolés.

Car l'errance est la seule voie parmi les ombres vaines.

Toujours, au loin, brille un appel

                                                              à peine

Pour qui accepte d'entendre de tous ses intervalles dilatés

Par delà le massacre des illusions

Le surgissement des sons nouveaux,

Le torrent fou de la lumière jamais vue.

Le piano marche avec nous dans l'épaisse poudreuse,

Tandis que le violon joue, l'innocent,

Virevolte pour convoquer l'humanité entière,

L'assigner à résidence dans son véritable domaine

Qu'elle refuse de connaître par peur de la forêt en feu.

Et pourtant, si la forêt brûle,

C'est pour nous sauver de la laideur de nos attachements.

Il y a dans les arbres qui craquent

                                                                            et dans les aiguilles qui crépitent

Comme une promesse de morsure féconde.

L'embrasement est déjà embrassement, étreinte

                                                                            et rage de l'orage

Dans l'orange des crépuscules inverses,

Lorsque tombent les foudres et les ciels factices

Et que les loups s'enfuient pour restaurer l'immense               

                                                                                               silence.

 

La musique d'Arvo Pärt est un buisson ardent

Qui se ravive sans cesse, animé

Par le vol fulgurant des archanges.

Sa forme idéale est le canon

Qui nous propulse                                                loin

Par une série de salves en arcades

Filantes : envol et chute indissociables

Au son des trompettes de l'éternel jugement

 

Et les voix s'élèvent des profondeurs

Bourdon et psalmodie, plainte et clameur

Haute et claire et pleine et forte

Comme la rumeur en nous de la mer

Enfermée dans les cavernes de nos os

                                                                         de poudre.

© Dionys Della Luce

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Cet hommage à la musique d'Arvo, je le lui devais depuis longtemps, depuis  Tabula Rasa,  Arbos,  Passio, la trilogie absolue parue en 1984, 1987 et 1988 chez ECM New series. Il a été déclenché par la vidéo ci-dessus,  "rencontrée" voici quelques jours. J'avais écrit un court texte sur Tabula rasa, dorénavant enchâssé dans l'improvisation de cet après-midi, nourrie de nombreuses réécoutes. En guise de prolongement, un photogramme extrait de Le Miroir (1974) d'Andréi Tarkovski.

 

La musique d'Arvo Pärt

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 21 avril 2021)

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