Brain Damage : "Burning Before Sunset", majesté sombre.

Publié le 11 Mars 2010

Brain Damage : "Burning Before Sunset", majesté sombre.

   Cinquième album du duo stéphanois, Burning Before Sunset marque un tournant vers un dub ambient sobre et dense, moins démonstratif. L'importante place accordée au poète Black Sifichi, véritable troisième membre de fait, contribue à cette intériorisation de la musique : sa diction grave et envoûtante apporte une solennité impressionnante à l'ensemble. Il y a quelque chose de sépulcral dans cet album hanté, qui s'ouvre sur "There is A Wind", grande draperie dramatique aux claviers scandée par le beat lent et implacable de la percussion et la déclamation sourde de Sifichi, comme une cérémonie d'envoûtement. Du véritable dub gothique, une plongée dans des eaux troubles avec "Ignore", clapotis aquatiques et claviers obstinés pour un crescendo incandescent. "Only Lost In The Sound", fausse déambulation pastorale rythmée par des cloches, prend des tournures de descente aux Enfers, les synthétiseurs se font sirènes cuivrées qui tournoient dans le soir épaissi comme plomb fondu. Sifichi incante "Smoke In Our Minds", dub minimal hypnotique, avant que ne se lèvent les esprits des morts dans "Bull's Ass" traversé de ululements plaintifs, de mugissements.

   "Don't Ask Me Why"est une litanie autour du moi, "I", et de ses métamorphoses : atmosphère grinçante de supplices, sourdine survoltée. Des nappes de synthétiseurs nous apaisent, c'est "Possibility Of Love", cette clameur qui monte, et puis l'attente oppressante, les mots-dits si sombres du récit d'amour, du Iggy Pop étouffé, la plaine dévastée par une mélancolie poignante, oppressée par les nuages lourds. Une harpe surgit sur "Plain White Butterfly", court poème qui s'ouvre sur l'évocation de la mort d'Erik Satie, véritable fenêtre ouverte et si vite refermée, échappée dans la blancheur recherchée par delà le crépuscule enflammé. Cela a suffi pour nous décaler très loin, le paysage s'aère un peu, la harpe s'attarde sur les horizons désolés, se profile au loin "The Tower To Eternity". La voix de Sifichi se dédouble, le dub se fait statique et plus sourd, la harpe voltige encore sur la fin. Retour à l'ampleur splendide du premier titre avec "My Legs, My Arms, My Mind & My Brain", dub baudelairien de l'être brûlé par  ses impasses. Crépitements, cycles cristallins de la harpe (du synthé-harpe) pour "Invisible Click" qui prépare le terrain de "Hope Of Utopia", l'horizon s'éclaire, des enfants s'interpellent, le monde existera encore ?
    Un disque très cohérent, beau parcours qui nous sera peut-être plus intelligible si le disque nous fournit les paroles des poèmes, parfois difficiles à saisir au vol.

Paru en mars 2010 chez Jarring Effects / Discograph /12 titres / 47 minutes.
Pour aller plus loin
- la chronique de Short Cuts, leur album précédent.
- le très beau site perso de Black Sifichi

- album en écoute et en vente sur bandcamp :

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 3 février 2021)

Rédigé par Dionys

Publié dans #Pop-rock - dub et chansons alentours

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