Carl Craig / Moritz Von Oswald : le mariage du classique et de l'électronique.

Publié le 9 Mai 2011

Carl Craig / Moritz Von Oswald : le mariage du classique et de l'électronique.

   Après les Sessions de Carl Craig, pas question d'en rester là. Une publication sur le label allemand Deutsche Grammophon, une référence pour la musique classique et celle du vingtième siècle, m'intrigue : que vient-il faire dans ce sanctuaire respecté ? Il n'y est pas seul...

   À partir d'enregistrements originaux sous la direction d'Herbert von Karajan chez Deutsche Grammophon du Boléro (1928) et de la Rapsodie espagnole (1907) de Maurice Ravel et des Tableaux d'une exposition (1874) de Modeste Moussorgski - ces derniers furent d'ailleurs orchestrés par le même Ravel,  Carl Craig et Moritz Von Oswald, deux icônes de la musique électronique, le premier aux États-Unis (voir l'article précédent), et le second en Allemagne, ont élaboré ce disque extraordinaire, et je pèse mes mots.

   Après les Sessions de Carl Craig, pas question d'en rester là. Une publication sur le label allemand Deutsche Grammophon, une référence pour la musique classique et celle du vingtième siècle, m'intrigue : que vient-il faire dans ce sanctuaire respecté ? Il n'y est pas seul...

   À partir d'enregistrements originaux sous la direction d'Herbert von Karajan chez Deutsche Grammophon du Boléro (1928) et de la Rapsodie espagnole (1907) de Maurice Ravel et des Tableaux d'une exposition (1874) de Modeste Moussorgski - ces derniers furent d'ailleurs orchestrés par le même Ravel,  Carl Craig et Moritz Von Oswald, deux icônes de la musique électronique, le premier aux États-Unis (voir l'article précédent), et le second en Allemagne, ont élaboré ce disque extraordinaire, et je pèse mes mots.  Je vous sens partagés sur le disque précédent, encore réticents à reconnaitre le talent de Carl Craig. Trop techno, ces sessions, élémentaires par leur minimalisme affiché, pensez-vous. Vous le soupçonnez de facilité, ne niez pas. Ce "Recomposed" écarte vigoureusement ces reproches infondés. Les deux hommes, à peu prés de la même génération, Carl est de 1969 et Moritz de 1962, plongent dans la matière sonore des deux chefs d'œuvre pour en tirer une véritable symphonie électronique d'une ampleur inédite, plus de soixante-quatre minutes qui dépaysent radicalement le substrat classique - lequel s'y prêtait évidemment si l'on pense particulièrement au Boléro languide et répétitif de Ravel, matière rêvée pour une transposition dans l'univers des boucles machiniques. Le résultat est une fresque synthétique ambiante qui commence dans d'amples drapés (l'introduction) pour s'étoffer progressivement de strates percussives entrelacées de plus en plus complexes, bondissantes (les mouvements 1 à 4). Suit un interlude à la Tim Hecker, splendide avec ses nappes ondulées, puis deux mouvements plus longs encore.

   Le mouvement 5 est dû à Carl Craig, qui prouve sa capacité à écrire une musique d'une beauté raffinée, plus ravélienne que nature, mystérieuse et puissante : il dégage du Boléro la quintessence du sortilège pour le décupler, tout en conservant la structure solide des Tableaux. Presque treize minutes de stupeur : l'auditeur terrassé est sous le charme, au sens étymologique, placé devant un véritable Graal musical. J'ai pensé au David Shea du Satyricon ou de Tryptich. C'est inoubliable, magnifique, majestueux, total, et le mouvement 6, un peu plus de quatorze minutes dues à Moritz von Oswald, donne à l'ensemble une imprévue dimension africaine avec l'adjonction de percussions boisées sur le fond des cordes. On s'enfonce dans une nuit tropicale touffue, traversée d'éclairs sourds et de fulgurances rampantes. Diantre, ces deux hommes sont des sorciers, des sourciers qui ont su choisir les sons les plus passionnants, sans ajouter qu'un piano sur une plage, une contrebasse sur trois pistes et les percussions sur le dernier mouvement. Pendant le long mouvement de Moritz carillonnent comme  les cloches extatiques d'un mariage qui suspend le temps, avant de laisser la place aux seules percussions pulsantes. Chapeau bas : la musique électronique confirme la stature de deux compositeurs qui n'ont rien à envier à leurs prédécesseurs classiques. 

Paru chez Deutsche Grammophon en 2008 / 8 titres / 64 minutes.

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 30 mars 2021)

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