Mi & L'Au - If Beauty Is A Crime
Publié le 26 Janvier 2012
Troubles envoûtements synthétiques
Mi & L'Au, c'est Mira Romantschuk, la finlandaise, et Laurent Leclere, le français, duo qui en est à son troisième album. N'en déplaise aux puristes de tout bord, je ne résiste pas à les présenter.
Meph. - Tiens, Môsieur condescend à rejoindre le populaire, à abandonner ses hauteurs sublimes, ses absolus vertigineux ?
Dio. - Toujours aussi sarcastique ! Mais je te répondrai qu'il faut de tout pour faire un monde...
Meph. - Sapristi, tu ne nous avais pas habitué à de si troublantes vérités...
Dio. - Tranquille, démon ! D'ailleurs, tu devrais te réjouir : j'ai succombé au charme de ces deux voix qui s'entrelacent parfois le plus tranquillement du monde, ou qui, chacune de leur côté, égrènent des chansons douces et troublantes, simples et envoûtantes. J'ai souvent eu l'impression d'être à un spectacle de Philippe Genty, avec les musiques de René Aubry.
Meph. - Musique pour marionnettes. Mondes décalés, un peu foutraques, avec des manèges qui tournent, tournent, dans une atmosphère irréelle...
Dio. - Magique, c'est ça. "Magic 80", c'est le cinquième titre, chanté par Mira avec accompagnement au piano...
Meph. - On t'a dit que personne ne joue de rien. Ni piano, clavier ou cordes. Que du synthétique concocté par ordinateur, qu'ils disent.
Dio. - Je n'y entends que du feu, si j'ose dire. Peu importe. Ce qui compte, c'est la beauté limpide de cette ritournelle, suavement interprétée. Et puis j'aime beaucoup cette sensation de musique mécanique, à la fois mystérieuse, froide au premier abord, brûlante au second, qui s'insinue pour vous entraîner dans un univers charmant, sensuel.
Meph. - Imagine dans un film de Dario Argento : une grande demeure baroque, des poupées désarticulées échouées contre les murs couverts de graffitis bizarres.
Dio. - Du crime dans l'air, commis par des dandys raffinés et décadents. Des découpes dramatiques, comme dans le premier titre, "Territory is an animal": roulements de tambour, silences, pizzicati intrigants, cordes frémissantes qui finissent par déraper dans le suave...
Meph. - Oui, mais j'entends aussi l'ombre de Kraftwerk, du Krafwerk joué au ralenti par des robots vêtus de fourrures infiniment captieuses...
Dio. - Je me doutais que le parfum un soupçon vénéneux allait te ravir. On dit nos titres préférés ?
Meph. - "360", très hanté, très René Aubry, ronde lancinante, tendre duo irrésistible, ils sont à croquer !
Dio. - "Faces", le septième, valse d'une élégance déchirante, chanté-murmuré par Mila.
Meph. - Sans oublier les deux derniers titres, deux instrumentaux (le premier quasiment) d'une électro aérienne, ciselée. On marche sur des miroirs brisés dans "One day". Avec "Warrior", on est sur une exoplanète balayée par un vent polaire. Pas très loin de certains paysages à la Brian Eno, je pense notamment à "Late anthropocene" sur Small craft on a milk sea...
Dio. - Tout à fait...
Meph. - Une fin sublime, non ?
Dio. - Je rêve, ou tu te moques ? Toi aussi, tu abuses de cet adjectif honni ?
Meph. - Ne suis-je pas d'essence sublime ? L'aurais-tu oublié ?
Dio. - Quelque chose m'inquiète. Notre chronique est mauvaise !
Meph. - Pourquoi donc ?
Dio. - On a oublié de compter les notes, le nombre d'accords, pour savoir si la musique était riche ou pauvre...
Meph. - Nom de ...Tu vois ce que tu fais ? Tu en es là !!
Dio. - Moi, non. Mais d'autres le font, et le verdict tombe comme une hache. En dessous de quinze accords, à peu près, ça ne vaut rien.
Meph. - Pour paraphraser Léo Ferré, voilà ce que tu peux leur répondre : les auditeurs qui comptent les notes ne sont pas des auditeurs, ce sont des comptables, sourds et insensibles. Ne me parle plus jamais de tels errements. Je n'en veux pas en Enfer, de ces ectoplasmes !!
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Paru fin 2011- début 2012 chez Alter K / 11 titres / 43 minutes
Pour aller plus loin
- une fausse vidéo de "360" :
( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 15 avril 2021)