Bruce Brubaker (1), interprète sensible des musiques d'aujourd'hui.

Publié le 19 Novembre 2009

Bruce Brubaker (1), interprète sensible des musiques d'aujourd'hui.
   Tout me menait vers Bruce Brubaker, ce pianiste américain enseignant à la Julliard School et directeur du département de piano du New England Conservatory de Boston. Parce qu'il compte parmi ses élèves Francesco Tristano Schlimé, l'un des deux pianistes de l'excellent trio Aufgang (chroniqué récemment). Et parce qu'il interprète les grands compositeurs américains que je défends depuis longtemps. Philip Glass et John Cage dans son premier disque paru en 2000 sur le label Arabesque, auquel il reste fidèle depuis. John Adams et Alvin Curran sur Inner Cities paru en 2003. Voilà un enregistrement magnifique pour découvrir ces deux immenses compositeurs, même si trois (quatre ?) des cinq œuvres proposées sont disponibles ailleurs. "Phrygian Gates" et "China Gates" de John Adams ont été enregistrées par la pianiste Gloria Cheng-Cochran sur le label Telarc en 1998. Ce sont deux compositions qui témoignent d'une première période minimaliste de John Adams, qui a depuis pris ses distances avec ce courant. Sous les doigts de Bruce, la première est une longue pulsation flottante sur un brouillard lumineux coupé de cadences dynamiques ; la seconde,  incantation en boucles chromatiques intenses. Le pianiste belge Daan Vandewalle a quant à lui consacré un coffret de quatre cds aux Inner Cities d'Alvin Curran, l'un des premiers monuments pour le piano de ce vingt-et-unième siècle (cf. chronique).

Bruce Brubaker propose en plus une transcription inédite pour piano d'une aria de l'opéra Nixon in China de John Adams : page au lyrisme fluide, sensible, toute en transparences tranquilles.  Et puis il joue, il ose jouer la musique d'Alvin Curran. "Endangered species", un morceau ailleurs interprété au diskklavier, échantillonneur et synthétiseurs. Ici, c'est une interrogation litanique d'une bouleversante douceur posée au bord du silence dans la ouate de l'impalpable.

Et puis il y a "Inner Cities I", première pièce de l'immense cycle d'Alvin. Comparer les interprétations de Daan et de Bruce ? Les deux sont remarquables. Daan, rigueur analytique, tenue et densité, toucher ferme ; Bruce, attention, retenue et douceur, toucher tendre... Pour aller vite ! À chaque écoute, de toute façon, je bascule, quelque chose s'ouvre, se déclenche, je frémis, j'écris. Ceci par exemple :

 

Touche le fond

Touche-le

Touche le fond           le fond

Touche

Et

Rebondis

Bondis

Touche le bond

Le bond du fond

Tout au fond

Touche tout le fond                           

Le Tout du fond

Au fond du fond

Sans relâche

Touche

Ne te lasse pas

Appuie sur la touche

Qui les contient toutes

Délivre-nous des touches

Ne lâche pas la touche

Tu la tiens       ne cesse pas de la frapper

Ostinato

Ça vient          ça cède

Touche la touche

Coule dans la douceur des dessous

Touche sous la touche

Il n’y a plus de fond

Tout vient       l’eau des touches remplit la bouche d’infini

La touche fait souche dans la renverse du ciel

La touche touche

Accouche le silence    le silence qui lance

Le silence délicat des aubes diaphanes

Le silence qui danse éperdu au bord des notes caressées

 

En écoutant Inner Cities I d’ Alvin Curran

27 septembre -19 novembre 2009

(Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 27 janvier  2021)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :