Maya Beiser : "Provenance", le frisson des origines.

Publié le 6 Août 2010

Maya Beiser : "Provenance", le frisson des origines.

   Cinq titres, cinquante cinq minutes pour évoquer notamment l’Âge d’Or de la musique espagnole, entre le neuvième et le quinzième siècle, quand les trois monothéismes, musulman, chrétien et juif, se côtoyaient dans une relative harmonie. Pourtant, le nouveau disque de Maya Beiser, violoncelliste de toutes les expériences avant-gardistes de la musique contemporaine américaine, de Steve Reich à Bang On A Can, n’est pas une entreprise folklorique. Cinq compositeurs d’aujourd’hui donnent leur version de la tradition, de l’origine, les deux revivifiées par une véritable écriture. Oud, percussions, viennent épauler le violoncelle roi sur trois des cinq titres. Kayhan Kalhor, compositeur iranien maître du kémantché, signe "I was there", le premier titre d’un peu plus de quinze minutes. Maya considère le kémantché, cette vielle à archet fondamentale du Moyen-Orient, comme l’un des ancêtres possibles du violoncelle occidental. Longue introduction sinueuse avant l’entrée du oud : c’est le titre le plus oriental, rêveur et méditatif, caressant, avec un dernier tiers assez dans l’esprit de la musique soufie. L’arménien Djivan Gasparian, maître du duduk, l’équivalent de notre hautbois, donne "Memories", une pièce  pour violoncelle solo d’une mélancolie alanguie, un peu comme la spirale qui s’échapperait d’une pipe dans l’air calme. Le tour de Méditerranée se poursuit avec "Mar de leche", de la compositrice israélienne Tamar Muskal : le morceau greffe sur une mélodie traditionnelle de la musique des juifs sépharades, interprétée a capella par la chanteuse Etty Ben-Zaken au tout début, des variations nettement plus contemporaines. Le sommet de ce magnifique parcours est "Only Breath" de Douglas J Cuomo, méditation envoûtante pour violoncelle solo et environnement électronique inspiré à la fois par l’Andalousie et la Turquie soufie : plus rien toutefois d’exotique ou pittoresque, tout simplement une page sublime de violoncelle démultiplié par une mise en espace d’une infinie suavité. Le dernier titre, "Kashmir", étonnant arrangement d’Evan Ziporyn d’un morceau de Jimmy Page et Robert Plant, s’il surprend au premier abord, s’intègre à merveille dans cette exploration tous azymuth des origines…de Maya Beiser elle-même, enfant bercé par les mélopées orientales mais aussi par le rock. Un disque abouti, dispensateur de paix…

Paru en 2010 chez Innova / 5 plages / 54 minutes environ

Pour aller plus loin

- un article antérieur sur les disques précédents de Maya.

- un autre sur elle et le groupe rennais Psykick Lyrikah : deux lyrismes inspirés, visionnaires.

( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 11 mars 2021)

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