Peter Adriaansz : un pont entre deux rives.
Publié le 5 Mars 2013
« Je veux composer une œuvre - qui ne soit rien que de terrifiantes colonnes bleues. Tout en longueur. Des « big bangs ». Des silences. » affirmait Louis Andriessen, le plus célèbre compositeur néerlandais contemporain. Neuf ans plus tard, en 1981, il mettait la touche finale à sa composition nommée De Tijd (Le Temps) qui restera sans aucun doute, pour moi, sa plus belle œuvre.
Le néerlandais Peter Adriaansz, né en 1966, est à Louis Andriessen (dont il fut l’élève) ce que David Lang et Michaël Gordon sont à Steve Reich et Philip Glass : des enfants certes, mais terribles. Toutefois, natif de Seatle, Peter Adriaansz convoque sur son passé très européen un présent très américain et jette ainsi dans sa musique un pont entre deux rives. De la rencontre improbable entre les colonnes bleues de Louis Andriessen et les drones de Duane Pitre va émerger la magie de la musique de Peter Adriaansz.
Three Vertical Swells est une œuvre pour ensemble amplifié, orgue hammond et signal sinusoïdal. D’un drone proche de ceux de Duane Pitre (créé entre autres par un archet électronique sur les cordes d’un piano) émerge tout d’abord une pulsation sourde, comme un écho radar lointain, une vague . Puis la musique monte dans les aigus et le piano, utilisé comme une percussion, rythme la progression de la vague et soudain, sans que l’on s’en rende vraiment compte, le son caractéristique de l’orgue hammond émerge. Le piano percussion accélère, le drone semble s’emballer… et en un mouvement continu, tout redevient calme.
Le deuxième mouvement (bien qu’il n’y ait pas d’interruption entre les 3 mouvements) commence avec une double pulsation, puis des percussions viennent donner un rythme à la vague, un pouls. Le rythme, d’abord lent, se fait plus rapide, disparait pour revenir à nouveau, telle une courbe sinusoïdale.
Le troisième mouvement démarre avec la pulsation et l’orgue hammond. De l’ensemble amplifié, un drone sous forme de vagues monte et descend, pendant que le piano et les percussions rythment rapidement la musique qui va crescendo, pour s’évanouir dans le silence.
En écoutant la musique de Three Vertical Swells, l’impression est vraiment celle décrite par Louis Andriessen, celle des colonnes bleues et leurs bangs verticaux. Le résultat est une musique très terrienne, dense comme un brouillard flottant au fond d’une vallée, sans doute assez froide, mais définitivement envoûtante.
Si la deuxième œuvre du disque, Music for sines, percussion, ebows & variable ensemble - dont le titre n’est pas sans rappeler ceux des œuvres de Morton Feldman – semble assez similaire à la première, avec toujours ce concept de vague sinusoïdale, elle apporte une touche plus aérienne à la musique avec l’ajout d’une voix. La très belle utilisation de cette voix comme instrument dans Music for Sines sonne comme un lointain écho du chœur de voix de femmes écrit par Louis Andriessen pour De Tijd.
La musique de Peter Adriaansz est une musique exigeante mais fascinante pour des oreilles un peu curieuses. Un pont entre la musique d’inspiration répétitive de son ainé Louis Andriessen et les performances et expériences microtonales de Duane Pitre.
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Paru chez Unsounds en 2010 / 8 titres / 59 minutes
Une chronique de Timewind
Pour aller plus loin
- la première partie de Three Vertical Swells en écoute sur Soundcloud à la page du label
- "Wave 5-7" , extrait de Waves, interprété par l'Ensemble Klank, en bas de l'article.
( Nouvelle mise en page + ajout d'illustrations visuelles et sonores le 3 juin 2021)