Publié le 19 Janvier 2024
Dernier bus pour nulle part...
Zane Trow est comme un archiviste sonore, fasciné par les échos, les traces. Son dernier album, Quire, n'est-il pas un cahier pour consigner les rêves des créatures fantomatiques que nous sommes ? Il écrit une musique ambiante résolument crépusculaire, aux formes changeantes et brumeuses, au bord de la dissolution, dans laquelle synthétiseurs, dispositifs, enregistrements de terrain et traitements sont étroitement fondus. C'est à peine si l'on entend le saxophone de Stephen Spencer, qui manie aussi les traitements, sinon comme un fantôme de plus.
C'est la musique énigmatique du premier titre, "Cast", qui m'a mené vers cet article. À chaque fois, les titres sont ambigus. Comment faut-il les comprendre ? De quels acteurs s'agit-il, de quelle distribution ? Des créatures perdues dans un bruissement étrange, ainsi dans "Klute", on s'enfonce dans la forêt des sons. On entend des inflexions inconnues, douces et envoûtantes, comme dans "Lilt", qui nous encerclent, apparaissent et disparaissent. Irons-nous nous perdre avec elles dans l'évanescence de la nuit infinie ? Prendrons-nous le dernier bus ("Last bus", titre 4), dont la destination semble bien ténébreuse ? "Quire" tournoie, s'effiloche, comme si les souvenirs, revenus nous obséder, étaient absorbés dans des lointains, des tourbières. Sur le cahier, presque rien de vraiment palpable. il n'y a que des silhouettes, des esquisses fuyantes. On pourrait croire que quelque chose va se concrétiser, sur "Pamphlet", un vrombissement discret de stridences, un moteur secret ? Une usine envahie par des jets de vapeur, vite avalée par les eaux troubles du Temps. Le loup commun hurle sur des landes luminescentes ("Wolf Common, titre 7), des forces tourbillonnantes font place nette, le loup n'a jamais existé..."Haunted Cane Field Dub" (titre 8) est un brouillard ambiant épais, hanté de frissonnements, de voix inconnues. La vérité d'un monde en voie de disparition...
J'aime bien ce disque simple, de la belle ambiante un peu inquiétante, nimbée d'une brume métaphysique, idéale pour une nouvelle fantastique subtile ou pour rêver à notre inanité.
Paru en octobre 2023 chez Room40 (Brisbane, Australie) / 8 plages / 29 minutes
Pour aller plus loin
- album en écoute et en vente sur bandcamp :