Jon Hopkins - Insides
Publié le 13 Janvier 2011
Tranquilles dérives
Insides est le troisième album de ce britannique, pianiste et compositeur d'une musique électronique qui laisse encore une place à des instruments acoustiques, musicien que j'ai découvert à l'occasion de la sortie du dernier opus de Brian Eno, Small Craft On a Milk Sea. L'album s'ouvre sur un titre très folk avec violon et cordes, fond brumeux de claviers : pourquoi pas, mais rien de bien passionnant. Le titre qui suit, "Vessel", est par contre une merveille de musique ambiante : ouverture intersidérale (il s'agit donc d'un vaisseau spatial), piano en boucles douces, beats syncopés, pour une belle montée en intensité dans une gangue de violon électrique et de cordes lointaines. Dommage que la sérénité qui nous envahissait soit brutalement brisée par un déferlement de déchirures percussives cette fois incongrues..rupture heureusement annonciatrice de la plage titre, elle aussi réussie... Mais il y a décidément chez Hopkins une suavité mélodieuse qu'il semble prendre plaisir à saccager par des dérapages métalliques et des froissements épais. Le flux reprend, mystère plombé qui ne manque malgré tout pas de charme. "Wire", tout en claviers tournoyants ponctués par une rythmique sèche et dynamique, confirme le sens mélodique, l'aisance du musicien qui sait nous titiller l'oreille : nous voici presque dans le monde de la techno.
"Colour eye" reprend l'indolent voyage interplanétaire dans un cosmos piqueté de beats nerveux, avec un piano nébuleux pas si loin de l'univers d'Harold Budd : c'est ne pas compter avec les nuages méchants de particules qui viennent bombarder l'astronef, trou noir dans la plage qui ne s'en remet pas, pataugeant dans l'humide d'une planète inconnue. Sans doute faut-il apprécier la musique à l'aune d'un scénario de science fiction, ici d'une collision suivie d'un écrasement mou dans un monde putride ? Toujours est-il que nous voilà propulsés à l'intérieur d'une mélodie qui vrille le crâne, oh si doucement, et qui se répète dans le battement des claviers et des percussions assagies : c'est "Light through the veins", nous pulsons dans les artères de ce monde intrigant, neuf minutes suspendues, trop étirées, qui virent vers une certaine fadeur mièvre, dommage. Le piano est au premier plan de "The Low places", quel beau titre et quel beau début ténébreux, à l'insidieux moelleux. Le morceau s'anime avec des beats pointillistes qui semblent s'intercaler entre les notes délicates du piano : tricotage audacieux qui laisse la place à des moments éthérés. Jon Hopkins conduit sa barque avec sureté pour nous offrir une musique séduisante, pourquoi le lui reprocher ? Qui ne fondrait à l'écoute de la délicieuse pièce "Small memory", piano si doux aux notes clairsemées ? "A Drifting up" tient les promesses de son titre : il suffit de se laisser porter. Une légère mélancolie voile le dernier court titre, ruisseau limpide de piano.
Un disque à la beauté discrète et insinuante, auquel on finit par pardonner ses quelques moments plus discutables.
Paru en 2009 chez Double Six / Domino Records
Dio. - Au fait, et le second passager ?
Meph. - Passager de quoi ?
Dio. - Ben, du radeau...
Meph. - Je l'ai poussé !
Dio. - Quoi, tu n'apprécies pas le grand guitariste Leo Abrahams, convié par maître Eno sur son dernier disque ?
Meph. - Cette musique d'instrumentiste talentueux m'ennuie à mourir. Jamais pu supporter. Même John Mclaughlin, j'ai envie d'écrire Mac Laughing tellement je m'esclaffe sévère.
Dio. - Tu as raison. The Grape and the Grain, pas moyen d'en tirer vendange ou récolte. Je l'envoie...
Meph. - Au diable ? Merci, qu'il se noie dans sa mer de lait. Je ne me souviens que de "A Ghost in every Corner", là je commençais presque à frémir...
Paru en 2009 chez Double Six / Domino / 10 plages / 48 minutes environ
Pour aller plus loin
- le site personnel de JH
- une vidéo d'un remix de "Vessel" par Four Tet : visuellement superbe !
- album en écoute et en vente sur bandcamp :
( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 25 mars 2021)