Fred Frith - To sail, to sail : une odyssée de la guitare !

Publié le 3 Septembre 2011

Fred Frith - To sail, to sail : une odyssée de la guitare !

   Je suis toujours dépassé par la production discographique de ce musicien expérimentateur, improvisateur, qui ne cesse pas de surprendre nos oreilles. Ce disque est le troisième que Fred Frith consacre à son instrument favori. Ou fétiche. Ce prolongement de lui-même, de plus de trente-cinq ans de carrière. Guitar solos, c'était en 1974. Puis il y eut Clearing, en 2001. Trois îlots dans un itinéraire incroyable, marquée par l'expérience Henry Cow de 1968 à 1978, et par tant d'autres groupes : Material, Skeleton Crew, Naked City, Death Ambient, le Fred Frith Guitar Quartet... 

  Si vous entrez dans le disque par hasard, disons par le titre cinq, "Mondays", il n'est pas sûr que vous reconnaissiez la guitare. Vous allez penser à un instrument oriental, une cithare qîn, par exemple : musique chinoise ? Mais non, plus proche du gamelan balinais...car il ne faut oublier les dédicaces. Chacun des seize titres improvisé sur une guitare acoustique Taylor 810 cordes acier est un hommage à un musicien qui a compté dans le parcours artistique de Fred. Or, "Mondays" est dédié à Nyoman Windha, l'un des principaux compositeurs de la musique balinaise d'aujourd'hui. Et notre anglais a toujours l'oreille qui traîne partout à la recherche de nouveaux sons : il a été, comme d'autre compositeurs contemporains, fasciné par l'univers sonore de l'orchestre gamelan. Aussi l'album est-il à sa manière une traversée des styles, un tour du monde des univers sonores. S'il s'ouvre avec "Because your Mama wants you home", sous les auspices du blues avec la dédicace à Champion Jack Dupree, le pianiste et chanteur de blues de La Nouvelle-Orleans, il se referme avec "King dawn", dédié à Terry Riley, l'un des fondateurs de la musique répétitive. Pour autant, il ne s'agit pas de pastiches laborieux, ou d'exercices de style : Fred Frith, au sommet de son talent, dialogue de maître à maître. Les pièces sont éblouissantes d'élégance, de force épurée. Écoutez "Dog watch", dédié à Daevid Allen, l'un des fondateurs de Soft Machine : la guitare chante, pleure, avant de laisser la place à un final métallo-percussif étonnant. Ou encore "Life by Another Name", hommage au guitariste de Denver Janet Feder : pas très loin de l'univers de John Cage avec une guitare qui sonne préparée ou pas, mais mélodique, splendide, écho au titre dix, explicitement dédié au précédent, véritable étude pour guitare préparée.

    Si l'on ajoute que tout cela a été improvisé, enregistré en deux jours, et que le disque est d'une musicalité exceptionnelle, on n'aura encore rien dit de ce chef d'œuvre de la guitare, pincée, frottée, frappée, caressée, triturée, explorée  par un musicien exceptionnel qui livre un chant d'amour à son instrument. Avec lui, on en reste à la première lumière, miraculeuse, celle de "First Light", piquée du bout des doigts aux cordes en référence à Robbie Basho (deux titres en écoute ici), maître du genre.

   Paru en 2008 chez Tzadik / 16 titres / Une heure.

Pour aller plus loin

- la discographie exhaustive (impossible de la retrouver...) de  Fred, disques et contributions diverses, où l'on découvre que l'album ci-dessus porte le numéro 491 !!

- deux titres en écoute sur le site de Fred.

- Pour élargir la perspective, un des précédents albums solo de Fred Frith, celui de 1991 :

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 12 avril 2021)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :