Erik K. Skodvin - Flare
Publié le 15 Janvier 2013
Musicien norvégien né en 1979, fondateur du label Miasmah recordings, graphiste, Erik K. Skodvin a sorti fin 2010 Flare, premier album publié sous son vrai nom (parmi ses pseudonymes, Deaf Center ou Svarte Greiner) sur le label berlinois Sonic Pieces, qui a le vent en poupe sur Inactuelles.
L'album est envoûtant : dix atmosphères ciselées dans le moindre détail, prenantes, denses, belles. Le norvégien associe des sons acoustiques - guitare, piano, claviers, violon, basse, avec quelques incursions de voix - à quelques bruits environnementaux choisis. Tout est traité avec une grande sobriété, chaque note ou chaque son se détachant nettement : une évidente prédilection pour des sons bruts, rêches, crée pour l'auditeur une impression de grande proximité, atténue ce que la musique a de dramatique dans ses développements par nappes crescendo ou par insidieuses progressions, lents paliers qui nous entourent peu à peu. Un zeste de réverbération, quelques échos, donnent à la musique une profondeur souvent somptueuse, une aura rêveuse mais tendue, farouche. Le premier titre, "Etching an entrance" donne le ton : on commence peut-être à l'intérieur du piano, en caressant, frottant les cordes, tandis que surgissent des sons caverneux, épais, que le piano se fraye un chemin entre les deux. Comme une eau-forte (c'est le sens d'etching), la matière sonore est travaillée au burin, imprime des sillons précis dans la pâte.
"Matiné", c'est le piano qui écarte le silence à coups de notes résonnantes, s'étoffant en brèves grappes, rejoint par la guitare grattée et des drones discrets, surmontés par un violon stratosphérique, aux sonorités fines, limpides : pour la salutation de quelle aube de glace et de grâce, traversée par des oiseaux séraphiques ? Extraordinaire pièce ! On frappe sur une caisse (de guitare ou sur le cadre du piano), ce qui éveille le piano aux notes préparées (dirait-on), une voix s'élève, légère, translucide, "Pitch Dark" est un autre miracle de ce disque. La guitare domine "Falling eyes", enregistrée de très près pour nous donner le moindre frottement et tout le dégradé des échos : simple, et beau. "Neither dust" chemine au fil de boucles de guitare parsemées de quelques notes de piano et de virgules de claviers, de vents, peu à peu développées en filoches enveloppantes. On croît entendre des profanateurs de tombes au début de "Graves", scandé par des coups sourds dans une atmosphère épaisse, ténébreuse à souhait, avec voix d'outre-tombe : debout les morts, les Temps sont venus, car il y a paradoxalement quelque chose de presque jubilatoire, dans cette tranquille et méthodique avancée. Piano roi, grave, pour "Escaping the day", tout en échappées de lumières troubles : ne marche-t-on pas sur la mer de cendres à la rencontre du Mystère ? La guitare flambe sur "Stuck in burning dreams", tournoiement de visions au rythme du grattement lancinant. Et puis voici "Vanished", orgue souverain, prince anthracite serti par le piano lumière : lointain écho des chansons perdues de Nico avec son harmonium, il ravira aussi les amateurs de Tim Hecker : un diamant noir pour rêveurs fous... Le violon réapparaît dans le somptueux "Caught in flickering lights" à la splendeur élégiaque, transcendant le grattement obstiné de la guitare, les gonflements sonores sourds surgis des profondeurs. Un parcours impeccable, impressionnant !
Paru en 2010 chez sonicpieces / 10 titres / 36 minutes
Pour aller plus loin
- le site personnel de Erik K. Skodvin
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 25 mai 2021)